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Intéressante soirée proposée par LesArts57 et présentée par M. Eric Pedon, spécialiste de la photographie contemporaine, chercheur en information et communication à l’université que nous retrouvons avec plaisir pour la troisième fois. 37 personnes présentes ce mardi 16 avril 2024, à Saulny.
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1 La photographie artistique durant les années 1850-1860.
Après le daguerréotype, plaque de cuivre rendue sensible à la lumière, inventé en 1838, les photographes cherchent à améliorer les procédés en s’intéressant aux particularités chimiques des constituants.
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Vers les années 1850, l’invention du calotype et la technique du collodion vont augmenter la précision des photographies et réduire considérablement le temps de pose. Le calotype est le premier négatif papier rendu translucide par de la cire puis recouvert d’une émulsion sensible à la lumière. De plus, la photographie devient reproductible, le daguerréotype ne permettait de produire qu’un seul exemplaire. Le collodion est un procédé où une « poudre de coton » est dissoute dans un mélange d’alcool et d’éther puis étendue sur une plaque de verre. La plaque gélatineuse obtenue devient sensible à la lumière après avoir été trempée dans un bain de nitrate d’argent.
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En France, Humbert de Molard est un des premiers calotypistes à créer des scènes de genre, des tableaux de la vie rurale aux attitudes stéréotypées, des paysages pittoresques et réalistes.
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Henri-Victor Regnault, homme de sciences et artiste, utilise la perspective, photographie sans artifice, directement. Il réalise des photos de paysages, des scènes de genre, des portraits. Il exprime une réelle sensibilité dans ses clichés.
Regnault, Vue prise de la rive gauche de la Seine entre le bas–Meudon et le bas-Sèvres, 1853. --- Vue prise de la rive gauche de la Seine, 1853.
2 La photographie à la découverte de ses sujets artistiques (1850-1870).
Gustave Le Gray peintre, photographe, membre fondateur de la Société française de photographie, est aussi un inventeur. Il met au point le négatif sur verre au collodion humide permettant des temps de pose encore plus rapides (environ 2-3 secondes) et une plus grande finesse du tirage. Mais, il faut agir très vite avant que le produit ne s’évapore. Le procédé, un peu laborieux, nécessite un laboratoire ambulant pour réaliser immédiatement toutes les opérations de développement du négatif. Le rendu est plus précis, l’enregistrement de la lumière, meilleur. Le succès énorme fait disparaitre le daguerréotype.
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La photographie oscille entre deux positions contraires : soit s’affilier à la peinture, soit s’en démarquer et être un art autonome. Elle peut être une technique perçue comme simple instrument capable de reproduire la réalité (en ce cas, ce n’est pas de l’art) ou comme un nouveau moyen artistique.
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La théorie esthétique des peintres réalistes, comme Courbet, qui peignent ce qu’ils voient, s’identifie à celle des photographes par la réalité optique de l’image. Critiqués par les peintres académiques qui considèrent la photo comme un trompe l’œil, une industrie, de nombreux peintres, Delacroix par exemple, voient pourtant en elle un auxiliaire précieux. Certains abandonnent même la peinture pour se consacrer à ce nouvel art : Baldus, Le Secq, Mestral, Bayard…
Le Gray, artiste savant, écrit de nombreux traités, fonde une école et transmet maitrise technique et savoir-faire à ses élèves. « J’émets le vœu que la photographie au lieu de tomber dans le domaine de l’industrie, du commerce, rentre dans celui de l’art. »
Le Gray, Fontainebleau, Chêne rogneux près du carrefour de l'Épine, 1852. -- Le Gray, Fontainebleau, Hêtre, vers 1855-1857.
De formation classique, il a 2 thèmes de prédilection : les marines et la forêt de Fontainebleau. Il fréquente les peintres de Barbizon et choisit des sujets innovants en réalisant, par exemple, de véritables portraits d’arbres : le chêne rogneux, le hêtre. Il travaille la profondeur de champs et les variations de nuances pour sculpter l’arbre laissant toujours un soupçon de flou. Il fait en sorte que le calotype puisse répondre à la théorie des sacrifices, ceux de certains détails. Le regard s’imprègne de l’image sans se « fatiguer » par une vérité trop crue. La coexistence de précision et de flou est la chose la plus fascinante en photographie.
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Autre innovation technique : l’utilisation de deux négatifs pour une image.
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A cause des différences de luminosité, il est difficile, de reproduire simultanément ciel et paysage. Le Gray contourne ce problème en réalisant des tirages en deux temps, un négatif pour le paysage, un autre ensuite pour le ciel. Il obtient une image contrastée d’une grande force, un clair-obscur vigoureux servi par la variété des tons. Il retravaille les images après les prises de vue à la manière du peintre qui retravaille ses toiles en atelier après la peinture de plein air. Il maitrise composition et lumière.
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Des amateurs de toute l’Europe achète ses marines. Non seulement Le Gray est un photographe reconnu au XIXe, mais il reste d’une grande valeur en photographie contemporaine : Bateaux quittant du port du Havre, a été vendu en 1991 pour une somme équivalant à plus de 900 000 Euros, photographie la plus chère du XIXe siècle.
3. L’influence de la photographie sur l’impressionnisme.
Photographes et peintres impressionnistes ont de nombreux points communs : thématiques, recherches esthétiques, … jusque dans les termes utilisés : impression, sensibilité (du négatif ou du ressenti sur la toile). Le retour à la nature, leur pratique en extérieur, tous étudient les changements de lumière, cherchent à saisir l’instant fugace. De nombreux photographes réalisent, avec une décennie d’avance, des compositions spontanées de paysages qui inspireront les peintres impressionnistes.
Eugène Cuvelier, Chemin en forêt, 1850-60 - Pissaro, Allée dans le parc de Marly, 1871. --- Paris, La rue de Crimée, 1868. - Caillebotte, Rue de Paris, temps de pluie, 1877. --- Anonyme, Boulevard Montmartre 1870. Pissaro, Le Boulevard de Montmartre, matinée de printemps, 1897.
Le Gray saisit l’image fugace de la vague, on retrouve le même cadrage dans celle de Courbet et chez Monet la même forme des nuages, ou le même bord de côte.
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Autre point commun : les jeux de lumière, en particulier la lumière filtrée au travers du feuillage et qui laisse taches claires et ombres des feuilles sur les vêtements des personnages. ![]()
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4. La photographie entre réel et peinture, 1870-1900.
En 1878, les négatifs au gélatino-bromure d'argent vont encore réduire considérablement le temps de pose jusqu’à 1/100 voire 1/1000 de seconde. Le collodion disparait. Les images instantanées, la chronophotographie permettent des découvertes étonnantes que l’œil ne peut percevoir et changent la conscience du réel, (par exemple le cheval au galop montre la pose des sabots l’un après l’autre.)
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Même si Rodin s’insurge contre cette « photo menteuse » considérant que ni le temps ni le geste ne s’arrêtent, la photographie instantanée, apparue dans les années 1880, conduit les peintres à des innovations esthétiques. Degas commande des photos de danseuses, s’inspire de ces arrêts sur image, fait tourner l’angle de vue autour d’elles.
Disdéri, Ménante et ses danseuses, carte de visite, 1876. - Degas, Danseuse sur pointes, 1875-76. -- Renoir, Bal du Moulin de la Galette, 1876. -- Monet, Tempête, côtes de Belle-Île, 1886. -- Pissaro, Boulevard Montmartre un matin d'hiver, 1897.
Monet et Renoir jouent sur le cadrage, les rochers de Belle-Île, les personnages du Moulin de la Galette sont coupés à la manière des hors-champs photographiques. Cette audace donne un air moderne aux toiles, et bien sûr, elle est dénoncée par la peinture académique. La profondeur de champs créée par le contraste entre les éléments nets et flous inspire Pissaro. Sur le boulevard Montmartre, la photographie n’arrive pas à fixer les passants. Le peintre, en les représentant flous, donne une impression de mouvement.
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En Angleterre, Peter Henry Emerson s’élève contre la précision, le tout net en photographie : l’œil ne voit pas tous les détails, il voit net au centre et flou autour. Emerson recherche cet effet oculaire dans ses photos. De tendance naturaliste, il se dit inspiré par Millet et Courbet. Dans ses photographies, il recherche avant tout un effet artistique jusqu’à donner un aspect doré grâce au tirage platine ou un effet s’approchant du dessin au fusain.
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Il publie un article « Photography, a pictorial art » où il défend la légitimité artistique de la photographie, ce qui va donner le nom de pictorialiste à ce mouvement photographique vers les années 1890. (De l’anglais picture = image, différent de painting = peinture).
5. Le pictorialisme, entre photographie et peinture : l’influence de l’impressionnisme (1890-1910).
Les pictorialistes s'intéressent plus aux effets esthétiques qu'à l'acte photographique lui-même : effets dans le cadrage, la composition et la lumière. Ils utilisent des procédés à la gomme, au charbon, à l'huile, au platine, retouchent le négatif. Le point commun de toutes les photographies pictorialistes est leur approche esthétisante et poétique de la réalité.
Cézanne, Le Baigneur, 1885. -- Photo avant 1879. - Cézanne, Neige fondant à Fontainebleau, 1880. – Monet, Cathédrale de Rouen, 1892/93.
La plupart du temps, l'évocation est préférée à la représentation fidèle, essence même de la photographie. Ils n’apprécient pas le premier appareil Kodak (1888) si populaire dont le slogan publicitaire était « You press the button, we do the rest » (« Appuyez sur le déclencheur, on s'occupe du reste »). Le mouvement se structure : salons, expositions, publications, essais… L’art photographique doit simuler la peinture. Deux écoles pictorialistes sont célèbres : anglo-américaine et franco-belge.
L’école anglo-américaine.
Henry Peach Robinson s’inscrit dans la continuité d’Emerson, il travaille composition et clair-obscur. Certaines images sont des tableaux vivants. Gertrude Kasebier, célèbre portraitiste américaine est reconnue pour ses images de la maternité.
Robinson, Femmes lavant à la rivière, 1891/92. -- La Layette, 1892. -- Carolling, 1890. -- Dawn and Sunset,1890. --- G. Kasebier, Mère et ses deux enfants, vers 1900. -- The Manger, 1903. -- The Magic Crystal, c. 1904.
Alvin Langdon Coburn présente des photographies aux couleurs sombres. Le grain du papier est très présent. Il apprécie les atmosphères brumeuses de la ville, des cadrages serrés où tous les éléments remplissent l’image.
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Edward Steichen, un des maitres du pictorialisme américain, d’origine luxembourgeoise, travaille dans de faibles lumières, au clair de lune souvent.
En 2006, un tirage de la photographie, The Pond—Moonlight, prise à proximité de New York, s'est vendu pour 2,9 millions de dollars, prix le plus élevé jamais payé pour une photographie aux enchères. Elle montre un étang bordé par une zone boisée, la lune entre les arbres se reflétant sur l'eau. Steichen créé une impression de couleur en appliquant manuellement des couches de gommes photosensibles sur le papier.
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Ami de Rodin, il réalise des images originales, nocturnes, jouant sur le contraste masses sombres, masses claires, ... Il réalise aussi des scènes de vie citadines, aux atmosphères brumeuses, d’inspiration clairement impressionniste. Le style pictorialiste au flou artistique retouché esthétiquement se distinguait des images mécaniquement nettes.
L’école pictorialiste française se fonde sur le Photo-club de Paris (1888) dont les idées sont théorisées par Constant Puyo et Robert Demachy. Pour produire ces images, ils privilégient l'intervention manuelle : importantes manipulations en chambre noire, filtres spéciaux, traitements inhabituels lors du développement, utilisation de papiers spéciaux. Certains artistes gravent même la surface de leur tirage de fines rayures, utilisent des pinceaux, un filet d’eau, les recouvrent de différentes solutions pour obtenir des couleurs plus bleues, plus jaunes, plus sombres, différentes nuances de gris, … Ils ont une prédilection pour les atmosphères humides, pluvieuses, recourent systématiquement au flou qui correspond au sfumato en peinture.
Puyo, Port de Brest, entre 1890 et 1900 -- Paysage des lacs italiens, vers 1895 -- Les Bords de l'Oise sous la neige, vers 1900.--- Demachy, Neige, 1903-1906 -- Speed, 1904. -- Struggle, 1904. -- On the Lake, 1904.
La création photographique en laboratoire s’apparente à celle d’une toile en atelier de peinture. Les pictorialistes s'intéressent plus aux effets esthétiques qu'à la prise de vue, l’acte photographique lui-même. Ils reconstruisent une réalité poétique proche du rêve. Il apparait parfois difficile de distinguer la photographie de gravures ou dessins. De plus les photographes prenaient soin de ne réaliser qu'un seul cliché, une épreuve originale. Ces manipulations de l'image suscitèrent de nombreuses polémiques.
Peintres impressionnistes et photographes se sont mutuellement influencés. Les images pictorielles montrent de plus en plus de convergences avec les toiles et inspirent encore des photographes contemporains. Début du XXe siècle, la photographie devient un art à part entière.
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Prochaines rencontres avec Les Arts 57 :
Conférence le jeudi 16 mai à 20 H à Lorry-les-Metz.
A l’espace Philippe de Vigneulles (rue des écoles)
Soirée présentée par Caroline Renouard
" Cinéma et impressionnisme."
Réservation obligatoire par mail ou par tél. : lesarts57@gmail.fr ou tél. 03 87 32 05 03
Sortie en autocar le samedi 1 JUIN 2024 : l'EPINE, VALMY, VERDUN.
départ à 8 Heures Saulny, retour vers19 H.
1ère étape : La Basilique Notre-DAME de l'EPINE.
2ème étape : VALMY : Visite guidée du Centre historique de Valmy 1792
centre de documentation, moulin (extérieur), monuments.
3ème étape : VERDUN : Musée de la Princerie
PARTICIPATION : 68 euros pour adhérent. 75 euros pour non-adhérent.
Ce prix inclut entrées, visites guidées, repas et boissons, le bus est financé par l'association.
Réservation obligatoire par mail ou tél : 03 87 32 05 03 ou 06 84 35 19 96 jusqu’au 21 mai.