Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 juin 2022 2 28 /06 /juin /2022 15:56

Paul Cézanne, vers1875, il a 36 ans.

 

C’est dans la très jolie salle du Château Fabert de Moulins que LesArts57, ce jeudi 19 mai, 20h, avaient programmé cette nouvelle rencontre présentée par Jean Yves Bègue et qui a réuni 80 personnes.

Après avoir complimenté l’association, Jean-Yves remercie ses amis du conseil municipal avec lesquels il partage des moments conviviaux et les nombreuses connaissances venues sympathiquement découvrir cet immense artiste qu’est Cézanne (et non pas Gauguin comme annoncé par erreur dans la presse !).

Amateur d’art éclairé, ce médecin de profession ne veut pas faire montre d’érudition mais souhaite partager avec simplicité et décontraction un bon moment entre amis.

Il va nous présenter les gens qui évoluent autour de Cézanne en cette 2ème moitié du 19ème siècle, sa vie, sa période impressionniste, et comment ce peintre de formation classique va devenir un passeur vers la modernité.

 

Paul Cézanne ne sera célèbre et reconnu qu’à la fin de sa vie. L’extravagant Salvatore Dali le qualifie même de barbouilleur ! Né en 1839 à Aix-en-Provence, il y revient toujours et y décède en 1906.

Enfance et adolescence plutôt studieuses de jeune bourgeois, elles sont marquées par sa grande amitié avec Emile Zola, moins fortuné. Son père, négociant chapelier, devenu banquier, voulait en faire un homme de loi ou un banquier, Paul entre à la faculté de de droit. Lorsque Zola part pour Paris commence une correspondance fournie avec son ami.

 

Portait d’Emile Zola, vers 1862-64, Musée Granet, Aix en Provence

Cézanne fréquente l’Ecole de dessin d’Aix le soir, dessine d’après le modèle vivant, copie des œuvres de maitre, admire profondément Delacroix et Courbet. Ce grand jeune homme, extrêmement cultivé, mais aux manières rudes dépend financièrement de son père peu enclin à le voir devenir artiste. Zola finit par le convaincre de le rejoindre à Paris et de se consacrer à la peinture. Il est refusé au concours d’entrée aux Beaux-Arts. On reconnait cependant « son tempérament de coloriste » mais à cette époque, c’est le dessin « bien léché » à la manière d’Ingres qui prédomine. Il fréquente les musées parisiens, suit les cours de l’académie Suisse.

 

Tout dans ce portrait, est ironique : la bienveillance de son père, lisant l’Evènement, journal de gauche loin de ses convictions personnelles, la nature morte placée sur le mur alors qu’il n’approuvait pas le choix artistique de son fils.

Jolie composition réalisée au couteau, pâte épaisse, ce portrait dégage beaucoup de force.

 

 Louis-Auguste Cézanne lisant l’Evènement, 1866, Washington.

Il alterne les allers-retours entre Aix et Paris. Avec Zola, au Salon des Refusés en 1863, il éprouve un choc en voyant Le Déjeuner sur l’herbe de Manet. Admiratif de son audace, de sa palette plus colorée, il s’en inspire et pousse plus loin la provocation.

Manet, Le Déjeuner sur l’herbe, 1863. – Cézanne, Pastorale, 1870, musée d’Orsay, Paris.

Manet, Olympia,1865.--- Cézanne, Une moderne Olympia, première version, 1867-70 -- 1873-74 musée d’Orsay.

Il admire beaucoup l’artiste, apprécie moins l’homme qui aime parader contrairement à lui, plus ténébreux. Cézanne peint une vision plus réaliste et directe d’une jeune prostituée offerte. Il se représente de dos. Les contours noirs encore très appuyés, la matière plus épaisse de la 1ere version font place à une palette plus claire et lumineuse dans une seconde version plus tardive, touche plus rapide et un peu plus fine. Cézanne est encore une fois laminé par la critique outrée.

 

Cézanne représente son ami, peintre peu reconnu, avec beaucoup de dignité, à la manière des grands d’Espagne. Baigné de lumière, une certaine mélancolie se dégage de ce personnage auquel Cézanne venait en aide de son mieux. Ce portrait, envoyé au Salon de 1870, essuya encore un refus et une critique féroce.

 

Portrait d’Achille Emperaire, 1867-70, musée d’Orsay.

Lors de ses retours à Aix, il installe un atelier dans la propriété familiale, le Jas de Bouffan. En 1970, lors du conflit, il se réfugie dans une maison de pécheurs à l’Estaque, près de Marseille. Après la guerre, il retourne à Paris pour cacher sa liaison avec Hortense, jeune modiste et modèle qui devient sa compagne. Il fréquente les peintres en marge des milieux académiques, participe à des discussions passionnées au café Guerbois.

 

Camille Pissaro lui propose de venir le rejoindre dans la vallée de l’Oise. Les deux hommes peignent en plein air, côte à côte, les mêmes sujets. Pissaro, un peu plus âgé, d’un naturel agréable et patient, l’amène à remplacer le contour sombre dans sa peinture par des dégradés des couleurs, à utiliser des tons plus clairs, des coups de pinceaux plus petits.

 

Bouquet au petit Delft, 1873, Musée d’Orsay.

 Camille Pissaro (à gauche, barbe blanche) et Paul Cezanne.  --- Pissaro, Portait de Cézanne coiffé d’un feutre, 1874, musée du Louvre..
 Camille Pissaro (à gauche, barbe blanche) et Paul Cezanne.  --- Pissaro, Portait de Cézanne coiffé d’un feutre, 1874, musée du Louvre..
 Camille Pissaro (à gauche, barbe blanche) et Paul Cezanne.  --- Pissaro, Portait de Cézanne coiffé d’un feutre, 1874, musée du Louvre..
 Camille Pissaro (à gauche, barbe blanche) et Paul Cezanne.  --- Pissaro, Portait de Cézanne coiffé d’un feutre, 1874, musée du Louvre..
 Camille Pissaro (à gauche, barbe blanche) et Paul Cezanne.  --- Pissaro, Portait de Cézanne coiffé d’un feutre, 1874, musée du Louvre..
 Camille Pissaro (à gauche, barbe blanche) et Paul Cezanne.  --- Pissaro, Portait de Cézanne coiffé d’un feutre, 1874, musée du Louvre..

Camille Pissaro (à gauche, barbe blanche) et Paul Cezanne. --- Pissaro, Portait de Cézanne coiffé d’un feutre, 1874, musée du Louvre..

Au contact direct avec la nature, il observe les reflets de couleurs par rapport à l’environnement et ne cesse de retravailler ses toiles. Si les tableaux de Pissarro semblent plus flatteurs, ceux de Cézanne dégagent plus de force et de profondeur, les verticales plus appuyées donnent du relief, les horizontales l’étendue construisant une perspective solide.

Avec ses amis, Monet, Renoir, Degas, Boudin, Sisley… refusés des salons officiels, il participe en 1874 à une exposition chez le photographe Nadar. Le port du Havre de Claude Monet : Impression, Soleil levant retient l’attention, le mouvement Impressionniste est né.

Paul Cézanne, La Maison du pendu, Auvers -sur -Oise, 1873, Orsay---La Maison du Dr Gachet, 1872-73, Orsay.

Dans l’Oise, Cézanne rencontre aussi le Dr Gachet et le père Tanguy, marchand de couleurs, qui soutiennent ces jeunes peintres modernes. Cadrages bien construits dans La Maison du pendu et La Maison du Dr Gachet, le premier plan plus large, ouvert, guide le regard. Les touches diagonales de la végétation animent ces paysages tranquilles.

           Pissaro, le Petit Pont, Pontoise,1875.    ---     Cézanne, Le Pont de Maincy, 1879. Musée d’Orsay.

Les reflets sur l’eau de Pissarro, la profondeur de l’eau chez Cézanne, les deux artistes ont chacun leur style. Dans cette toile du pont de Maincy, les lignes géométriques, les taches de couleurs juxtaposées, superposées sont clairement perceptibles. Pissarro évoluera vers le pointillisme, tandis que la géométrisation de Cézanne préfigurera le cubisme. Une grande amitié le lie à Monet, ainsi qu’à Renoir qui lui présente Victor Choquet, collectionneur et mécène.

Portrait de Victor Chocquet, 1876-77. ---- Portrait d’Ambroise Vollard, 1899, musée du Petit Palais, Paris. Portrait de l’artiste, 1873-74, Orsay--- Portrait de l’artiste au fond rose, 1875, coll.privée --- Portrait de l'artiste au bonnet blanc,1880-82, Neue Pinacoteck, Munich.
Portrait de Victor Chocquet, 1876-77. ---- Portrait d’Ambroise Vollard, 1899, musée du Petit Palais, Paris. Portrait de l’artiste, 1873-74, Orsay--- Portrait de l’artiste au fond rose, 1875, coll.privée --- Portrait de l'artiste au bonnet blanc,1880-82, Neue Pinacoteck, Munich.
Portrait de Victor Chocquet, 1876-77. ---- Portrait d’Ambroise Vollard, 1899, musée du Petit Palais, Paris. Portrait de l’artiste, 1873-74, Orsay--- Portrait de l’artiste au fond rose, 1875, coll.privée --- Portrait de l'artiste au bonnet blanc,1880-82, Neue Pinacoteck, Munich.
Portrait de Victor Chocquet, 1876-77. ---- Portrait d’Ambroise Vollard, 1899, musée du Petit Palais, Paris. Portrait de l’artiste, 1873-74, Orsay--- Portrait de l’artiste au fond rose, 1875, coll.privée --- Portrait de l'artiste au bonnet blanc,1880-82, Neue Pinacoteck, Munich.
Portrait de Victor Chocquet, 1876-77. ---- Portrait d’Ambroise Vollard, 1899, musée du Petit Palais, Paris. Portrait de l’artiste, 1873-74, Orsay--- Portrait de l’artiste au fond rose, 1875, coll.privée --- Portrait de l'artiste au bonnet blanc,1880-82, Neue Pinacoteck, Munich.

Portrait de Victor Chocquet, 1876-77. ---- Portrait d’Ambroise Vollard, 1899, musée du Petit Palais, Paris. Portrait de l’artiste, 1873-74, Orsay--- Portrait de l’artiste au fond rose, 1875, coll.privée --- Portrait de l'artiste au bonnet blanc,1880-82, Neue Pinacoteck, Munich.

Portraits sans concession, de trois quarts, l’artiste dégage une impression de détermination dans ses autoportraits. Période un peu plus sereine, Hortense lui donne un fils Paul en 1872.  Il n’en révèlera l’existence à son père que 6 ans plus tard et n’épousera Hortense que plus tard encore ! Compositions simples en apparence pour les portraits de Mme Cézanne qui posait longuement. Visage impassible, coiffure austère, les portraits révèlent une certaine distance entre eux.

Madame Cézanne à la jupe rayée, 1877, Boston --- Madame Cézanne au chapeau vert, 1891-92 --- Portrait de Mme Cézanne, 1892, Moma.
Madame Cézanne à la jupe rayée, 1877, Boston --- Madame Cézanne au chapeau vert, 1891-92 --- Portrait de Mme Cézanne, 1892, Moma.
Madame Cézanne à la jupe rayée, 1877, Boston --- Madame Cézanne au chapeau vert, 1891-92 --- Portrait de Mme Cézanne, 1892, Moma.
Madame Cézanne à la jupe rayée, 1877, Boston --- Madame Cézanne au chapeau vert, 1891-92 --- Portrait de Mme Cézanne, 1892, Moma.

Madame Cézanne à la jupe rayée, 1877, Boston --- Madame Cézanne au chapeau vert, 1891-92 --- Portrait de Mme Cézanne, 1892, Moma.

Nature morte à la soupière, 1877, Orsay. --- Nature morte, fruits, serviette et boite à lait, 1879-82, musée de l’Orangerie, Paris. -- Nature morte avec oignons, 1895.

Nature morte avec pommes et oranges, 1899, Orsay.

Dans ses nombreuses natures mortes, beaucoup de réflexion, les compositions sont savamment étudiées : équilibre des formes rondes, linéaires, drapées. Les couleurs se mettent en valeur mutuellement… La pomme représente quelque chose d’éternel. Ce fruit simple a non seulement l’avantage d’une économie de moyens, d’une longévité importante, elle ne bouge pas à la pose contrairement aux modèles… de plus, elle lui évoque aussi un souvenir d’enfance : plus costaud, il avait défendu Zola à l’école, celui-ci lui avait offert, en retour, un panier de pommes.

 

Portait étrange, cette femme, sans doute la femme de ménage du peintre, placée devant une porte aux panneaux géométriques. La silhouette est, elle aussi, très géométriquement représentée, les formes des bras s’approchent de cylindres. Couleurs soigneusement choisies, la nappe rouge renforce l’intensité du bleu de la robe, la tasse blanche, elle aussi cylindrique, judicieusement placée, apporte de l’éclat.

 

La Femme à la cafetière, 1890-95 Orsay.

Souvent de retour dans sa Provence, il se sent proche des personnages rustiques, jardinier, gouvernante, paysans qu’il prend comme modèles pour ses joueurs de cartes.

Partie de cartes, 1990-92, Etats Unis      ---   Les Joueurs de cartes, 1896, Orsay.

Comme à l’accoutumée, la composition est réfléchie, construite. Les personnages résultent de croquis préparatoires. Impression de concentration des personnages, de lenteur. Cependant, les chapeaux différents, la pipe, la bouteille et son reflet blanc, la nappe rouge un peu ondulée apportent de la chaleur et de la variété et rendent ce tableau terriblement vivant malgré le temps suspendu.

 

 

Les nus féminins, loin des proportions idéales des canons de beauté, semblent intégrées à leur environnement. Elles participent plus à une harmonie générale dans la toile, créée aussi par la composition pyramidale du tableau. Les deux groupes de baigneuses laissant entrevoir une trouée centrale ce qui donne beaucoup de profondeur.

 

Cézanne, Les Grandes Baigneuses, 1898-1905, Philadelphie.

La Montagne Sainte-Victoire au grand pin, 1885-87.--- La Montagne Sainte-Victoire au château noir, 1904-05.---La Montagne Sainte -Victoire, vue des Lauves, 1902-04, Philadelphie. Tokyo.
La Montagne Sainte-Victoire au grand pin, 1885-87.--- La Montagne Sainte-Victoire au château noir, 1904-05.---La Montagne Sainte -Victoire, vue des Lauves, 1902-04, Philadelphie. Tokyo.
La Montagne Sainte-Victoire au grand pin, 1885-87.--- La Montagne Sainte-Victoire au château noir, 1904-05.---La Montagne Sainte -Victoire, vue des Lauves, 1902-04, Philadelphie. Tokyo.

La Montagne Sainte-Victoire au grand pin, 1885-87.--- La Montagne Sainte-Victoire au château noir, 1904-05.---La Montagne Sainte -Victoire, vue des Lauves, 1902-04, Philadelphie. Tokyo.

S’éloignant de plus en plus de la vie parisienne, il retrouve toujours la Montagne Sainte -Victoire.  Imposante dans le paysage d’Aix en Provence, il la représente inlassablement : 87 toiles et aquarelles. Symbole de stabilité et de pérennité, ce paysage lui convient parfaitement, il aime ce motif pour étudier les effets de la lumière. C’est en la peignant sous la pluie qu’il contracte une pneumonie et meurt 8 jours plus tard en octobre 1906.

Autoportrait au Bérêt ,1898-1900, Boston.

Picasso et Braque découvriront son œuvre en 1907 et pousseront plus loin la géométrisation des formes dans l’espace, combinant différents points de vue initiant le cubisme… Il inspirera aussi Matisse (la Danse), Delaunay, Leger, Mondrian (couleurs, géométrie) …

Cézanne, chercheur acharné, a vraiment permis aux jeunes peintres du début 20ème siècle de se libérer du classicisme pour aller vers la modernité.

Intéressante et agréable soirée, Jean Yves Bègues nous a captivé par son exposé richement illustré et donné très envie de redécouvrir cet artiste si singulier.

Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :

le 21  juillet 2022, 10 h 45,

 Visite guidée : de la Villa  Majorelle, à NANCY

par Christophe Rodermann

 

Réservation obligatoire par mail ou par tél.

lesarts57@gmail.com      ou tél.   03 87 32 05 03 - 06 84 35 19 96

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

Droit à l'image

Les photos et images présentes sur ce site sont couvertes du droit à l'image; si l'une ou l'autre d'entre elles venait à outrepasser ce droit, nous nous en excusons et la retirerons immédiatement sur demande.
Les Arts 57

Recherche

QUI SOMMES-NOUS ?

 

 L’association Les ARTS 57 poursuit un but non lucratif et a pour objet la promotion des valeurs et actions culturelles et artistiques au profit des populations des villages et villes qui souhaitent y participer.

 

Donner le goût de découvrir, de même que les clés pour comprendre, apprécier et porter un jugement critique seront les objectifs de ce cycle de  conférences dans nos villages.

 

Le but est également de réunir, dans nos villages, des personnes partageant la même passion.

 Nous programmons au moins quatre rencontres par an et organisons deux  à trois visites guidées en fonction des événements culturels  dans la Région.

 

Liste des membres du conseil d’Administration

 

Présidente :                 Martine ZIEGLER  

Vice-présidente :         Chantal RENNER   

Trésorière :                  Geneviève DIDELOT

Trésorière adjointe :     Brigitte CROUZET

Secrétaire :                  Arielle SILICE-PALUCCI 

Assesseur :                  Catherine BOURDIEU  

Assesseur :                  Chantal CLEMENT

 

 

PARTENAIRES