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C’est avec grand plaisir que Les Arts 57 retrouvent, en mai, chaque année, Mr Jean-Yves Bègue à l’espace Jules Verne pour une conférence toujours passionnante. Ce médecin, amateur d’art et élu de la ville a conquis un large public de 85 personnes, avec la vie sulfureuse de Gauguin.

Paul Gauguin est né à Paris en 1848. Sa mère Alice Chazal-Tristan (fille de l’écrivain révolutionnaire Flora Tristan, aristocrate péruvienne) et son père Clovis, engagé politiquement, fuient la répression et s’expatrient vers l’Amérique du sud. Clovis décède d’une fièvre lors de la traversée. Après 6 années passées à Lima, retour en France, la famille s’installe à Orléans, auprès du grand -père Gauguin, Paul a 8 ans. De cette petite enfance en exil, il gardera le goût du voyage et de l’exotisme.

A 17 ans, il s’engage dans la marine, navigue pendant 6 ans : Rio, Panama, la Polynésie, les Indes… 1870, de retour à Paris, son tuteur, Gustave Arosa, banquier, ami de la famille et grand amateur d’art le fait engager comme agent de change chez Bertin, et lui donne le goût de la peinture. Habile, Gauguin gagne bien sa vie, épouse, en 1873 une danoise Mette- Sophie Gaad, avec laquelle il aura 5 enfants.

« Peintre du dimanche », il admire Degas et ses chevaux, Cézanne par-dessus tout, achète des toiles impressionnistes, rencontre Pissarro qui devient son mentor… Il n’apprécie pas le pointillisme. D’abord impressionniste, plutôt que la lumière, Gauguin va privilégier la matière. En 1882, il abandonne son emploi pour se consacrer entièrement à la peinture, part à Copenhague, relations houleuses, laisse sa famille au Danemark, mais entretiendra toujours une correspondance avec Mette, « son port d’attache».

En 1886, à la recherche d’un nouveau souffle, il part pour Pont-Aven, petit port breton, déjà prisé par de nombreux peintres non seulement français mais aussi américains, anglais, néerlandais, plus ou moins fortunés, qui se mêlent à la population. Endroit idéal pour trouver dépaysement culturel, croyances populaires, costumes traditionnels, ferveur catholique…, Gauguin loge à la pension Gloanec, peint et se lie d’amitié avec Emile Bernard. Tous deux réclament la paternité du symbolisme (qui privilégie la subjectivité par opposition au naturalisme). Leurs toiles se ressemblent : pas de perspective, cloisonnement, limites noires, couleurs chatoyantes, grands aplats …

Des paysannes bretonnes « voient » le sujet du sermon du curé de Pont-Aven : la parabole de la lutte de Jacob et de l’ange. Au premier plan, femmes et prêtre en prière, ils sont séparés de la scène biblique par une branche de pommier. Représentation des personnages simplifiée, visages sans expression, figures cernées, cloisonnement (à la manière d’un vitrail ?). Mélange du profane et du sacré dans un même espace. Gauguin avait prévu cette toile pour l’église de Pont-Aven, mais elle sera refusée par le curé. Très déçu, il pensait pourtant avoir bien rendu le contexte local en peignant les coiffes, la lutte bretonne…

Aubergiste de Pont-Aven, Marie-Angélique Satre est réputée être une très belle femme.
Dans sa recherche de primitivisme, il veut peindre un folklore breton encore vivace. Le portrait est placé dans un cercle qui l'isole, procédé alors courant dans l’imagerie populaire et les illustrations japonisantes, à côté une statuette anthropomorphe péruvienne, dont la coiffe fait écho à celle de La Belle Angèle... A la vue du tableau, elle s’écrie "Quelle horreur !" et refuse la toile...
Degas achètera l’œuvre en 1891.


Photo 1888. Autoportrait à la palette 93-94.
Ses toiles ne se vendaient pas, et malgré ses moyens modestes, Gauguin « pérorait », s’imposait par une autorité naturelle, conseillait ses jeunes amis, jouissait d’une certaine « aura» qui en fera plus tard un des chefs de file de l’école de Pont- Aven.
Cette période bretonne (1886-91) est entrecoupée de retours fréquents à Paris. Le marchand Théo Van Gogh lui suggère de rendre visite à son frère Vincent à Arles. Théo espérait qu’il pacifierait son frère tandis que Gauguin comptait sur le galeriste pour vendre ses toiles. En 1888, pendant deux mois, les 2 artistes s’influencent mutuellement, partagent l’atelier, peignent ensemble, fréquentent bistrots, prostituées, sont compères d’abus d’absinthe, de morphine… et la cohabitation se termine mal avec l’épisode du lobe de l’oreille coupée où Gauguin prend peur et quitte Arles.
Van Gogh, Le café de nuit, place Lamartine, Arles, 1888. Gauguin, le café de nuit, Arles, 1888. Gauguin, tournesols. Gauguin, Van Gogh peignant les tournesols. 1888.
En 1891, ruiné, Gauguin obtient du ministère une mission officielle d'étude des coutumes et paysages, après un voyage à Copenhague pour voir ses enfants, il s’embarque pour la Polynésie et s'installe à Tahiti où il espère fuir la civilisation européenne et découvrir l’éden primitif, pas perverti. Il y retrouve le colonialisme, les religions protestante, catholique… Son comportement est ambigu, il veut défendre « le bon sauvage » mais s’accommode des autorités … Fasciné par le charme indolent des femmes, leur beauté sculpturale, il rencontre Teha amana, ( ou Tehura) jeune fille de 13 ans, (lui en a 43 !). Après « arrangement » avec son père, elle le suit, sera sa compagne et sa muse.

Jeune femme la plus importante dans sa vie artistique. Même habillée à l’européenne, elle est restée pure dans ses croyances ancestrales, malgré l’influence des missions imposant le catholicisme… Dans ses toiles, masques, statuettes représentent les dieux d’autrefois, un monde idéalisé précédant la colonisation.
Gauguin sculpte aussi beaucoup le bois.

Allongée sur un drap posé sur un paréo fleuri au premier plan, Tehura a peur.
Un deuxième plan plus flou, abstrait est sujet à plusieurs interprétations possibles :
- selon les croyances maories, l’obscurité de la nuit favorise le retour des ancêtres sous forme de revenant.
- le personnage inquiétant représente un moine et la perte de l’authenticité initiale de l’ile.
Deux mondes se côtoient habilement, le réel au premier plan et l’imaginaire à l’arrière.
En 1893, Gauguin est rapatrié à Paris, grande déception, ses toiles n’ont pas le succès escompté. Le marchand Paul Durand-Ruel lui offre un salaire en échange du dépôt de ses tableaux. Il rédige « Noa-Noa », récit poétique et illustré de ses découvertes de la vie primitive à Tahiti mais se fait escroquer par un ami qui le publie à son propre compte.
Il peint la Bretagne aux couleurs de la Polynésie, palette éclatante de jaunes, rouges, verts et bleus pour ces bretonnes …..

Annah, la javanaise, 1893.
Nouveau séjour à Pont Aven, nouvelle compagne javanaise Annah, tibia cassé après une bagarre à Concarneau, … Il ne pense plus qu’à retourner définitivement en Polynésie. En juillet 1895, Paul Gauguin embarque à nouveau du port de Marseille pour Papeete.
Il transpose les nus célèbres : Diane de Cranach, et Olympia de Manet, dans "La Femme du Roi ". Le serpent autour de l’arbre évoque une Eve tahitienne, les pommes sont remplacées par des mangues.
Toiles riches de symboles, des influences diverses se mélangent : tahitienne portant un enfant auréolé évoquant la Vierge Marie et l’Enfant Jésus, vahinés assises rappelant des égyptiennes…
Le tableau se lit de droite à gauche, les trois femmes avec un enfant représentent le début de la vie, le groupe du milieu symbolise l'existence quotidienne des jeunes adultes, à gauche, « une vieille femme approchant la mort apparaît réconciliée et résignée à cette idée » , à ses pieds, un étrange oiseau blanc, une idole bleue à l'arrière-plan. « J’ai voulu, avant de mourir, peindre une grande toile que j'avais en tête … Les deux coins du haut, sont jaune de chrome… telle une fresque abîmée aux coins et appliquée sur un mur or. ». Lettre à son ami Monfreid.
Deux femmes tahitiennes 1899. Jeune fille à l’éventail ( représentant la belle rousse Tohotaua) , 1902. Contes barbares , 1902.
Sa nouvelle vahiné Pahura a un fils, Emile (1899). En 1901, il part s'installer aux Iles Marquises. Il y construit la "Maison du Jouir", grande case sur pilotis ornée d’un ensemble de panneaux qu’il sculpte dans du bois de séquoia. D’autres jeunes vahinés apparaissent dans sa vie et sur ses tableaux. Il y meurt d'une crise cardiaque en 1903. Enterré au cimetière d'Atuona, là ou un autre talentueux artiste, Jacques Brel, le sera aussi des années plus tard.
Par ses aplats aux couleurs éclatantes, Paul Gauguin a largement influencé les peintres du début du XXème siècle ouvrant la voie aux fauves en France, aux expressionnistes du « Blaue Reiter » en Allemagne et en inspirant beaucoup d’autres, Picasso, Matisse, Kandinsky…
Prochaines rencontres avec Les Arts 57, Lundi 4 juin à 20 h à SAULNY, Salle Muller (salle polyvalente, thème de "Balade dans les rues de Metz : entre histoire et anecdotes"
Conférence présentée par Monsieur Claude SPITZNAGEL, passionné de la région, de son histoire, un des auteurs de la revue numérique "PASSE-PRESENT".
Participation : 3 euros pour adhérents et étudiants ; 5 euros pour non-adhérents
Réservation souhaitée par mail ou par tél :
lesarts57@hotmail.fr ou tél. 03 87 32 05 03 - 06 84 35 19 96
Sortie le samedi 23 juin 2018 : Excursion dans l'ancien duché de Bar et en Pays messin.
7h15 : rendez-vous à SAULNY,
VALLEROY , statues par Amilcar Zannoni, HATRIZE , ferme fortifiée, église., JARNY, Château de Moncel, XIXe siècle, (visite extérieure) et parc à l'anglaise.
12h00 : Déjeuner Chez Delphine, lieu-dit ferme de Moscou.
14h30 : GORZE palais abbatial, église Saint-Etienne
Toutes les visites seront accompagnées par Catherine Bourdieu.
Retour à Saulny vers 18h30.
Participation : 35 euros adhérents - 40 euros non-adhérents.
Réservation souhaitée par mail ou par tél pour le 14 JUIN au plus tard à :
lesarts57@hotmail.fr ou tél. 03 87 32 05 03 - 06 84 35 19 96