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Première rencontre de l’année organisée par Lesarts57 dans ce haut lieu de la culture messine pour admirer le grand plan relief de la ville, et en profiter pour revoir sommairement des trésors antiques.
Vendredi 24 janvier, 14h30, sympathiques retrouvailles, il est encore temps de se souhaiter le meilleur pour 2025. A 15h, Marlène, médiatrice au musée, conduit le groupe de 28 personnes jusqu’à la salle dédiée.
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Ce plan-relief est installé au musée depuis les journées du patrimoine le 16 septembre 2023. C’est une copie de l’original conservé dans les réserves des Invalides à Paris. L’original avait été exposé en 1984 dans la crypte de la cathédrale. Malgré la volonté de J.M. Rausch, maire de la ville, il n’a pas été possible de le conserver à Metz. Il demande alors à deux maquettistes M. Marcel François et M. Raymond Louis d’en faire une copie. Aidés par M. Bernard Mittelheisser, ils y travaillent pendant une dizaine d’années de 1990 à 2000, multipliant les voyages aux Invalides pour consulter les plans originaux.
Très impressionnant, lorsqu’on pénètre dans la salle, le plan-relief mesure 6,10m x 5, 35m. Agencé sur 17 tables, il couvre une surface de 32,6 m2, pèse 1800 kg avec plus de 4000 édifices et 12 000 arbres. Ils ont commencé par le centre-ville. Le bois utilisé provient de marronniers abattus sur l’Esplanade et il a nécessité l’utilisation de contreplaqué, de sable, de vernis …
Les plans-reliefs résultent d’une idée de Vauban. En charge de la défense du royaume sous Louis XIV, il fait construire des plans-reliefs d’abord des villes du nord, puis commande ceux des villes frontalières de façon à ce que les états-majors des armées aient une idée précise de la configuration des villes, de leurs forces et de leurs faiblesses. La collection royale des plans s’enrichit au fur et à mesure de la réalisation des fortifications.
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Le premier plan-relief de Metz a disparu au cours d’un incendie. Le plan-relief suivant, original construit en 1826, à l’échelle 1/600e représente l’état de la ville à cette époque mais n’a cessé d’évoluer jusque 1850. Dernier bâtiment construit vers 1845-50, la caserne Ney y figure.
Excellente source d’information de l’état de la ville avant l’annexion de 1870, le quartier impérial, la gare actuelle, le temple… n’existent pas encore. Par contre, on y voit l’ancienne gare en bois incendiée en 1872.
On reconnait les quartiers anciens, traces du faubourg médiéval, près de la cathédrale, la place st Louis, les rues adossées aux murs des remparts … Première évolution de l’enceinte du 13e , le Retranchement de Guise avec courtine et bastion (en forme de flèche) entre l’actuel boulevard Paixhans et boulevard de Trèves. En 1552, François de Guise signale au roi que l’enceinte de la cité est fragile, et qu’il faudrait la doubler d’un rempart. Puis apparait la Citadelle (détruite en partie début 19e) avec l’Arsenal, le Magasin aux vivres.
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Vauban a laissé les plans à Cormontaigne : une double couronne est construite, il ajoute des ouvrages avancés, redoutes ou lunettes renforçant la protection des portes : porte des Allemands, porte st Thiébaut…. La rue des tanneurs est bien reconnaissable.
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Début 18e, sous l'impulsion du duc de Belle- Isle, on construit des casernes à Metz. Auparavant les soldats étaient logés chez l'habitant. La ville de 40 000 habitants devait héberger 20 000 militaires ! L’évêque de Metz, Mgr de Cambout de Coislin en finance deux sur ses propres deniers. Louis XIV lève un impôt sur le marc de raisin pour financer la construction de casernes, Chambière, Fort Moselle…. Le rez de chaussée réservé aux chevaux tandis que les hommes logent aux étages et les officiers dans les pavillons. Caserne et stockage de matériel ne sont plus seulement à l’Arsenal mais répartis dans différents endroits pour la défense de la ville.
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Guidés par Marlène dans les passages sinueux du musée, nous remontons le temps jusqu’aux salles gallo-romaines. Le musée est installé sur l’emplacement d’un ensemble thermal. Des fouilles, des études par archéomagnétisme permettent d’établir de nouveaux plans, de mieux lire les lieux : sur les 3 ha du complexe thermal de l‘ilot Ste Croix seulement 20% sont connus. Il existait deux complexes parallèles un pour les hommes, un autre pour les femmes.
Les vestiges des murs gallo-romains, restaurés en 2024, laissent bien apparaitre leurs caractéristiques : la double paroi réalisée en petits moellons liés par un mélange de sable et de chaux et le chaînage de briques rouges.
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On peut admirer les vestiges d’un hypocauste (système de chauffage par le sol) et une galerie souterraine servant à évacuer les eaux des bassins et parfaitement conservée sur une vingtaine de mètres. L’eau circulait dans la rigole, les parties surélevées permettait le passage des personnes chargées de l’entretenir. Les bassins étaient approvisionnés en eau depuis Gorze par l’aqueduc de Jouy. (voir article aqueduc, mai 2016).
Cette salle est consacrée aux arts du feu. Il existait plusieurs ateliers de céramique dans la région. Celui de Chémery a livré de nombreux objets, certains portent la signature des potiers Saturninus et Satto. Ils auraient œuvré de la fin du Ier au milieu du IIe siècle. Les poteries sigillées d’une belle couleur orangé sont obtenues grâce à un engobe (sorte de vernis argileux) riche en oxyde de fer et une cuisson dans des fours où l’apport d’oxygène a été amélioré (cuisson oxydante). Les poteries noires étaient obtenues en étouffant l’apport d’air dans le four (cuisson réductrice). Les cuissons s’effectuaient de mars à octobre pour limiter la consommation de bois.
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De jolis objets en verre, provenant souvent de tombes, sont exposés. La fabrication du verre utilisait comme matière première, du sable riche en silice, auquel on ajoutait du natron et de la chaux. Le natron provenait du Liban ou d’Egypte, il était rare, ce qui explique que le verre ait été souvent recyclé, les morceaux cassés refondus. La production locale de perles, de vases, de récipients montre un savoir-faire étonnant : des fils de verre rapportés, des pastilles colorées incluses dont la technique s’apparente au fusing moderne, le verre soufflé dans des moules, ou masques, … Les différentes nuances de couleurs peuvent aussi provenir du fondant utilisé par exemple la cendre de fougère, la potasse.
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La salle suivante consacrée au décor de la maison montre des mosaïques, une sur le mur, une autre au sol. Nombreux motifs géométriques réalisés avec des petites tesselles en céramique, terres cuites, ou morceaux de verre. Un décor mural nécessite de nombreuses couches d’apprêt : une première épaisse de cailloux, une seconde plus fine de sable, jusqu’à la dernière de 1 mm contenant les pigments. Le noir obtenu avec du charbon de bois, le rouge avec du cinabre ou à partir de murex concassé. Le travail s’effectue de haut en bas.
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Une stèle découverte à Norroy-les-Pont-à-Mousson est particulièrement intéressante : le personnage sculpté porte une ceinture à lanières de cuir. Or, une seule profession portait cet accessoire : les conducteurs de char ou auriges. Ils s’occupaient des chevaux, entretenaient les écuries et devaient être athlétiques pour remporter les courses.
Les romains appréciaient particulièrement les jeux du cirque. La matinée réservée à la chasse aux animaux sauvages, l’après-midi aux combats de gladiateurs. « Aucun sang ne devait être versé dans la cité », l’amphithéâtre était situé à l’extérieur de la ville de l’époque. (Actuellement près du Centre Pompidou, enfoui sous 7 à 8m de remblai).
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La belle mosaïque aux gladiateurs, découverte place Coislin, renseigne précisément sur leurs armes. Certains étaient célèbres à leur époque, leurs noms apparaissent : Sen?ianus et Prudens. Il existe une vingtaine de types de gladiateurs, ceux armés lourdement : secutor portant casque, bouclier, glaive, rétiaire muni d’un filet et d’un trident, d’autres plus légerement : thrace et mirmillon. Ils étaient esclaves, prisonniers de guerre ou citoyens. Les combats obéissaient à des règles. (Voir art. Grand, juin 2019).
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Continuons à remonter le temps, Marlène nous présente quelques divinités anciennes.
Autel à Cybèle mis à jour lors des travaux d’extension du parking place de la République en 2008. Il est sculpté sur trois faces et représente une procession en l’honneur de Cybèle avec prêtres, musiciens et un lion personnalisant la déesse. Originaire d’Asie, le culte de Cybèle, déesse-mère se diffuse dès le 1er siècle apr J.C. Le rituel consistait à asperger les objets consacrés avec le sang d’un taureau que l’on venait d’égorger.
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Isis, déesse égyptienne, gardienne de la famille. Son culte atteint la Grèce puis l’ensemble du monde méditerranéen. Des temples d’Isis se développent en Gaule où sont cantonnées les légions. Découverte en 1841 à l’emplacement de la Citadelle à Metz, elle porte un vêtement retenu par un nœud (tit) sur sa poitrine, symbole de fertilité. La tête est manquante, elle devait avoir été sculptée à part et fixée par un tenon.
Isis, IIIe siècle.
Dans la caverne, Mithra égorge le taureau, symbole de fécondité et source de régénération de la nature. Le sang imprégnera la terre, favorisera une abondante végétation. Dieu de la lumière, il commande au jour et à la nuit comme en témoignent les chars du soleil et de la lune et les porteurs de torche de part et d’autre. Torche baissée pour le lever du jour, la torche levée annonce la fin du jour. Originaire du Proche-Orient, de Perse, Mithra associé au dieu Sol est attesté, début du IIe, diffusé par les marchands et militaires.
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Le dieu Mithra est placé dans un décor d’architecture dans lequel l’encadrement est composé de petites scènes. Les montants racontent sa vie. Le linteau évoque l’assemblée des divinités romaines où il prend place avec Mercure, Mars, Jupiter, Hercule, Neptune, Bacchus … Tout à gauche, Mithra est représenté, décochant une flèche vers un rocher pour en faire jaillir une source. Une mosaïque découverte à Ostie (près de Rome) renseigne sur le culte à Mithra, culte à mystère, il fallait être coopté pour y entrer. Sans doute saccagé par les chrétiens au cours de violentes confrontations avec les polythéistes entre 200et 300 apr J. C. Une dédicace indique le nom du généreux commanditaire du monument de Sarrebourg : Marceleus Marianus.
Omniprésents dans leur vie quotidienne, les Romains honorent plusieurs dieux dont certains liés à ceux des Grecs. Les divinités sont associées aux jours de la semaine : Diane pour le lundi, Mars le mardi, Mercure le mercredi, Jupiter le jeudi, Vénus le vendredi, Saturne le samedi, Apollon, symbole du soleil pour le dimanche, la 8 ème face porte une dédicace à Jupiter « Le plus grand, le meilleur ».
Bloc aux divinités de la semaine, II-IIIe, Havange.
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Les vestiges témoignent des cultes rendus aux divinités romaines classiques, Mercure, Jupiter mais aussi aux dieux celtiques comme la déesse gauloise Epona. Souvent représentée à cheval, elle est appréciée des gens de la terre, mais aussi des militaires, des commerçants qui se déplacent. Elle joue aussi le rôle de psychopompe accompagnant les défunts dans leur voyage vers l’au-delà.
Stèle de Mercure, dieu des voyageurs et du commerce associé à Rosmerta, déesse celte de la fertilité et de l’abondance, I-IIIe siècle. Peu à peu les dieux romains remplacent les dieux celtes. A partir du IIe siècle, ils seront progressivement concurrencés par les divinités orientales puis par le christianisme au siècle suivant qui entrainera la destruction des représentations expliquant parfois l’absence de tête.
La petite salle cylindrique, dédiée à l’original de la colonne de Merten, le Cavalier à l’Anguipède, permet de mieux admirer, à hauteur d’homme, les différentes parties de la colonne en particulier le sommet. Elle est présentée en trois parties. Le plafond bleu nuit rappelle la voûte céleste, domaine de Jupiter.
C’est en creusant un puits dans son jardin, qu’un habitant de Merten découvre les nombreux fragments de la colonne dans une fosse, en 1878. Une réplique est réalisée en 1988 pour être installée à l’entrée de la rue Serpenoise. Le moulage à base de sable alsacien et de chaux un peu grossier essaie de restituer l’aspect originel du grés rose. Actuellement les méthodes de restauration ont progressé et doivent être réversibles.
Au sommet le groupe de Jupiter : à cheval, il terrasse un géant anguipède, mi-homme, mi-serpent. Le Cavalier à l’Anguipède peut aussi être assimilé au dieu gaulois Taranis, maître de la foudre et des phénomènes naturels.
Le chapiteau présente les visages des 4 saisons qui symbolisent le renouvellement du temps : jeune homme pour le printemps, épi de blé pour l’été, raisin pour l’automne, vieille femme pour l’hiver.
La base quadrangulaire comporte les bas-reliefs de Minerve, Junon, Apollon, et Hercule. Le bloc octogonal, devait présenter les divinités de la semaine et pour la 8e face une Victoire romaine.
Colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz
On connait de nombreux exemples de colonnes retrouvées dans la grande région mais la hauteur de celle de Merten est exceptionnelle (12 m pour l’original). Certaines étaient situées en zone rurale, près de hameaux ou domaines agricoles et avaient peut-être un rôle protecteur (Taranis). Pour d’autres, assez nombreuses, situées près des frontières, c’était plutôt un Jupiter, repère pour les légionnaires.
Rites funéraires. Ils sont de deux types : incinération ou inhumation.
Les corps des défunts étaient brûlés sur des bûchers hors de la cité, les cendres placées dans des urnes en céramique, en verre, dans des cuves en pierre, recouvertes de stèles pour les plus riches. Urnes en grès ou terre cuite, IIIe-IVe.
Le musée renferme une magnifique collection de monuments funéraires. Les nécropoles de Divodurum étaient situées en dehors du centre urbanisé, le long des principales voies de communication sur les territoires actuels du Sablon et de Montigny-lès-Metz.
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Au IVe siècle, l’implantation de la religion chrétienne, va développer des rites avec inhumation dans des sarcophages. Certains en plomb, différents de ceux de la région d’Amiens, furent fabriqués localement. Les stèles funéraires renseignent bien sur la vie des habitants, mais bon nombre ont été retaillées, réemployées dans des constructions ultérieures, les remparts par exemple.
Objet magnifique, précieux, cette urne en onyx était placée dans un caisson calcaire avec une urne calcaire, découverte à Metz. Exceptionnelle, un tel objet traduit l’appartenance à une élite aisée. Sa grande qualité esthétique et le matériau utilisé trouve sans doute son origine en Egypte. La formation, en cercles concentriques au centre de la pierre, ressemble à un œil. Elle a sans doute été considérée comme un talisman aux pouvoirs magiques.
Dernier espace très riche en petits objets témoignant de l’art de vivre des gallo-romains aux premiers siècles, des échanges commerciaux terrestres et maritimes, (amphores, huile, garum), des productions de bijoux (parures en bronze, en or) …, de l’importance des bains aux thermes dans leur vie quotidienne. La période gallo-romaine de Metz a atteint son apogée aux IIe et IIIe siècles.
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Un grand merci à Marlène, passionnante et passionnée, pour cette visite guidée qui donne envie de revenir prendre le temps pour mieux admirer ces trésors antiques.
Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :
« L'amorce d'une nouvelle école messine de peinture à l'aube du XXe »
Jeudi 27 février à 20 h, Centre social R. Henry, à Longeville les Metz.
Soirée présentée par M. Laurent Commaille.
Réservation obligatoire par mail ou par tél.
lesarts57@gmail.com ou tél. 03 87 32 05 03