Au lendemain de la rencontre à Saulny : « l’érotisme en peinture », le 3 novembre 2015…

Grand succès pour cette nouvelle rencontre des Arts 57, une soixantaine de personnes étaient venues écouter Christophe Rodermann, sympathique guide conférencier du patrimoine, Maître en Droit et Histoire de l’art, décrypter les œuvres au-delà des apparences (voire des transparences !!!) avec beaucoup d’enthousiasme.

Le corps nu féminin ou masculin a toujours fasciné les artistes. Autrefois, sa représentation était tolérée à condition d’être idéalisée en copiant la statuaire antique. Au 14ème siècle, les artistes sont plutôt « décorateurs d’églises », limités dans les représentations, les couleurs (peau grise…). Au 15ème siècle, on redécouvre la culture gréco –romaine.

Botticelli, la Naissance de Vénus, 1482.

Sujet mythologique, corps parfaitement idéalisé.

A la Renaissance, les grandes familles encouragent la création artistique, les artistes circulent de cour en cour, la bourgeoisie marchande fait fortune et souhaite, elle aussi, posséder des œuvres à la manière des princes.

Robert le Voyer, en 1570, reproduit une des copies les plus fidèles du Jugement Dernier de Michel-Ange (1536-41) réalisée par Marcello Venuti en 1549 (avant les modifications).

En 1564, le concile de Trente décide de masquer par des voiles, les parties génitales. La tâche de peindre les parties à couvrir fut confiée à Daniele da Voltera, surnommé le « Braghettone » = « faiseur de culottes » ! 200 personnages relevant de la statuaire antique, corps qui s’enchevêtrent, certaines poses jugées peu convenables, échanges de baisers, l’homosexualité commence à être représentée…

Au 16ème siècle, les artistes s’émancipent, leur peinture échappe aux règles, déforme le corps idéal : poses plus subtiles, formes plus allongées, plus courbées … elle est chargée de symboles, devient plus intellectuelle

Agnolo Bronzino (1503-1572) Vénus, Cupidon et le Temps.

Cette toile est une commande de François Ier : cour raffinée, sans contrôle d’autorités morales ou religieuses, il peut donner libre cours à son goût pour un érotisme délicat et les énigmes subtiles, susceptibles de plaire aux aristocrates français… sens premier évident : Vénus et Cupidon échangent un baiser quelque peu trouble et équivoque… sensualité présente à travers les poses et les caresses,… la pomme, fruit de la tentation. ..la Jalousie incarnée par la vieille femme à gauche, tandis que la beauté de la jeune fille à droite ne sera qu’éphémère (roses), les rayons de miel associés à la sexualité, l’allégorie du Temps avec son sablier, le voile bleu qui fera tout disparaître en le recouvrant. Peinture intellectualisée, nombreux messages glissés, les collectionneurs possèdent le savoir…

Progressivement, les états d’âme apparaissent : visage impatient, regard interrogateur…

Primatice, Ulysse et Pénélope, 1550…

Les courtisans sont invités à sortir …et laisser Ulysse et Pénélope dans l’intimité de leur lit… (si proche du spectateur !…), ambiguïté : Ulysse serre le visage de Pénélope, s’enquiert-il de sa fidélité pendant son absence?

Cornélis van Haarlem, 1616, L’Humanité avant le Déluge. (Toulouse)

Apparemment joyeuse compagnie s’adonnant aux plaisirs de la vie, musique, amour, bonne chère…mais en arrière-plan, l’arche de Noé représente l’inquiétude, l’idée de menace... (peut-être religieuse : période de massacre des protestants).

Claude Déruet, (peintre lorrain), Enlèvement des Sabines, 1650.

Episode de l’histoire de la fondation de Rome, les Romains manquent de femmes et organisent le rapt de celles de leurs voisins, les Sabins…poses étranges, multitude de corps…

Au 17ème siècle, le jeune Louis XV arrive au pouvoir. Après une longue période d’ordre moral sévère sous Louis XIV (Richelieu, Mazarin…) apparait une ère de frivolité, légèreté. Influence de La Pompadour.

François Boucher, Jupiter et Callisto, 1765.

Callisto, nymphe de la forêt, appartenant au cortège de Diane, se laisse séduire par Jupiter, déguisé en Diane,… (en représailles, Era transformera Callisto et son fils en grande et petite ourse dans le ciel). Le peintre montre les mœurs légères de l’aristocratie à la cour de France.

Jean-Honoré Fragonard,Les Hasards heureux de l’ Escarpolette, 1769.

Scène galante, les couleurs pastel, claires, raffinées, vert, jaune, rose apportent grande légèreté... jeune fille dans la lumière, le vieil homme à droite tire l’escarpolette, à gauche, gentilhomme voyeur, statue d’amour, doigt sur les lèvres : silence complice…

Au 19ème siècle, l’homme européen part à la découverte du monde, …Napoléon : campagne d’Egypte, goût pour l’exotisme…

Jean- Auguste Dominique Ingres, Le Bain turc, 1862.

Commande du Prince Napoléon. Ingres s’inspire de la lettre d’une ambassadrice anglaise relatant sa visite aux thermes, scène de harem, en Turquie. Il livre la toile en 1859, mais l’impératrice choquée la rend et l’échange. Le peintre y retravaille. De proche en proche, le regard est guidé jusqu’à la danseuse. L’allongement du corps, le sein placé sous le bras de la baigneuse jouant de la mandoline, (souvenir de la Grande Odalisque) sont des éléments de féminité qu’Ingres peint volontairement…. Il transforme le format carré originel en cadre circulaire ou tondo qui s’accorde avec les courbes, le jeu des arabesques. Une certaine harmonie se dégage de la composition mais donne l’impression d’un « judas » par lequel l’œil voyeur observe ! A 82 ans (1862), Ingres signe certainement la toile la plus érotique et qui réalise la synthèse des œuvres de sa vie (baigneuses, dormeuse…).

Edouard Manet, Olympia, 1863. Musée d’Orsay. Paris .

130x190cm

Toile qui provoqua un scandale. Fille de luxe parisienne, elle regarde le spectateur, défie les « grands hommes », ses clients…le chat noir incarne l’infidélité.

Gustave Courbet, Le Sommeil 1866, Petit Palais. Paris.

Commande de Khalil Bey, collectionneur, ambassadeur de Turquie, loin des salons officiels…Sur ce grand format, 135x200cm, contraste des chevelures, des carnations, deux types de beauté, « nus à la chair vivante », sensualité.

Gustave Courbet, l’Origine du monde, 1866. Musée d’Orsay Paris en 1995.

(46x55cm)

Autre commande de Khalil Bey, (il avait aussi acquis le Bain turc). D’abord dissimulée sous un voile, puis sous une autre peinture... Tableau qui dérange, interroge, tête non représentée, cadrage qui place le spectateur face au sexe féminin. Première exposition publique en 1988 à New York.

Ces toiles, commandes de collectionneurs, ont favorisé la création et l’imagination fertile d’artistes audacieux mais la confidentialité des collections a longtemps occulté la diffusion de ces œuvres auprès du grand public.

prochaine rencontre avec Les Arts57 :

visite guidée de l'exposition "Wahrol Underground" au centre Pompidou Metz ,le 20 novembre.

participation : 5E adhérent, 8E non adhérent

réservation par mail ou tel :03 87 32 05 03