San Giorgio Maggiore au petit matin, 1819, aquarelle, 224 x 287 mm, Tate Gallery, Londres.
Parmi les « coups de cœur » sélectionnés par LesArts57 figurent aussi les aquarelles vénitiennes de William Turner. William Turner tombe sous le charme de Venise, cette ville des transparences où tout se mélange : l’eau, le ciel, l’architecture. Harmonie de bleus gris, jaune, violet et roses, lumière changeante en fonction des moments du jour. Délicate aquarelle où il capte l’ambiance humide de la brume matinale sur la lagune dissolvant la silhouette des édifices, néanmoins bien présents. Turner emplit de nombreux carnets de croquis. Il dessine directement d’après nature avec mine de plomb, crayon et aquarelles sur « fond lavé gris » pour obtenir une certaine cohérence et unité picturale. Rentré dans sa pension, il retravaille couleurs et lumière faisant appel à sa mémoire visuelle phénoménale et à son imagination.
Venise, vue de la Giudecca en regardant vers l’est, soleil levant. 1819, aquarelle, 224 x 287 mm. Tate Gallery, Londres.
Pionnier, Turner se procure, dès leur apparition, les premiers tubes en métal qui permettent alors l’usage de la peinture en en plein air. Il essaie les nouveaux pigments en particulier le jaune de chrome qui va devenir sa couleur de prédilection. A l’époque, le jaune symbolisait la trahison, on lui préférait le jaune d’or. Très novateur aussi, il recouvre ses toiles de fond blanc, plutôt que les fonds sombres habituels, ce qui rend ce jaune encore plus éclatant. Infatigable, malgré les critiques, il cherche le ressenti, l’émotion. Il prend des libertés avec le paysage réel : un campanile plus haut, un bâtiment ajouté, … la poésie prime sur la fidélité de la représentation.
Autoportrait, 1799, huile, 74x58 cm, Londres.
Fils d'un barbier de Covent Garden, un quartier de Londres, Joseph Mallord William Turner(1775–1851)travaille très tôt chez un architecte, prend des cours de perspective et de topographie, puis à 14 ans, entre à l’école de la Royal Academy. Grand voyageur, il parcourt la Grande-Bretagne. En 1817, la paix instaurée en Europe, il part à la découverte du continent : Belgique, Pays-Bas et Rhénanie d’abord. Suivent de nombreux voyages, en France, Suisse et Italie (trois séjours en 1819 / 1828 / 1840). Le premier « Grand Tour » d’Italie de six mois, à Rome, Naples et Venise est volontiers considéré comme une période clé dans sa carrière. Il est très impressionné par la blancheur des nuages, vus de près en passant par les Alpes.
Admiratif des maîtres anciens comme Poussin, Claude Gellée, dit « Le Lorrain », Rembrandt, Watteau, Titien ou Canaletto, il s’inspire aussi de ses contemporainsReynolds, Gainsborough, Fuseli …
Dans ses carnets, sont présents des croquis de reproductions d'œuvres vues lors de ses visites au Louvre, dans des galeries ou chez des collectionneurs.
Turner feuilletant des estampes. Dessin de J.T.Smith, conservateur au British Museum, fin 1820.
Chelsea. Terrasse sur le toit que Turner fit construire et d’où il pouvait observer les changements de lumière sur la Tamise.
J. M. W. Turner, Venise : vue sur la lagune au coucher du soleil, 1840, aquarelle sur papier, 24,4 x 30,4 cm Tate.
Palette énergique, dans cette magnifique aquarelle d’une grande modernité avec le rose, l'or et l'orange dans le ciel rendu si lumineux par le nuage violet foncé. Les nuages, ici, sont remarquables comme exemple de la pratique fréquente de Turner, de déposer des couleurs intenses dans le lavis encore humide, de le laisser se graduer en séchant, et en ajoutant quelques touches ultérieures. Composition parfaitement équilibrée, trois bandes, dont 2/3 de ciel (propice à la rêverie !). Des pieux structurants à la surface de l’eau suggèrent une ligne rejoignant le point de fuite. Si le bateau au centre semble être un « rapide gribouillage », l'action du gondolier (sur le côté gauche) est parfaitement donnée dans sa poussée vers l'avant. Style plus vif, la toile suggère plus qu’elle ne décrit.
Le peintre de la lumière laisse plus de 20 000 aquarelles, dessins, peintures, carnets de croquis et gravures. Considéré comme peintre romantique, Turner a inspiré des générations d’artistes, qui, quelques décennies plus tard, donneront naissance à l’impressionnisme.
Depuis le 26 Mai 2020 et jusqu’au 11 Janvier 2021, à Paris, le musée Jacquemart-André accueille une exposition de Joseph Mallord William Turner, incontestablement le plus grand représentant de l’âge d’or de l’aquarelle anglaise, en collaboration avec la Tate Gallery, Royaume-Uni.
Franz Marc, Les Grands Chevaux bleus, (Die grossen blauen Pferde), 1911, 105x181 cm, Minneapolis.
Parmi leurs œuvres préférées, LesArts57 apprécient cette grande toile rarement montrée en Europe. Les couleurs pures, lumineuses, juxtaposées en vastes aplats impressionnent d’emblée. Trois grands chevaux, vus de côté ou de dos, sont debout, têtes tournées vers la gauche devant un paysage montagneux et sous un ciel rempli de nuages. Deux petits troncs d'arbres blancs sans branche, au premier plan et en arrière-plan stabilisent la scène et lui donnent profondeur et luminosité. Ils esquissent un triangle à l’envers qui s’ouvre vers la clarté du ciel. Les chevaux sont arrêtés, leurs têtes en mouvement, et le dernier semble même prêt à repartir, regardant au loin. Le contraste des couleurs complémentaires, (rouge- vert, jaune-violet, bleu-orange), et la structure visible des touches donnent beaucoup de dynamisme. La forme des animaux est traitée comme le paysage, leurs silhouettes épousent le contour des collines. Scène irréelle où les chevaux bleus occupent presque toute la toile, ils dégagent une impression de force mais semblent aussi être des créatures émotionnelles.
Chevaux dans paysage, 1911, aquarelle, 12,1 x 19,6.
Cette petite aquarelle avec crayon sur papier,probablement une étude préparatoire, a fait l'objet d'une attention internationale en 2013. Elle faisait partie du trésor artistique de Munich et de onze œuvres dévoilées au public.
Portrait de Franz Marc par August Macke, 1910.
Fils de Wilhem Marc, peintre paysagiste et professeur, Franz Marc est né en 1880 à Munich. D’éducation protestante, il étudia d’abord la théologie et la philosophie avant de se consacrer à la peinture en 1900. Lors de ses séjours à Paris (1903,1907), il fut marqué par Cézanne, Van Gogh, Gauguin et fasciné par les couleurs pures et audacieuses des Fauves. Sa proximité avec la nature s’exprime à travers les animaux sauvages ou familiers, d’abord les chevaux, ses modèles favoris, mais aussi les chiens, renards, chevreuils … Il réalise de nombreux croquis au zoo de Berlin, travaille sur la posture, l’attitude des animaux. « Très tôt dans ma vie, je trouvais l’homme laid et les animaux me parurent plus beaux … ».Il cherche à saisir, sous l’enveloppe sensible, l’âme des choses.
Petit Cheval bleu, 1912. Sarrebrück.
En 1910, après avoir découvert ses œuvres dans une galerie à Munich et enthousiasmé par le travail de Franz Marc, le peintre rhénan August Macke, se rend dans son atelier. Au gré de leurs échanges, une solide amitié lie les deux artistes qui s’influencent mutuellement. En 1912,ils se rendent à Paris, où ils visitent l’atelier de Robert Delaunay.
"Petit Cheval bleu" est peint à Bonn chez son ami et dédicacé pour le petit Walter Macke, âgé de 2 ans. D’un bleu profond, le petit cheval se détache sur un paysage multicolore. Harmonie, innocence dans ce tableau pour enfant.
Cheval bleu I, 1911. - Cheval bleu II, 1911.
Franz Marc veut représenter la force vitale de la nature et associe à l’animal des qualités : courage, droiture, noblesse… qu’il ne rencontre pas chez l’homme. Ces grands chevaux peuvent être vraiment considérés comme des allégories.
Trois Chevaux rouges, 1911, coll. part. Etats-Unis ; Les Petits Chevaux jaunes, 1912.coll. part. Berlin.
Il étudie les ressentis et les émotions à travers la couleur : « le bleu est l’expression du principe masculin, austère et spirituel. Le jaune est le principe féminin, doux, gai et sensuel. » (Lettre adressée à A. Macke en 1910). Progressivement, il épure l’image, les chevaux deviennent moins figuratifs.
Les peintres expressionnistes, dont Franz Marc fait partie, extériorisent avec force leurs émotions profondes par des toiles aux couleurs éclatantes, saturées, des contours noirs, des perspectives étonnantes à la différence de leurs faux-jumeaux fauves plus guidés par l’idée d’harmonie et de joie de vivre, … Ses chevaux représentaient le symbole d’une génération qui croyait au rêve, à la possibilité d’un monde nouveau.
La rencontre avec Vassily Kandinsky, artiste russe installé à Munich, va être à l’origine d’un formidable mais éphémère mouvement d’avant-garde : le « Blaue Reiter » ou Cavalier bleu qui, en rejetant les conventions académiques, voulait exprimer l’intériorité de l’artiste exprimant avec force ce qu’il ressentait. « Nous avons trouvé le nom « Der Blaue Reiter » en prenant le café […] ; nous aimions tous les deux le bleu, Marc les chevaux, moi les cavaliers » expliquera plus tard Kandinsky. Le bleu couleur céleste, sereine, associé à la dynamique du cavalier en saut, qui franchit toutes les barrières. Référence chrétienne aussi : saint Georges terrassant le dragon. Kandinsky et Marc publient l’Almanach du Blaue Reiter, revue destinée à fédérer des artistes européens. Une première exposition est organisée, associant de nombreux artistes parmi lesquels le français Robert Delaunay, le suisse Paul Klee….
Mais le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France, interrompant ce bel élan artistique européen. Kandinsky retourne en Russie, Marc et Macke sont mobilisés sur le front. August Macke tué en septembre 1914 et Franz Marc en 1916 mortellement touché au cours d’une sortie de reconnaissance à cheval près de Verdun. Franz Marc fut ce peintre expressionniste, qui recherchait le " spirituel dans l’art " et s’orientait vers les voies nouvelles de l’abstraction. Ch. Cl.
Du Spirituel dans l'art : ouvrage de Vassily Kandinsky, 1912.
Tout comme les Néerlandais qui l’avaient élue peinture de l’année 2006, LesArts57 ont choisi « La Jeune Fille à la perle », comme une de leurs œuvres préférées. Cette huile sur toile de Johannes Vermeer est tête d’affiche du musée Mauritshuis, à La Haye.
Johannes Vermeer, La Jeune Fille à la perle, vers 1665, 44 x 39 cm, Mauritshuis.
La « Jeune Fille au turban », nom initial de la toile, fascine toujours autant. On a l’impression qu’elle est interrompue dans son mouvement, qu’on vient de l’appeler. Surprise elle tourne la tête. Le corps vers l’avant, la tête se tourne, les yeux poursuivent le mouvement. Le peintre réussit à lui faire balayer l’espace dans 3 directions (corps, tête, yeux…) lui conférant une posture dynamique. Regard énigmatique, interrogateur, elle interpelle le spectateur avec quelque chose qui ressemble à de l’attente. Vêtements soignés, tissus raffinés, douceur des couleurs, exotisme du turban d’un bleu profond, étroitement et joliment drapé autour de sa tête.
Une restauration en 1994 ravive les couleurs, fait apparaitre une tache rose à la commissure des lèvres et des éclats de lumière à différents endroits.
Aucun trait ne vient marquer l’arête du nez, ni la paupière inférieure, ni cerner la perle éclatante pendant à son oreille, tout est fluide incroyablement représenté.
La perle n’a pas de contours, elle se limite à quelques touches de blanc : en bas le doux reflet de la chemise, au-dessus des éclats de blanc, certains plus forts. C’est vraiment la lumière qui sculpte la forme. Placée au centre de la composition, elle attire notre oeil.Perle noire, argent poli, matériau miroitant, sphère de cristal ? Les spécialistes du costume et de la bijouterie pensent qu’elle est trop grosse pour être vraie ! Elle suscite encore bien des interrogations.
Début 2018, pour analyser la belle, le Mauritshuis, cabinet royal de peinture de La Haye, a accueilli un laboratoire d’analyses mobile et vitré, des plus sophistiqués. Equipe composée de scientifiques et d’historiens de l’art.
Durant deux semaines, le projet de recherche, baptisé " The Girl in the Spotlight " - La jeune fille sous les projecteurs -, a soumis le tableau à toute une batterie d’analyses non invasives parmi les plus abouties du moment (tomographie, fluorescence aux rayons-X, microscopie numérique, etc.) sans priver le public de sa présence.
Première découverte : sous l’aplat sombre de l’arrière-plan, dans l’angle supérieur droit, la figure de détachait sur une tenture vert foncé dont la couleur et les plis ont été effacés par le temps. Et, tout comme sa cousine italienne, la « Joconde du Nord » avait bien des cils fins.
Mais, ce sont surtout les gestes du peintre qui se révèlent. L’artiste aurait commencé à construire son tableau dans des nuances de brun et de noir déposées par d’amples et vigoureux coups de pinceau, avant de tracer la silhouette de la jeune fille par de fines lignes noires. Les scientifiques ont même retrouvé des poils de pinceau figés sur la toile et prouvé que Vermeer avait modifié la composition de l’œuvre en plein processus : la position de l'oreille, le haut du foulard et la nuque ont été décalés.Les images infrarouges confirment le travail du fond vers le premier plan : le visage, la veste jaune, le col blanc, le turban puis la perle.
Une telle analyse apporte aussi de nouvelles connaissances sur l'utilisation et l’origine des pigments. Deux pigments noirs différents : le charbon de bois noir bleuâtre et le noir osseux brunâtre. Les pigments provenaient du monde entier : les blancs d’Angleterre, les ocres (terres, oxydes de fer)d’Europe, mais aussi du Mexique et d’Amérique du Sud pour le rouge issu de cochenilles (présentes sur les cactus), et Inde ou Antilles pour l’indigo. Témoignage de la prospérité des Provinces-Unies, puissance commerciale et maritime dominante dans l'Europe du XVIIe siècle.
Lapis-lazuli d'Afghanistan
L’outremer du turban était fabriqué à partir de lapis-lazuli d’Afghanistan, pierre semi-précieuse qui, au XVIIe siècle, était « plus précieux que l’or ». Pour intensifier la couleur, Vermeer l’aurait chauffée à haute température et ainsi facilité son broyage.
Apparemment, Vermeer sélectionnait aussi soigneusement des pigments blancs de plomb aux propriétés optiques et fluides différentes pour obtenir des transparences subtiles. Il a donné du volume à la fameuse perle en superposant des couches de peinture blanche translucides et opaques, une à partir de pigment « plus blanc que blanc » qui réfléchit la lumière très efficacement et un autre qui semble un peu grisâtre, créant ainsi une illusion de relief.
Analyse microscopique des couches de peinture de la peau du visage en coupe : pigments rouges, ocres, plomb blanc.
Né en 1632 à Delft, Johannes Vermeer est le fils d’un ancien tisserand devenu aubergiste, exerçant occasionnellement une activité de marchand de tableaux. Il passe toute son existence à Delft, où il épouse en 1653 Catharina Bolnes, issue d’une riche famille catholique. Ils auront onze enfants. Vermeer, à la différence de beaucoup, ne peint pas pour vivre. Quarante-cinq tableaux environ, lui sont attribués, soit deux à trois par an en moyenne. Ils étaient acquis à des prix relativement élevés par une poignée de riches amateurs.
Autoportrait supposé de Vermeer dans l’Entremetteuse, 1656.
À la fin de sa vie, les guerres et la chute brutale du marché de l’art tarissent ses revenus. Accablé par les problèmes financiers, il meurt à l’âge de quarante-trois ans en 1675. Après son décès, sa femme et sa belle-mère ont tout fait pour empêcher la saisie et la vente du tableau connu sous le nom de L’Atelier du peintre ou L’Art de la peinture, auquel elles semblaient, avec l’artiste, attacher une valeur particulière. Vermeer y représente, dans son cadre familier, un peintre vêtu à la mode du XVIe siècle, travaillant à son chevalet.
Johannes Vermeer, L’Atelier du peintre, vers 1665-1666, huile sur toile, 120 x 100 cm, Vienne.
Artiste de premier plan, pourtant, après sa mort, le peintre de Delft tombe peu à peu dans l’oubli, et il faudra attendre le XIXe siècle pour qu’il soit redécouvert.
Signature de Vermeer, dans le coin supérieur gauche du tableau. Pour plus de visibilité, les contours ont été redessinés sur ce document.
La Jeune Fille à la perle est singulière dans l’œuvre de Vermeer qui peint surtout des scènes de genre, mettant souvent en scène des femmes dans leur quotidien, mais un quotidien plutôt aisé. Si l’on a longtemps pensé que Maria, la fille ainée de Vermeer, adolescente, aurait pu servir de modèle, cette toile semble plutôt être un portrait idéalisé, une étude caractéristique d'une expression du visage. Ce serait une œuvre dont l'objet est de représenter une physionomie, ici peut être un personnage portant un vêtement exotique.
La Jeune Fille à la perle de Vermeer est une icône adulée, copiée, détournée. Si l’étude scientifique lève le voile sur certains de ses secrets, la belle et énigmatique " Joconde du Nord" garde tout son charme mystérieux et n’a pas fini de nous fasciner.
Après cette pause particulière et avant de pouvoir reprendre des activités de groupe, l’équipe de Les Arts 57 a choisi de partager ses œuvres préférées, une toile, une sculpture…. Émotion, admiration, fascination …. Bientôt !
Pause contrainte en cette période de confinement, Les Arts 57 reprendront leurs activités le moment venu avec les précautions nécessaires. L’essentiel étant bien sûr que chacun se porte bien. Prenez soin de vous, de vos proches, restons chez nous pendant ce temps suspendu pour avoir le plaisir de mieux se retrouver. Un immense bravo à toutes celles et tous ceux qui œuvrent et s'exposent pour que la vie continue.
Auguste Migette, décor pour La Favorite, Metz, 1841.
Après avoir traité le costume de scène l’an passé, il est question cette fois de décors, plus exactement de « scénographie ». Et c’est avec plaisir, qu’une quarantaine de personnes retrouvent Olivier Goetz, maître de conférences en Etudes théâtrales à l'Université de Lorraine, grâce à la collaboration toujours agréable entre Les Arts 57 et Echanges & Culture de Longeville.
M. Goetz est heureux de proposer cette conférence à Longeville justement, là où vécut, au XIXe siècle, l’artiste messin, Auguste Migette. Il fut, entre autres, décorateur au théâtre de Metz durant de longues années. Pour lui rendre hommage, il a retrouvé ce joli carton du décor pour La Favorite, un opéra romantique de Donizetti représenté à Metz, en 1841.
1. Qu’est-ce que la scénographie ?
Synonyme de « décors », ce mot connote l’idée de « décoration ». Décorer, embellir un espace en y ajoutant de jolies choses…, la scénographie a une autre ambition. Elle concerne l’espace théâtral lui-même, son élaboration, pas seulement son aménagement.
Étymologiquement, « theatron », en grec ancien, lieu où l’on voit. Le théâtre est un spectacle, un événement pour les yeux.
Le Théâtre de Dionysos à Athènes,V ème s. av. JC , état actuel.
Le Skénographos, celui qui peint la skénè. Dans l’Antiquité, Skénè, c’est la tente, la cabane, un petit bâtiment en toile ou en bois qui clôt l’espace du théâtre en plein air où les Grecs donnaient les représentations. (Ce n’estpas la scène d’aujourd’hui, plancher où jouent les comédiens). Elle devait servir de loge, permettant aux acteurs (2 ou 3), de changer de masque, de costumes, chacun ayant plusieurs rôles. Peu de traces archéologiques, un peu plus à l’époque romaine où il est construit en pierre.
Ce mur de skénè peint constituait un support pour l’imagination : le palais dans lequel le roi se fait assassiner, ou bien la façade derrière laquelle, le héros se pend … La skénè, comme une cloison sensible, paroi qui inspire des émotions : terreur, pitié, … propres à la tragédie. Elle cache un espace, hors-scène, où se passent des choses qui semblent d’autant plus terribles que le spectateur en est réduit à les imaginer : efficacité bien plus grande que si elles étaient montrées ! Selon Aristote, Sophocle serait le premier scénographe.
Théâtre grec , Epidaure.
Les gradins du théâtre grec, ouverts à 240 degrés, ne permettent pas vraiment de construire des images sophistiquées : les spectateurs se font face. Le théâtre des Romains, (celui d’Orange par exemple), est plus architecturé : scaena plus monumentale, chargée de statues, de peintures, d’or, l’angle d’ouverture des gradins réduit à 180°, l’espace devant la scaena plus profond. C’est la naissance de la scène, au sens que nous lui donnons aujourd’hui.
Théâtre romain d'Orange.
La conception de la scénographie sera différente dans le théâtre grec en rond (ou en sphère) et théâtre romain en carré (ou en cube). Le cercle, plus démocratique, place tout le monde sur un rang d’égalité, on fait une « table ronde ». L’assemblée nationale reprend la structure du théâtre grec.
Le théâtre de rue, le théâtre scout prennent aussi naturellement la forme du cercle. Mais dans cet espace circulaire, les spectateurs sont eux-mêmes dans l’image. C’est plutôt un lieu de prise de parole, d’échange, qui se prête à l’écoute et à la performance orale.
Opéra-Théâtre de Metz, 1757.
Le cube concentre les regards des spectateurs, orientés dans une même direction. Véritable boîte à images, le théâtre dit « à l’italienne » finit par s’imposer aux XVIIIe et XIXe siècle. Les placements très inégalitaires, dans des loges, sur des balcons reflètent les positions sociales ou les moyens financiers. Bel exemple de théâtre à l’italienne, l’Opéra-Théâtre de Metz, construit au milieu du XVIIIe siècle.
Véritable temple dédié au théâtre, à l’opéra, et à la danse, l’Opéra-Garnier édifié fin du XIXème est un bâtiment somptueux. Ses équipements de prestige, les marbres, les ors, la statuaire… en font un chef-d’œuvre du genre. L’important, au théâtre, c’est la scène, or, dans l’ensemble de la construction, elle en est réduite à un cube installé face à la salle. Entourée d’autres cubes, invisibles aux spectateurs : des cintres (au-dessus de la scène) et des dessous (de scène), des dégagements derrière et sur les côtés, la scène est aussi reliée à des magasins de décors, des machineries, des loges et des foyers. Un rideau somptueux, le « manteau d’Arlequin », marque la séparation avec la salle. Lorsqu’ il s’ouvre, la lumière s’éteint, le spectacle commence.
La séparation disparaît physiquement : ce mur invisible, le « 4e mur », permet la vision des spectateurs, mais sur scène, les acteurs, (comme derrière un miroir sans tain) ne sont pas censés voir le public. Par convention, ils « ne savent pas qu’il y a un public », comme l’écrit Stendhal. Aux siècles passés, sans internet, sans télévision ni cinéma, le théâtre (qui comprend aussi l’opéra) est le principal mode de spectacle, produisant les plus belles images, et bénéficiant de tous les artifices pour engendrer l’illusion.
Pour provoquer l’enchantement du spectateur, le texte (la parole proférée) et l’image (le décor, les objets) dialoguent, se mélangent subtilement, et la magie opère (ou pas).
1°) le langage peut être très puissant pour convoquer un « décor » mental. Par exemple, au début de Pelléas et Mélisande, le prince Golaud, apparaissant sur scène, prononce sa toute première phrase : « Je ne pourrai plus sortir de cette forêt… ». Si elle est bien dite, si elle est jouée, cette phrase, est, à elle seule, capable de faire apparaître une sublime forêt dans l’imagination du spectateur (même plongé dans le noir, même aveugle, il « voit » mentalement la forêt !)
2°) La scénographie composée de quelques arbres sur la scène et le spectateur voit avec ses yeux la forêt où se rencontrent un homme (Golaud) et une femme (Mélisande) dont on va bientôt apprendre qu’ils se sont perdus. 2 ou 3 arbres peuvent suffire (même un seul), le spectateur peut alors considérer que la forêt continue au-delà de son champ de vision. Mais, si l’image dit la même chose que le texte, cela peut paraitre redondant. La scénographie, stimulus de l’imagination, ne l’arrête pas, elle la conduit. Le metteur en scène peut laisser libre cours à sa fantaisie et interpréter la forêt, par exemple, par des poteaux télégraphiques, des barres d’immeubles… Un « parti-pris » qui peut plaire ou pas ! Si un texte peut donner lieu à des mises en scène différentes, de même, deux spectateurs placés côte à côte peuvent ne pas voir pas le même spectacle. Il ne se passe pas la même chose dans leurs têtes. La scénographie, partie physique, matérielle, du travail théâtral, a aussi une portée imaginaire. Entre la création de l’auteur et la réception du spectateur, la scénographie est devenue un art spécifique.
2.Un peu d’Histoire.
Certains moments historiques constituent des articulations importantes dans l’histoire de la scénographie.
Au Moyen-Âge, la civilisation chrétienne a banni le théâtre. Miracles et Mystères donnés sur le parvis des églises ou les places publiques représentent une forme « théâtrale ».
La scénographie utilise un système de « mansion », petite construction éphémère, aménagée de manière à suggérer : le Paradis, l’Enfer, Jérusalem, le palais du roi, la mer, …. Autour de la place, le décor sert de point de repère. Le jeu se déroule dans l’espace libre. La provenance des acteurs indique le monde auquel ils appartiennent : les diables sortent de l’enfer … La Passion de Luzern, 1583, bien documentée, se jouait sur une place qui existe encore aujourd’hui.
Un peu plus tard, fin du Moyen-Âge, les Anglais sous le règne de la reine Elisabeth, ont un très beau et très grand théâtre dont Shakespeare est le plus grand représentant. Les théâtres « élisabéthains » sont modestes, de simples cours d’auberge aménagées. Pas de décors, des pancartes pour indiquer le lieu … Tout repose sur la convention. Shakespeare fait commencer sa pièce Henry V par un prologue où il demande l’indulgence du public : " …pardonnez, gentils auditeurs, -- au plat et impuissant esprit qui a osé – sur cet indigne tréteau produire – un si grand sujet ! Ce trou à coqs peut-il contenir – les vastes champs de la France ? pouvons-nous entasser dans ce cercle de bois tous les casques – qui épouvantaient l’air à Azincourt ? -- … -- permettez que … -- nous mettions en œuvre les forces de vos imaginations. -- …"
En Italie à la Renaissance, on construit des édifices dédiés au théâtre. On réfléchit à la scénographie en s’inspirant des traités de Vitruve et de l’antiquité. L’un des plus grands architectes de cette époque, Palladio, construit le « Théâtre Olympique » à Vicence, 1er théâtre couvert permanent, 1580. On peut encore le visiter aujourd’hui. Décor unique dans lequel on doit pouvoir tout jouer, ce magnifique trompe-l’œil en trois dimensions maîtrise parfaitement les lois de la perspective, innovation propre à la Renaissance. Ainsi, unité de lieu, de temps, et d’action sont bien respectées.
Le Théâtre Olympique de Vicence, interprétation du théâtre antique (Italie), 1580.
Au même moment, un autre architecte, Serlio, conçoit trois décors. L’un pour la tragédie, l’autre pour la comédie, le troisième pour le drame satyrique.
Les trois décors "classiques" de Serlio (1475-1554) : tragique, satyrique, comique.
Primauté des Italiens dans la construction des décors, les « théâtres à l’Italienne » vont progressivement s’implanter dans toute l’Europe où ils seront en usage jusqu’à aujourd'hui.
3. Scénographie et modernité.
Romantisme : En rupture avec le classicisme, les Romantiques abandonnent l’idée qu’une pièce doit obligatoirement répondre aux 3 règles d’unité : temps, action et lieu, ce qui implique de nombreux changements de décors et pose beaucoup de problèmes dans les théâtres à l’italienne. Pour ces grands spectacles historiques (Victor Hugo, Alexandre Dumas), les décors sont aussi splendides et sophistiqués que la peinture de l’époque.
Décor de Cicéri, Opéra Royal de Versailles.
Cependant, les décorateurs ne jouissent pas des mêmes privilèges que les peintres qui exposent dans les salons. Leur production est au service du théâtre, réalisée par des équipes, des ateliers… Leurs noms ne sont connus que des seuls spécialistes : Cicéri, (le maître de Migette), un des plus grands, a réalisé le décor de l’Opéra Royal de Versailles,commandé par Louis-Philippe en 1837 et récemment restauré.
Scénographie de Daguerre, 1826. - Décor de Chaperon Pierre de Médicis, 1850. - Maquette de Cambon, Hamlet, 1875. – Ciceri, Ali-Baba, 1833.
Louis Daguerre, autre grand décorateur de théâtre, est aussi l’inventeur du daguerréotype. Les dioramas, très en vogue à l’époque, sont des spectacles optiques. Les décors peints sur des surfaces transparentes éclairés par derrière révèlent d’autres images… Les décorateurs accomplissent des prouesses techniques. La scénographie devient un spectacle en soi.
Fin XIXe siècle,c’est laBelle Époque, persistance du grand spectacle, des reconstitutions historiques (Thermidor). Luxe de décoration et effets somptueux de trompe-l’œil lassent les partisans d’un art plus rigoureux. A partir des années 1880, de nouvelles tendances reflètent les aspirations des deux principaux courants d’avant-garde : Le naturalisme et le symbolisme.
Pour les naturalistes, influencés par Emile Zola, le théâtre doit illustrer la réalité. Les décors, ce sont les « milieux » où vivent les personnages et où se déroule l’action. Le metteur en scène André Antoine, au Théâtre-Libre, qu’il a fondé en 1887, n’a que très peu de moyens financiers. Qu’à cela ne tienne. Pour la pièce « Les Bouchers », plutôt que de reconstituer une boucherie couteuse, il se rend aux abattoirs et suspend des carcasses d’animaux sur la scène. Si une pièce se passe à la campagne, il place de véritable tas de paille, met de la terre au sol où picorent de vraies poules. Cet effet de réalité est un vrai choc pour les spectateurs : « ça pue, chez Antoine ! ».
Le décor, ici, participe d’une esthétique mais aussi d’une idéologie. Montrer la laideur du monde, la condition humaine malheureuse, l’exploitation, l’alcoolisme, la prostitution, ... autant de sujets qui fâchent. Les artistes, « intellectuels » engagés, militent à leur manière, pour le progrès social.
La Cerisaie de Tchékhov.
En Russie, Constantin Stanislavski demande au décorateur de construire des lieux à peine visibles à l’arrière et autour de la scène. Pour La Cerisaie de Tchékhov, on entrevoit le cerisier en fleurs de la plantation, la vraie cariole qui passe… On l’entend, ce qui donne de « l’épaisseur » à sa mise en scène, le jeu des acteurs est plus juste. On retrouve les « cloisons sensibles » antiques qui ne dévoilent pas tout.
A l’opposé, les symbolistes, rejettent cet art hyperréaliste. Le théâtre ne doit pas refléter la réalité, mais la symboliser, la transfigurer. Là où les naturalistes s’embourbent dans la terre, les symbolistes préfèrent s’élever dans les airs, s’envoler là où leur imagination les pousse, s’accompagner d’un message spirituel, mais aussi glisser vers la farce, vers un théâtre de pantin ou de marionnettes… (Ubu roi d’Alfred Jarry). La scénographie est confiée à de vrais peintres, la couleur triomphe : Toulouse-Lautrec, Léon Bakst (en Russie).
Toulouse-Lautrec, Le Chariot de terre cuite - Bakst, décor pour Le Démon bleu, ballet, 1911. - Bakst, décor pour l’Après-midi d’un faune, 1912. Bakst, aquarelle, décor pour La Pisanelle, 1913.
Début XXème, se développe en Europe, une véritable réflexion sur l’espace théâtral grâce à deux personnages éminents : le Suisse Adolphe Appia, et l’Anglais Edward Gordon Craig.
Appia compose des décors épurés, minimalistes, rythmiques, lignes verticales, horizontales. Des dispositifs simples : cubes, plots, marches, plateformes créent un espace tri-dimensionnel praticable, ouvert, au service de l’acteur.« …la beauté des mouvements du corps dépend de la variété des points d’appui que lui offrent le sol et les objets. »
Craig, plus visionnaire encore, graveur, maquettiste, veut faire vivre l’espace. Il n’a pas toujours les moyens de ses découvertes et de ses projets… mais s’exprime par le dessin et la gravure. Craig conçoit une scénographiemouvante, il invente les « screens », paravents verticaux, qui déplacés, permettent d’obtenir des lieux variables à l’infini…Célèbre aussi pour le projet fou de L’Escalier. En 1905, quatre esquisses scéniques, intitulées The Steps présentent un escalier entouré de murs aux proportions gigantesques. Des personnages de taille réduite occupent des places différentes. Le véritable héros, c’est le décor architecturé de l’escalier : « Quoique ces deux personnages [l’homme et la femme] m’intéressent dans une certaine mesure, c’est l’escalier sur lequel ils se déplacent qui m’émeut. … il frissonne d’une vie plus vivante… ».
The Steps, Edward Gordon Craig, 1905.
4. Le tréteau nu.
En France, s’exprime le désir d’un théâtre de qualité, fondé sur le jeu de l’acteur. Nul besoin de décors extravagants, un simple tréteau suffit. Inspiré des tréteaux de l’Antiquité, de ceux du Moyen-Âge, de ceux des comédiens itinérants, des Italiens de la Commedia dell’arte, du théâtre de Molière… ce théâtre dépouillé veut privilégier le texte, l’honnêteté, la sincérité de l’acteur. Pour Jacques Copeau, le « tréteau nu » représente un idéal esthétique mais aussi moral : simplicité, retour aux vraies valeurs du théâtre, le jeu et la présence des comédiens dans un pur espace.
Les Fourberies de Scapin, troupe du Vieux-Colombier, Paris, 1922.
5. Le fait électricité. Innovation majeure qui va bouleverser la scénographie théâtrale : l’électricité. Le premier projecteur électrique apparait sur scène en 1849 : dans « Le Soleil du Prophète ». Ce phénomène ne cessera de prendre de l’ampleur, au fur et à mesure que l’on améliorera la technique des projecteurs et de leur conduite.
Josef Svoboda, légendaire scénographe, maître dans l’art d’utiliser la lumière, combinait au jeu des acteurs des projections de films, installations multimédias, utilisation de laser. …Dans la Lucia de Lammermoor, un immense rideau, se repliait, se tordait, se tendait… d'abord aspect de tissu, puis support de projections : un rivage avec de petites vaguelettes sur l'eau, des marguerites, des nuages…
Tristan et Yseult, Bayreult, 1974. Laterna Magika, Prague, 1979. La Traviata, Macerata, 1992.
« Scénographie originale basée sur une paroi de miroirs et une perspective peinte, divisée en deux comme un rideau. Lorsqu’il s'ouvrait, l'image se réfléchissait alors verticalement dans le miroir offrant d’autres perspectives … », La Traviata en 1992.
6. Dans la seconde moitié du XXe s., ébullition scénographique.
Ariane Mnouchkine. L’Âge d’or, 1975.Théâtre du Soleil, Vincennes.
Réalisation mémorable qui abolit la frontière entre la salle et la scène,et réunit acteurs et spectateurs dans un même espace.
Anna Viebrock, Katya Kabanova, Opéra Garnier, Paris.Saint François d’Assise, mise en scène : Peter Sellars. Damnation de Faust, mise en scène : Robert Lepage.
Anna Viebrock, scénographe de renommée internationale, réunit des éléments de la réalité dans ses espaces à la fois étranges et familiers : immeubles, intérieurs ordinaires. Elle les combine entre eux de telle sorte qu'ils semblent en devenir irréels.
Les nouvelles technologies (vidéo, numérique) permettant des images magnifiques, le théâtre factice aux images virtuelles en 3 D, … révolutionnent l’art et l’esprit de la scénographie théâtrale bien loin du mythique mais charmant théâtre du Peuple de Bussang, créé par Maurice Pottecher en 1895, si original par le fond de scène s’ouvrant sur la nature.
Le théâtre du Peuple, à Bussang, Vosges.
Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :
Conférence « La photographie contemporaine », M. Eric Pedon
Paul Tornow, architecte - Auguste Dujardin, sculpteur.
C’est à l’Office de Tourisme que nous retrouvons, avec LesArts57, Mme Christiane Feller, notre sympathique guide conférencière, historienne de l'art, spécialiste de l'architecture et de l'urbanisme. 20 personnes pour le 1er groupe, 24 pour le second, bien vêtus chaque fois pour affronter la rigueur de ces après-midi d’hiver.
La cathédrale, dont la construction a débuté en 1220, s’est accolée à l'église Notre-Dame-la-Ronde. Un mur les séparait jusqu’au 14ème s. La cathédrale actuelle résulte de la fusion des deux édifices et fête cette année ses 800 ans d’existence. La visite n’aborde que les transformations depuis le 18ème s. jusqu’au début du 20ème s., de Blondel à Tornow.
Début 18ème, la place est encombrée de nombreux bâtiments, pas moins de 5 églises et chapelles, des cloitres… Metz appartient au royaume de France. Sa position près de la frontière du Saint Empire germanique est intéressante, le roi souhaite en faire une place forte. Le Maréchal de Belle-Isle, chargé d’en faire une ville fortifiée, fait construire la couronne du fort de Bellecroix, celle du Fort Moselle ainsi que de nombreuses casernes pour loger la garnison importante. Mais il faut doter cette ville encore médiévale de belles places, les déplacements de soldats et la circulation y sont difficiles. Il entreprend la destruction des édifices aux abords de la cathédrale, abat des maisons, trace des rues rectilignes (rue des jardins), creuse le bas de la colline Ste Croix mais meurt en 1761, laissant les habitants dans une situation catastrophique au milieu des de gravats.
Homme providentiel, Jacques-François Blondel arrive à Metz appelé par une communauté religieuse, et devant cet état de délabrement, élabore un projet créant places et bâtiments dignes de l’époque des Lumières. Sur cette place « aérée », il y réunit les 4 pouvoirs : municipal, militaire, judiciaire, et religieux. L’Hôtel de ville, le Corps de garde (actuel Office de Tourisme), le Parlement en face et pour que la cathédrale n’écrase pas les autres bâtiments par sa masse, il crée à sa base une série d’arcades symétriques à celles de l’hôtel de ville, gommant ainsi les protubérances constituées par les chapelles et créant une unité architecturale cohérente. Des pavillons sont construits aux deux extrémités, et un portail monumental masquant en partie la surface vitrée de la façade ouest.
Fin 18ème s., la Révolution, tout ce qui rappelle l’ancien régime, les signes de la royauté sont éliminés : les statues de La France et de La Religion sont renommées Constitution et Philosophie. La cathédrale devient propriété de l’Etat, l’évêque n’en est que l’affectataire. Les logis des chanoines sous les arcades deviennent biens nationaux, et sont achetés par des particuliers. S’y installent des échoppes, des cafés, des habitations… au fur et à mesure, cheminées, conduits d’évacuation salissent les murs de la cathédrale, de plus, les usagers des débits de boisson gênent bruyamment les offices. Au 19ème s., grande vague de rechristianisation, et selon les préceptes de Viollet-le-Duc, la tendance est de redonner aux cathédrales leur état initial mais idéalisé. L’architecte diocésain Jules Racine propose un projet de portail néo-gothique plus adapté au style de la cathédrale.
Ce n’est qu’autour des années 1860, sous l’impulsion de l’énergique évêque, Mgr Dupont des Loges, que toutes les maisons de la galerie Blondel, y compris les cafés, seront enfin démolies. Toutes sauf une : « Le Café Français » !
Portail de la Vierge. 1868. Ph. Malardot.
Le portail de la Vierge, entrée de l’église Notre-Dame-la-Ronde apparait alors dans un état catastrophique.
.
Puis, après la guerre de 1870, tout a changé, la cathédrale appartient à l’Etat allemand. Le démontage du portail envisagé par les autorités françaises sera effectué pendant l’annexion. 1874, Paul Tornow, à peine 26 ans, prend ses fonctions à l’Œuvre de la cathédrale. Ce jeune architecte, dans les bonnes grâces de la famille impériale, études à Berlin, dessinateur hors pair, a déjà bien voyagé. Il connait bien les bâtiments du Moyen Age rhénan, la cathédrale de Cologne, le Parlement de Londres…
Le sculpteur Auguste Dujardin se fait engager comme ouvrier sculpteur sur le chantier. Elève de l'École des arts décoratifs, plusieurs prix, dont une médaille d'or, il a collaboré avec Viollet-le-Duc à la restauration de la cathédrale de Reims. Tornow découvre son talent et ses compétences et le prend comme adjoint en 1876. Ce duo improbable de l’architecte allemand, protestant, joyeux « luron » et du sculpteur français catholique, austère, sérieux se sent investi d’une mission en accord avec l’évêque, Mgr Dupont des Loges.
En 1877, l’incendie de la toiture de la cathédrale les oblige à revoir le projet architectural, la toiture sera plus pentue. Pour réduire son poids, Tornow choisit une charpente métallique et une couverture de cuivre.
Du portail originel de la Vierge, entrée de l’église Notre-Dame-la-Ronde, ne restait que le tympan du 13 ème. C’est un portail marial. Sur le trumeau,une Vierge à l’Enfant entourée d’anges musiciens semble accueillir les fidèles et les visiteurs. Elle date du 19ème s. Sous la Vierge, des sculptures représentent les 7 péchés capitaux sur le tambour.
Le tympan représente un cycle marial. Les épisodes de la vie de la Vierge sont partagés en trois registres :
En bas : deux anges accueillent les 10 apôtres accourus au chevet de La Vierge qui va mourir.
Au milieu : la dormition. Elle est allongée, le Christ tient une petite effigie destinée à recueillir son âme, 2 anges portent un linge pour la monter au ciel. De part et d’autre, des personnes éplorées.
En haut : le couronnement : La Vierge est assise, le Christ la couronne de la main gauche et la bénit de la main droite.Ils sont entourés d’anges agenouillés.
Du 13ème s. aussi, le tympan latéral montre une scène singulière : c’est un Christ aux outrages. Dans le registre inférieur, des scènes du portement de croix. Crucifié, dans le registre supérieur, il est entouré de la Vierge, de St Jean. Un Adam surdimensionné est assis, sauvé par le sacrifice de Jésus. Référence au Golgotha (= lieu du crâne), on y aurait, selon la légende, retrouvé le crâne d’Adam.
Sur les côtés du portail, le cortège de la Vierge. De part et d’autre : ses parents Anne et Joachim, face à face Jean Baptiste et Joseph (lys), des vierges, des martyrs : Etienne porte les cailloux de sa lapidation, des veuves, des pères de l’Eglise et enfin les évêques locaux : Clément et le Graoully, représenté comme un gros lézard, et Arnoul(d), ancêtre de Charlemagne reconnaissable à son anneau. Passant sur un pont de la Moselle, il le jeta dans la rivière pour se faire pardonner ses péchés. Selon la légende, quelques temps après, un vendredi saint, on servit à sa table un poisson dans lequel il retrouva l’anneau.
Aux extrémités, la statue représentant l’Eglise portant une lumière, face à celle de la Synagogue, les yeux bandés, le sceptre brisé. En dessous, de très nombreuses petites figurines réunissant des symboles universels de la chrétienté : les 4 fleuves du Paradis, les 4 représentations symboliques du Christ : le lion, l’aigle, le phénix, le pélican, les 4 vents, les 4 éléments : l’éléphant pour la terre, la colombe pour l’air, la baleine pour l’eau et le dragon pour le feu …
Dans l’intrados, les personnages assis représentent d’un côté Abel, un agneau sur les genoux, et les 5 vierges sages avec l’huile dans leurs lampes. De l’autre, Caïn et les 5 vierges folles et, au sommet, un Christ et un diable, celui-ci remis malicieusement dans le bon sens par le sculpteur (c’est-à-dire tourné vers les vierges folles !).
Les 4 évangélistes Marc et Mathieu à gauche, Luc et Jean à droite encadrent le portail. Dans les niches au-dessus, Charlemagne dont la tête ressemble à celle de la petite statue équestre (conservée au Louvre) et, à droite, St Louis porte dans ses mains la couronne d’épines. En dessous, une inscription latine tirée du Cantiques des Cantiques signifiant « Que tu es belle, que tu es agréable… »
Atelier de sculpture, Dujardin assis à gauche.
Richesse extraordinaire et représentations remarquables dans cette multitude de statues, Dujardin et Tornow cherchent des modèles dans les livres médiévaux, font des voyages en France pour étudier les cathédrales françaises (Chartres, Amiens, Reims, Auxerre, …) dessinent, photographient…
Le portail de la Vierge est inauguré en 1885 par Mgr Dupont des Loges.
Le portail de Blondel est démonté en 1898. Après différentes études et plusieurs projets, Tornow envisage un vaste porche néogothique, plus en harmonie avec le style de la cathédrale. Le nouveau portail est construit en 3 ans. Portail à thématique christique surmonté d’un Christ triomphant, en majesté sur le pignon. Sur le trumeau entre les 2 portes, un Christ couronné et au-dessus un Christ bénissant portant le livre des Évangiles.
Sur le tympan une scène du jugement dernier. Dans le registre inférieur sous les petites arcades, la résurrection des morts (cf. Reims). Au-dessus, l’archange pèse les âmes, (cf. Beaune), les élus sont dirigés vers la gauche accueillis par St Pierre aux portes du paradis, tandis que, vers la droite, les damnés sont avalés par un monstre de l’enfer, … Sur les clochetons, les 4 évangélistes présents en statues zoomorphes : le lion pour Marc, le taureau pour Luc, l’aigle pour Jean, et l’ange pour Mathieu. Au sommet du pignon, présence étonnante d’un St Michel. L’archange ne fait pas partie du répertoire local, mais c’est le saint patron de l’Allemagne. Mme Feller y voit la seule allusion à notre pays voisin. Thématique complexe mêlant ancien et nouveau testament, les personnages sous les dais représentent les 4 prophètes : Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel.
Guillaume II souhaitait des portraits caricaturés de ses opposants en personnages assis sur les contreforts, Tornow, pourtant proche du Kaiser, refusa, argumentant que ce n’était pas dans l’esprit du 13ème s. Dujardin eu alors l’idée de représenter le dernier prophète Daniel qui n’avait pas encore de visage, sous les traits de Guillaume II, pari risqué sur la réaction de l’empereur ! Il venait souvent en villégiature dans son château d’Urville et était souvent de bonne humeur lors de ses revues de troupes à Metz. La future statue est à soumettre à Guillaume II. A la fin de la visite, Tornow dit « A propos Majesté… », Dujardin ôte le chiffon humide qui recouvrait le modelage en glaise et … l’empereur étonné mais non courroucé, prit une expression bienveillante signifiant « farceurs! » au grand soulagement des 2 compères.En 1918, une pancarte est placée sur la statue, on peut y lire « Ainsi passe la gloire du monde… ». En 1940 : un empereur allemand sur un prophète juif ! insupportable pour les nazis ! Ils font raser ses moustaches !
Ce nouveau portail néogothique, vaste porche couvert complètement réinventé, est inauguré en 1903 par Guillaume II. Une plaque de datation de la construction est gravée, bien visible sur le mur.
Côté nord de la Cathédrale, on retrouve sur la place l’esprit de Blondel. Sur la tour du chapitre, reconstruite au 19ème, un immense Christ sur la croix, œuvre de Dujardin. Au milieu du portail, St Etienne du sculpteur Charles Pêtre, au-dessus, 2 scènes réinventées, inspirées de l’histoire religieuse de Metz : St Clément suivi du Graoully, baptisant des messins convertis, et le supplice de St Etienne qui va être lapidé. De jolies draperies, et un bestiaire fantastique datent encore du 13ème s.
Paul Tornow a beaucoup écrit, expliqué son travail, dessins, voyages… Avec Dujardin, talentueux sculpteur, ils ont travaillé loyalement malgré les tensions de l’époque. Il a restauré et réinventé un projet comme il aurait pu avoir été conçu au 13ème siècle, inspiré essentiellement des édifices gothiques de différentes régions françaises (Champagne, Bourgogne …) redonnant à la cathédrale une certaine harmonie. Cette visite avec Mme Feller fut vraiment passionnante. Ch. Cl.
Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :
Conférence « La photographie contemporaine », M. Eric Pedon
Cousoir, XVIIème s., atelier de restauration des Archives.
Nous étions 16 à retrouver, cet après-midi-là dans le grand hall des Archives départementales, Monsieur Robert Schoumacker, Chef du service des publics et de l’action culturelle. Nous avons pu, sous sa conduite, découvrir le service des Archives, ouvert à tous, avant de rejoindre Monsieur Berceaux, à l’Atelier de reliure et restauration.
Situé à Saint-Julien-lès-Metz, ce service du Conseil Départemental de la Moselle est chargé de collecter les archives, de les classer, les conserver et les mettre à la disposition du public.
Les bâtiments regroupent trois secteurs : la conservation (silo), le tri (classement) et les espaces d’accueil du public (Hall d’exposition, salle de lecture). 24 personnes sont employées, réparties entre administration, archivistes, services de restauration, et photographie, profondément remodelée par le numérique.
Pour résoudre les problèmes d’encombrement, la dématérialisation est possible mais avec obligation de conserver le document d’origine comme preuve. Capacité de stockage possible sur 50 km linéaire dont actuellement 37 km sont déjà occupés. Tous les ans, sur 1 km rentré, 700 m sont éliminés ! Le document le plus ancien est le bail d’une abbaye datant de l’époque de Charlemagne.
Le Silo : 1ère salle : le Pilon où s’effectue le premier tri. On décide de ce que l’on conserve et de ce que l’on jette. Certains documents ne sont jamais détruits : documents communaux, Education Nationale, Impôts, Registres paroissiaux, Etat civil, plans cadastraux … Sans prétendre à l’exhaustivité, le site de Saint-Julien-lès-Metz conserve, pour l’Ancien Régime, les fonds des Cours et Juridictions, de l’Intendance, de l’Eglise (séculière et régulière, y compris les registres paroissiaux) et, pour l’époque contemporaine, les archives du Conseil Général (aujourd’hui Départemental), de la Préfecture, des tribunaux, des directions déconcentrées de l’Etat(y compris les registres d’état civil). Certains fonds couvrent ces deux périodes, comme les minutes notariales ou les archives communales déposées. S’y ajoutent des fonds privés, déposés ou donnés par des particuliers, des associations, des entreprises…Tout document de plus de 100 ans d’âge doit être confié aux Archives. Les registres paroissiaux sont les plus consultés donc numérisés en priorité.
Une autre salle est dédiée au tri et classement.
Chaque lettre correspond à une catégorie de document : état civil toujours en série E , la période de la révolution en série L, et exception spécifique à l’Alsace Lorraine : série AL: époque de l’annexion de la Moselle, Haut et Bas Rhin. Un document mal analysé est un document perdu affirme notre guide, car ensuite mal classé et impossible à retrouver.
Les documents sont conditionnés dans des boîtes neutres qui les stabilisent, à une température de 19°. Il existe un système performant d’aération, des extincteurs spéciaux, à poudre (bien entendu, pas à eau !). Il existe un autoclave qui stérilise ce qui en a besoin, situé dans un service extérieur aux Archives. Agrafes, trombones sont ôtés de même qu’élastiques et papier collant. Tous les documents sont passés à la congélation. Il faut une pièce froide pour entreposer les photos. Point important : il faut que le document soit utilisable, la numérisation a changé la donne.
La chambre forte, où sont conservés des trésors, les premiers à être évacués en cas de sinistre : un parchemin de 842, établissant une donation à l’Abbaye Saint Arnould, sceaux de Charles IV, de Napoléon 1er…
Sceau authentique de Charles IV, XVI ème s., Duc de Lorraine signant l’anoblissement du Marquis de Pange, 18 déc.1626.
Sceau authentique de Napoléon 1er, titre d’anoblissement du Général Mouton en Comte de Lobau. Il s’est si souvent distingué par sa bravoure sur les champs de bataille que Napoléon disait de lui : « Mon Mouton est un lion ».
Finalement sur 37 km de travées, épis, tablettes occupant 400 m2 sur 5 étages, l’emplacement d’un document bien classé est localisé avec une précision de 1 m !
Deuxième partie de la visite : l’atelier de restauration. Nous sommes accueillis par M. Berceau, relieur- doreur. Il restaure, consolide et nettoie les livres. Découdre, débrocher, nettoyer les colles anciennes, toutes ces opérations doivent être réversibles et ne pas altérer le document.
On utilise encore des outils traditionnels, tels que le cousoir, inventé au XVIIe. Il permet de coudre les cahiers sur un lien, couture avec ruban ou ficelle qui passe dans les plats (zone de pliage de la feuille).
Pour la couverture réalisée à part, on utilise des textiles ou différents cuirs. Les plus simples sont le basane, peau de mouton tannée, petite chèvre, certains plus sophistiqués deviennent onéreux : maroquin, peau de chagrin, (mot dérivant du turc sagri = peau de la croupe de l’âne !), velin (= peau de veau mort-né). La couverture est fixée par emboitage ou collage.
Il existe plusieurs types de reliure :
· la reliure traditionnelle occidentale (« à la française ») ou orientale (évoluant depuis le IVe siècle) ;
· le montage occidental emboîté dit « montage Bradel » (dès la fin du XVIIIe siècle) ;
· la reliure industrielle (dès le XIXe siècle) ;
· la reliure contemporaine ou d'artiste (XXe siècle et XXIe siècle).
Cartulaire de la famille de Heu, 1352.
M. Berceaux nous montre un cartulaire de la famille de Heu. Les petits bourrelets en relief, qui maintenant sont purement décoratifs, étaient le passage du « nerf » reliant les feuilles, couverture en plaque de bois ou « ais ». Tout ce qui est antérieur au 15ème siècle est classé archéologique, donc relève d’une réglementation spécifique pour entamer sa restauration et sa conservation (dossier, agrément...).
Le livre médiéval possède des cabochons, sortes de clous arrondis, en relief, protégeant les livres lourds posés les uns sur les autres. Au début du XIX siècle, on invente le faux dos, qui n’est plus collé sur les nerfs et permet une meilleure manipulation des livres.
Ensuite l’étape « dorure » embellissant et personnalisant la reliure avec un fer à dorer, des feuilles d’or (épaisseur de l’ordre du micron seulement), tampon, … est une spécialité à part entière que possède aussi M. Berceaux.
La restauration obéit à une véritable déontologie : décider de l’opportunité de la restauration, restaurer dans le respect de l’authenticité du document, avec des produits efficaces, garantissant l’innocuité du traitement et sa réversibilité. Il revient au Directeur des Archives de décider ce qui est à restaurer ou non. Le but de la conservation est de permettre la communicabilité, l’étude et la pérennité du document.
Pour restaurer les papiers, on peut utiliser une combleuse qui permet de fixer les documents sur un voile fin (papier du Japon, 6g/m2 fait à partir de mûrier). Certaines encres sont encore lues seulement parce qu’elles ont troué le papier. Les encres du siècle dernier, utilisées dans les manuscrits autographes, très brillantes et colorées sont appelées ferro-galliques provoquent une corrosion du papier et demandent une conservation et un traitement très spécifiques.
Pour tout ce travail de restauration, on compte 3 ateliers, 4 personnes à temps plein, restauration, reliure dorure, restaurateur de sceaux, et enfin un photographe.
Plans aquarellés et affiches étonnantes conservées à plat.
Après avoir traversé la salle des cartes et des plans, nous découvrons la grande et belle salle de lecture. La consultation est un service gratuit et imprescriptible, rendu par un personnel d’Etat décentralisé au département. Les archivistes se forment à l’Ecole des Chartes, ou à l’Université, (histoire, latin, paléographie, droit constitutionnel).
Salle de lecture
Penthésilée de Claude Goutin.
On peut venir consulter sur place tout document archivé, et surprise, la consultation se fait sans gants, cela permet une manipulation plus sûre. La fréquentation est importante, au moins 100 personnes par jour ouvrable. Pour ceux que le sujet intéresse, il faut consulter le site Internet des archives de la Moselle qui donne un mode d’emploi très précis.
Enfin, sortis de la grande salle, nous admirons une superbe sculpture de Goutin, traversons le hall d’exposition qui accueille actuellement une très importante et intéressante exposition actuellement sur l’Espionnage, le Sabotage et la Clandestinité en Moselle…3 heures passionnantes se sont écoulées !
Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :
Le jeudi 6 Février à 20 h, conférence présentée par M. Olivier GOETZ
« La scénographie théâtrale, du Romantisme aux Avant-gardes ».
au Centre socioculturel Robert HENRY, à Longeville lès Metz.
Pour LesArts57, cette nouvelle année 2020 s’annonce riche en évènements, en particulier les 10 ans de l’association au mois de mars rappelle Martine Ziegler, souriante présidente, en présentant ses meilleurs vœux. Ce soir, c’est monsieurCharles THIEBAUT, autodidacte passionné, qui « emmène » les 48 personnes de l’assistance à Versailles, visiter les jardins du château.
M. Charles Thiebaut.
Le fil rouge de sa conférence est le guide du roi Louis XIV écrit de sa main.Les historiens de Versailles n'ont pas su dire à qui le guide du roi s'adressait : aux ambassadeurs de pays étrangers, aux courtisans, ou aux fontainiers obligés de fermer des vannes pour en ouvrir d'autres sur le trajet emprunté par le roi ?
Portrait de Louis XIV en cire exécuté par Antoine Benoist, 1705. Ecriture royale.
Portrait exécuté d’après des empreintes prises sur le visage du roi. Il a alors 67 ans, on devine qu’il n’a plus de dents, les cheveux de la perruque ont perdu leur pigmentation. C’est à peu près dans ces années-là, qu’il écrit un guide de visite de « ses » jardins, en choisit l’itinéraire, les arrêts …
Pavillon de Chasse de Louis XVIII en 1626. Domaine à sa mort en 1643.
En 1626, Louis XIII a fait construire un pavillon de chasse, isolé sur une butte, et clos près du village de Versailles. En 1643, à sa mort, le domaine a considérablement prospéré. Un nouveau château a été bâti, les grandes lignes des futurs jardins sont déjà en place. En 1661, à la mort de Mazarin qui assurait la régence, Louis XIV, jeune roi veut gouverner lui-même et s’intéresse à Versailles. Colbert embauche « la trinité » qui va travailler à la gloire du roi : Louis Le Vau, architecte, André Le Nôtre, architecte paysagiste et Charles Le Brun, peintre. Ils ont fait leur preuve pour Fouquet à Vaux-le-Vicomte.
Dessin Jean Claude le Guillou.
En 1702, tout est en place : château, bosquets, fontaines, statues…
Suivons les injonctions du roi : « En sortant du chasteau par le vestibule de la cour de marbre, on ira sur la terrasse ; il faut s’arrester sur le haut des degrez pour considérer la situation des parterres, des pièces d’eau, des cabinets… ».
Combat des animaux du Midi, ou Cabinet du Point du Jour. Combat des animaux du Nord ou Fontaine de Diane.
« … aller droit et faire une pause pour considérer Latone, les lésars, les rampes, les statues, l’allée royalle, l’Apollon, le Canal, et puis se retourner pour voir le parterre et le château… »
Arrêt en haut des marches du bassin pour pouvoir voir…
Le bassin de Latone, « pièce montée » installée par l’architecte Jules Hardouin-Mansart représente Latone et ses enfants, Apollon et Diane, au sommet d’une pyramide de marbre. Tout autour, les paysans qui l’avaient outragée sont condamnés à être changés en grenouilles et représentés à des stades plus ou moins avancés de métamorphose : mains palmées, têtes de grenouille…
Bassin de Latone, les lésars, les rampes, les statues, l’allée royale, l’Apollon, le Canal, le parterre et le château.
Les deux bassins des « lésars » et les topiaires (arbres taillés). Lors de la restauration du bassin de Latone, les parterres ont retrouvé leur aspect d’origine. L’allée royale : tapis vert de 330 m, puis le bassin d’Apollon, limite du domaine de Louis XIII, avant le grand canal.
Sur les margelles en marbre du Parterre d’eau, de magnifiques statues représentant fleuves et rivières, des groupes d’enfants …, Louis XIV voulait de « l’enfance partout » ! Double urne sous le coude de la Dordogne, elle rappelle les 2 sources de la rivière : la Dore et la Dogne. Ce sont les frères Keller, venus de Suisse pour fondre des canons qui ont « jeté » dans le bronze, ces statues superbes.
La Dordogne, groupe d'enfants, la Loire. Photos personnelles de C. Thiebaut
« après tourner à gauche pour aller passer entre les sfynx … devant le cabinet …considérer la gerbe et la nappe…voir le parterre du midy, et après on ira droit sur le haut de l’orangerie d’où l’on verra le parterre des orangers et le lac des Suisses.»
…"la gerbe et la nappe"… du Cabinet du Midi …"sfynx"… surmonté d’un amour en bronze … "parterre des orangers et le lac des Suisses"… Photos Rozier, Thiebaut.
« … On tournera à droit. On montera entre l’Apollon de bronze et le Lantin et… pause au corps avancé d’où l’on voit Bacchus et Saturne… ». L’Apollon du Belvédère, jolie copie, moulée à partir d’une statue appartenant aux papes. Antinoüs, favori d’Hadrien, se noya dans le Nil. Déifié par l’empereur, il fut représenté par de nombreuses statues. L’Antinoüs perd « oüs » et l’apostrophe au XVIIe et devient le Lantin. Fontaines de Bacchus et Saturne peu visibles au loin.
L’Apollon du Belvédère, le Lantin, au loin les Fontaines de Bacchus et Saturne. Photos Thiebaut.
« … On descendra par la rampe droite de l’Orangerie et l’on passera dans le jardin des orangers, on ira droit à la fontaine d’où l’on considérera l’Orangerie, on passera dans les allées des grands orangers, puis dans l’orangerie couverte, et l’on sortira par le vestibule du costé du Labirinte… »
Une centaine de marches constituent les rampes.
La construction de l’orangerie a demandé des travaux de terrassement considérables. 36 000 personnes travaillent pour le château avec pelles, pioches et brouettes. L’orangerie couverte est un véritable chef-d’œuvre de taille et assemblage des pierres.
Photos Rozier. Gravure Sébastien Le Clerc. Aquarelles Jacques Bailly.
« On entrera dans le Labirinte … pour en sortir du costé de Bacchus ». Espace uniquement autorisé aux membres de la Cour, prévu pour l’éducation du Grand Dauphin, le Labyrinthe contient sur un hectare, 39 fontaines dédiées aux fables d’Esope. Bassins surdécorés, coquillages, animaux en plomb peints au naturel, lattis de verre protecteur, … devant chaque fontaine sur une lame de bronze, un quatrain en lettres d’or résume la fable, adaptée par le poète mondain Isaac de Benserade. C’est lui qui écrivait aussi les billets d’amour de Louis XIV à Louise de La Vallières et inversement sans que ni l’un ni l’autre ne soit au courant !
« … On ira voir la salle du bal, ….on en sortira par le bas de la rampe de Latonne …»
« ..On ira droit au point de veüe du bas de Latonne, …pause pour considérer les rampes, … le chasteau, de l’autre costé, …l’Apollon, … Flore, Saturne, …Cérès, …Bacchus.»
L’allée royale, l'Apollon, le Grand Canal. Photo Rozier.
Le char d'Apollon émerge de l'eau, tiré par quatre chevaux. Au matin, il quitte la grotte marine de Téthys, et apporte la lumière du soleil. Les fontaines des quatre saisons sont peintes au naturel, les dieux et déesses sont dorés. Flore, déesse du printemps, entourée d’angelots, sur un parterre de fleurs. Saturne, l’hiver, le temps qui passe. Cérès, été, déesse des moissons, abondance des récoltes, épis de blé. Bacchus, l’automne, vendanges, grappes de raisins.
Les fontaines des quatre saisons: Flore, Saturne, Cérès (ph. Thiebaut), Bacchus.
« On descendra par la girandole…on fera le demy tour et l’on ira à l’isle royalle.» Le bosquet de la girandole a été reconstruit à l’identique suite aux dégâts de la tempête de 1999.
« On passera sur la chaussée où il y a des jets aux deux costez… ». La grande pièce d’eau est devenue le jardin du Roi sous Louis XVIII.
« … on ira jusques à la petite allée qui va à l’apollon, et on entrera à la galerie…on en sortira par l’allée qui va à la colonnade. » Cette somptueuse Galerie coûte trop cher, statues sur piédestaux, arbres en boule au tronc fin, lances d’eau… c’est le domaine de la verticalité. Louis XIV fait ôter les statues, Mansart l’aménage en Salle des Marronniers en 1704.
« … à l’Apollon, on fera une pause pour considérer les figures, les vases … » Le Roi est très fier de ses collections : 235 vases, 155 statues, 86 groupes. Beaucoup sont des copies, les originaux fragilisés sont mis à l’abri.
Apollon : photo Rozier. Photo aérienne.
De là, limite du domaine de Louis XIII, chemin possible pour Trianon et ménagerie, on admire le Grand Canal, 1650 m x 62 m, et 1070 m X 80 m pour le petit bras.
« …dans la petite allée qui va à Flore, on ira aux bains d’Apollon… »
Les deux bâtiments construits par Mansart n’existent plus. Partie la plus haute du domaine, elle contenait les réservoirs. Marie-Antoinette fait construire plus tard le rocher qui abrite depuis 1781 le groupe Apollon servi par les Nymphes du sculpteur Girardon.
Bains d'Apollon de Jean Cotelle.
« On passera par Lancelade… », le Géant qui voulut escalader l'Olympe. Il fut foudroyé par Jupiter et enseveli par les rochers. De sa bouche sortait un jet de 25 m de haut ! Le bosquet de l’Encelade fut restauré en 1998.
« On entrera à la salle des festins, on remontera jusqu’à Flore…», ce magnifique bosquet crée par Le Nôtre était lui aussi trop onéreux, il fut détruit en 1704 pour devenir le Bosquet de L’Obélisque.
Bosquet de L’Obélisque.
« On ira jusqu’à Cérès pour aller au théâtre et considèrera les jets des arcades. » Différentes combinaisons de jets étaient possibles, les fontainiers fermaient les vannes et ouvraient les suivantes lors de la promenade du Roi. Le bosquet du théâtre d’eau fut détruit par Louis XVI, la magie du 3D le ressuscite virtuellement. Un bosquet contemporain a été inauguré par M. Aillagon en 2015.
« On sortira par le bas de la rampe du nort, et l’on entrera au Marais… ». Autrefois, un arbre en métal jetait de l’eau par l’extrémité de ses branches.
« On entrera aux trois fontaines…on sortira par l’allée qui va au dragon. » La restauration du Bosquet des Trois Fontaines a été financée par les Amis de Versailles U.S.A.
« On tournera autour du dragon et l’on fera considérer les jets de Neptune. » 22 groupes d’enfants sont répartis sur la demi-lune autour du Dragon et le long de l’allée.
« On passera par l’allée des enfants… »
Allée des Marmouzets. Photo Rozier.
Peinture de Jean Baptiste Martin. Photo aérienne.
« On passera après à la pyramide…on remontera au chasteau par le degré de marbre …entre l’esguiseur et la Venus honteuse …pour voir le parterre du Nort, les statues, les vases… on sortira par la mesme porte par où l’on est entré. »
Le Rémouleur ou Aiguiseur, copie par Girardon d’un antique de Florence, la Vénus honteuse ou accroupie, copie d’un antique de la Villa Borghèse, tous deux : bronze des frères Keller.
Photos Rozier et Thiebaut.
Contrairement au Parterre du Midi, fleuri depuis Louis XV car situé sous les fenêtres de la Reine, celui du Nord est resté tel que sous Louis XIV, seules les bordures sont fleuries.
Fort instructive, cette promenade de 8 km, conduite par M. Thiebaut passionné, nous a vraiment donné envie de faire une escapade dans les jardins du Roi admirablement conçus avec la collaboration de son ami André Le Nôtre. Ch. Cl.
Prochaines rencontres avec Les Arts 57 :
Visites de la Cathédrale de Metz, portail de Blondel à Tornow, statuaire
avec Mme Pignon-Feller, les vendredis 24 janvier et 7 février 2020.
Le jeudi 6 Février à 20 h, conférence présentée par M. Olivier GOETZ
« La scénographie théâtrale, du Romantisme aux avant-gardes ».
au Centre socioculturel Robert HENRY, à Longeville lès Metz.
La Fenice de Venise, Grazia Toderi, 2004, Projection vidéo pour sa réouverture.
En ce vendredi pluvieux de St Nicolas, 46 personnes sont au rendez-vous pour la visite organisée par LesArts57. Les 2 groupes sont équipés de nouveaux audioguides fonctionnels. Cette exposition a nécessité 3 ans de préparation mais germait depuis longtemps dans l’esprit du commissaire Stéphane Ghislain Roussel, musicien et metteur en scène. Le parcours, conçu comme un labyrinthe, est pensé comme un grand opéra avec une ouverture et différents actes réservant des surprises…
Cliché Franck Guignard.
En guise d’«ouverture », c’est l’impressionnant King Kong de 11m de haut, qui accueille les visiteurs dans le forum. 4 containers pour son transport, une grue pour l’installation, c’est le plus grand élément de décor d’opéra, créé pour l’Opéra Bastille en 2007. La cantatrice se tenait dans sa main. Conçu par Małgorzata Szczęśniak pour L’Affaire Makropoulos.
Le premier opéra est créé en Italie, à Mantoue, c’est l’Orfeo deMonteverdi, en 1607. Plus tard, en 1849, Richard Wagner considère l’opéra comme une œuvre d’art totale, le « Gesamtkunstwerk ». Grande importance des arts visuels : mise en scène, décors, costumes, lumières, … qu’il faut penser en même temps que musique et chant.
Natalia Gontcharova créé à la demande de Diaghilev, chef de file des Ballets russes, des décors et costumes pour Le Coq d’or, opéra-ballet de Rimsky- Korsakov donné au Palais Garnier en 1914. Ses costumes réalisent une synthèse entre l’art traditionnel russe et celui des peintres contemporains rencontrés à Montparnasse : Picasso, Matisse…. et en font une peinture mouvante sur scène.
Création spécialement commandée pour l’exposition.
Le coq se transforme pour venger son ami, des « plumes » gisent au sol.
Karen Sargsyan.
Le Coq d’or, métamorphose. 2019. Aluminium.
Pour l’opéra La Carrière d’un Roué d’Igor Stravinsky (1951), David Hochney réinvente les décors traditionnels de toiles peintes en s’inspirant des gravures de l’anglais William Hoggart (18ème s.). Le graphisme est poussé jusque dans les costumes et même le maquillage des acteurs, véritables tableaux vivants.
A Vienne, le rideau de fer (protection de la scène) est réalisé chaque année par un artiste différent, sélectionné par un jury. Suspense chaque année pour les spectateurs qui vont découvrir l’artiste-peintre mis à l’honneur.
L’exposition Opéra Monde célèbre aussi les 350 ans d’histoire de l’Opéra national de Paris, fondé en 1669. Après avoir occupé de multiples scènes, il s’installe au Palais Garnier en 1875, complété par l’Opéra Bastille en 1989 et rejoints en 2015 par la «3e Scène», plate-forme de création numérique.
La Flûte enchantée de Mozart (Vienne, 1791), ne cesse d’inspirer les metteurs en scène qui imaginent des versions différentes. Ingmar Bergman choisit de filmer les visages du public écoutant la musique, version cinématographique montrant l’universalité de l’émotion provoquée.
William Kentridge pense la scène comme un appareil photo, il y reproduit un théâtre baroque et sa machinerie, plans fixes en enfilade donnant l’illusion de la profondeur. Au fond de la scène, magnifiques projections de ses dessins.
Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles, 2005. La Flûte enchantée.
Quant à Oscar Kokoschka, il rythme les changements de scène par des effets lumineux, bleu et violet pour la reine de la nuit, du jaune au rouge pour une autre scène. Les changements de couleur donnent des ambiances différentes. La Flûte enchantée, Festival de Salzbourg, 1955.
A l’Opéra Bastille, en 2005, une « scénographie vidéo » monumentale de Bill Viola revisite Tristan und Isolde de Richard Wagner. Véritable tableau vivant sur un écran de 4 m de haut sans autre décor. La très forte tension transmise par l’image inversée lors de l’ascension d’Isolde est perceptible. Face à l’écran mais invisible pour le public, la diva, très perturbée, peine à chanter.
Red Eye, 1992.
Cette installation «lumino-sonore» de James Turrell, déjouant la perspective, brouille nos repères. Construction en L , entrée par un sas sombre, atmosphère nébuleuse qui masque l’origine de la lumière…, quelle est la forme, la profondeur de la scène ? A Nanterre, le metteur en scène Pascal Dusapin fait appel à Turrel et son installation optique pour travailler ensemble, au théâtre des Amandiers, à la représentation de To Be Sung, 1994.
Maquette du décor du jardin magique de Klingsor, Parsifal, 1882, Théâtre de Bayreuth.
Le théâtre de Bayreuth a été spécialement conçu par Richard Wagner pour la représentation de ses œuvres. Réalisée par les frères Brückner, célèbres peintres-décorateurs, cette magnifique maquette est exposée seulement pour la 3ème fois. Végétation exotique et florale, foisonnement de couleurs, baroque. C’est dans cet opéra que Wagner fait éteindre les lumières de la salle pour la 1ère fois lors d’une représentation en 1882.
L’architecture des salles de spectacles, métamorphosée pour les besoins des représentations, questionne aussi les artistes. Le modèle du théâtre à l’italienne devient obsolète, l’opéra sort de son écrin et investit d’autres infrastructures.
L’architecte italien Renzo Piano conçoit une vaste coque en bois à l’intérieur de l’église San Lorenzo à Venise. Pareille à la caisse de résonnance d’un instrument de musique, elle plonge les spectateurs installés sur la scène au cœur de la musique comme à l’intérieur de l’instrument, tandis que les artistes jouent, disposés dans les étages.
Prometeo, composé par Luigi Nono. 1984, Biennale de Venise.
Projetée lors de la réouverture de La Fenice à Venise en 2004 suite à l’incendie (1996), la vidéo de Grazia Taderi montre les 5 étages de loges et les imposants lustres vénitiens tournoyant inlassablement. Le titre Semper eadem (= toujours égale à elle-même ) évoque le phœnix qui renaît de ses cendres.
Grazia Toderi, Semper eadem, 2004 Projet spécial pour le théatre La Fenice de Venise : Projection vidéo en boucle, couleur, sonore, dimensions variables.
Einstein on the Beach, 1976, présenté au Festival d’Avignon.
Cette œuvre d’art totale, née de la rencontre du metteur en scène Robert Wilson et du compositeur Philip Glass, en étroite collaboration avec les chorégraphes, danseurs, déroge à toutes les règles conventionnelles de l’opéra. Après avoir hésité entre plusieurs figures marquantes du XXe siècle – Charlie Chaplin, Hitler ou Gandhi – Wilson et Glass décident de choisir Albert Einstein. Ils inventent un opéra pour explorer les notions de temps et d' espace.
Le story-board dévoile le processus de création de Wilson, qui pense littéralement son spectacle en images, conférant à l’ombre et la lumière un rôle essentiel. Dessin après dessin, le temps se déploie. Dans un second temps, Glass compose au piano un portrait de chaque dessin. Ce flux de sons et d’images bouleverse notre perception de l’espace et du temps. Le portrait d’Einstein ainsi proposé par ces suggestions visuelles évoque sa réalité et son rêve.
Moïse et Aaron, Opéra Bastille, 2015. Thème religieux, Moïse reçoit la parole de Dieu et Aaron, ayant le don d’éloquence, la transmet au peuple juif. Echouant à convaincre de l’existence du dieu unique, il restaure les idoles. Romeo Castellucci, metteur en scène, scénographe, propose une série de tableaux surprenants : la voix de Dieu au travers d’un magnéto suspendu, un taureau évoquant le Veau d’Or amené sur la scène de Bastille !!! … Une vidéo montre comment il est apprivoisé, et pendant 6 mois, écoute la musique de Schönberg dans son enclos.
Créé pour l’Opéra de Paris, après 8 ans de travail, Olivier Messiaen choisit d’illustrer le cheminement spirituel de Saint François d’Assise. Le spectacle donné en 1983 au palais Garnier réalise la synthèse de ses expériences musicales et des chants d’oiseaux qu’il a répertoriés toute sa vie. Cet opéra est un modèle de synesthésie, c’est-à-dire le don de « mélanger les cinq sens » par exemple l’écoute d’une musique appelle immédiatement et visuellement des couleurs, le jaune, solaire peut être associé à de la trompette, le bleu, plus profond à de l’orgue… 4 à 6 % de la population serait synesthète. Une image peut faire aussi surgir l’odeur ou le goût d’un plat.
Invitée à réaliser la mise en scène de Norma de Bellini (1831), Kara Walker transpose l’intrigue de la Gaule occupée par les romains à un pays africain sous le joug européen. Un immense masque, décor magnifique occupe la scène de la Fenice en 2015.
En 1960, l’opéra de Luigi Nono, Intolérance 60, ayant pour sujet un émigrant italien confronté à l’intolérance et à la torture, déclenche des insultes à la Fenice de Venise. Au-delà de l’apparence d’un simple divertissement, l’opéra est aussi un lieu d’engagement.
Un village opéra est créé au Burkina Faso par Christoph Schlingensief. Entamée en 2009, cette réalisation en spirale s’étoffe peu à peu et rassemble aujourd’hui autour du théâtre initial, un centre de santé et une école. Le village opéra au cœur même de la vie devient, lentement, un lieu d’échanges et de dialogues des cultures, social et humaniste bien loin de l’opéra conventionnel.
Operndorf Afrika, Christoph Schlingensief.
Si la voix est l’objet de toutes les attentions à l’opéra, l’attitude figée des solistes n’est plus de mise. Des metteurs en scène venant du théâtre, du cinéma ou de l’univers de la danse ont fait évoluer le jeu d’acteur et la gestuelle du corps.
Maria Callas. Battle dans la salle des machines d'un bateau.
Karen Sarsyan, 2019.
Sculptures de papier fabriquées
pour Opéra Monde.
Vidéo imaginée par Clément Cogitore pour la 3ème scène, 2018. Les Indes galantes, Jean-Philippe Rameau.
Groupe de danseurs de Krump (dérivé du hip hop). Né après la répression dans les ghettos de Los Angeles, dans les années 90, corps à corps tribal et libérateur des performeurs.
L’opéra, autrefois réservé à une élite s’inspire de l’art de la rue, descend dans la brousse, s’empare des arts visuels, numériques, fait intervenir des artistes d’horizons différents, s’inscrit dans l’art et le monde contemporain, éveille les consciences tout en faisant rêver, les oreilles et les yeux grand ouverts.
Prochaine rencontre avecLes Arts 57 :Les Jardins de Versailles entre 1702 et 1704
Lundi 13 janvier à 20 h à Saulny, Salle Muller (salle polyvalente)
Conférence présentée parMonsieurCharles THIEBAUT
Participation : 3 euros pour adhérents et étudiants ; 5 euros pour non-adhérents
Les photos et images présentes sur ce site sont couvertes du droit à l'image; si l'une ou l'autre d'entre elles venait à outrepasser ce droit, nous nous en excusons et la retirerons immédiatement
sur demande.
Les Arts 57
Recherche
Recherche
QUI SOMMES-NOUS ?
L’association Les ARTS 57 poursuit un but non lucratif et a pour objet la promotion des valeurs et actions culturelles et artistiques au profit des populations des villages et villes qui souhaitent y participer.
Donner le goût de découvrir, de même que les clés pour comprendre, apprécier et porter un jugement critique seront les objectifs de ce cycle de conférences dans nos villages.
Le but est également de réunir, dans nos villages, des personnes partageant la même passion.
Nous programmons au moins quatre rencontres par an et organisons deux à trois visites guidées en fonction des événements culturels dans la Région.