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Grand succès pour cette nouvelle rencontre des Arts 57, organisée en collaboration avec Echanges et Culture de Longeville. Nous étions 87, attentifs à une agréable présentation pointée de traits d'humour de Laurent Commaille, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lorraine.
La perception de la couleur, le ressenti, l’émotion par rapport à une œuvre varie d’une personne à l’autre.
Vassily Kandinsky, impression III, 1911. Vilhelm Hammershoi. La Danse de la poussière dans les Rayons de Soleil, 1900.
Kandinsky transpose les émotions ressenties à l’écoute d’un quatuor pour cordes de Schoenberg. Peut être jugé violent, agressif pour certains, chatoyant, gai, coloré pour d’autres.
A l’opposé, ce peintre nordique refuse les couleurs fauves, ambiance plus calme, sensations qui correspondent mieux à d’autres.
L’œil humain possède des récepteurs sensibles au niveau de la rétine: les cônes et les bâtonnets. Les trois types de cônes permettent la vision des couleurs (rouge, vert et bleu), tandis que les bâtonnets la vision en faible luminosité (noir et blanc). Les signaux sont transmis au cerveau par le nerf optique. Ce que l’on voit est le résultat d’une reconstitution complexe par le cerveau qui a aussi intégré et utilisé des informations antérieures.
La couleur peut être associée à un sentiment : une peur bleue, vert de « trouille», rouge de colère…, poussé trop loin, cela peut révéler des troubles de la personnalité. Interrogations sur l’abondance des jaunes chez Van Gogh : épilepsie, abus d’absinthe dont certaines substances chimiques auraient provoqué une hypersensibilité ? Hypothèses aujourd’hui écartées (il aurait fallu des doses bien plus importantes). Dans les lettres à son frère, il explique tout simplement : « Un soleil est une lumière que faute de mieux, je ne peux appeler que jaune, jaune soufre pâle, citron pâle, or…c’est si beau le jaune ! ».
Peu décrites jusqu’au Moyen-Age, les couleurs sont pourtant utilisées (enluminures, églises peintes du sol au plafond…), et associées à des codes qui persisteront longtemps.
Le bleu est la couleur de la Vierge.
Sur la toile de Van Eyck, la robe de la jeune épouse est verte, symbole de fécondité, elle semble enceinte.Pourtant une robe bleue apparaît en dessous…Le lit rouge peut évoquer la passion, la richesse… Toile très mystérieuse, objet de nombreuses interrogations. |

Le vert.
Les Très Riches Heures du Duc de Berry, mois de mai.1413-1416.
Le « vert-gai » (couleur du drap de la robe), signifie renouveau, promesse d’avenir.Ce n’est que bien plus tard que viendra l’idée de vert malsain : diable, sorcière…
L' eau est verte. Ce n’est qu’avec l’avènement des cartes colorées au 16ème , que l’eau de la mer, des rivières sera représentée en bleu.
(le vert étant alors réservé à la végétation, aux forêts).
Le rouge.
Philippe Gautard, 16ème. Saint-Jérôme dans sa cellule. Elfriede Lohse-Wächter 1899-1940, Lissy, 1931.
Paul Klee, le ballon rouge, 1922.
Obtenu à partir de certaines terres, de racine de garance, le rouge symbolise le pouvoir, l’aisance matérielle, héritage du pourpre romain fabriqué à partir d’un coquillage, le Murex. 10 000 murex sont nécessaires pour fabriquer 1 g de pigment. Réservé au prestige, seul l’empereur est en habit rouge, les hauts dignitaires n’ont que des liserés pourpre sur leur toge. Lié à la qualité sociale des personnes, aux pères de l’église, le rouge est aussi la couleur de la passion, du péché mais aussi celle du rêve.
Le Jaune.
Pendant longtemps le jaune est synonyme d’infamie, de tromperie, de traîtrise : Judas est en jaune, le tricheur de la partie de carte, l’étoile jaune des juifs…
Fin 19ème, il devient plus lumineux…réhabilité par Van Gogh. Klimt influencé par l’art byzantin des icônes utilise généreusement le doré.
Début 19ème, pour Goethe (1749-1832), la couleur est un éclaircissement du noir, il lui associe des sentiments et remporte l’adhésion des peintres romantiques (même Turner si sensible aux lumières.)
Pourtant Newton (1643-1727) avait observé la lumière diffractée à travers un prisme(1666) et démontré que la lumière blanche est la somme de toutes les couleurs. L’arc en ciel montre le spectre continu de la lumière du soleil décomposé par les fines gouttelettes d’eau.
Milieu du 19ème, l’invention du tube de peinture permet la peinture de «plein air», les peintres s’affranchissent des couleurs codifiées et veulent transcrire la « couleur vraie », l’eau dans la toile de Renoir reflète des ocres rouges marron de l’environnement… La peau mouillée, luisante de la jeune femme de Bonnard reflètent les couleurs de la salle de bain (vert, violet..). Ces représentations « choquent » encore dans les expositions début du 20ème siècle. La vision de la couleur dépend aussi de l’acquis culturel.
Là où certains ne voient que des taches, d’autres perçoivent un train (Kandinsky). La couleur devient tableau, au bout du processus, elle se suffit à l’expression : « Carré noir sur fond blanc » Malevitch, 1915, les monochromes des années 1950-60, bleu Klein … et même « Carrés noirs dans le noir» Reinhardt, 1960.
Trop vaste sujet que les couleurs, Mr Commaille choisit le bleu.
Le bleu « égyptien», premier pigment synthétique obtenu à partir de la cuisson d’un mélange de cuivre, sable, calcaire et natron (roche : carbonate de sodium). Résultat très lumineux, cuisson et dosage déjà bien maitrisés, en ajoutant plus de cuivre, on pouvait obtenir de beaux verts.
Dürer, la tréfillerie sur la Pegnitz, 1489-90, aquarelle.
Les liants : miel chez Sennelier , gomme arabique, résines , bitume de Judée … jouent un rôle dans la résistance des couleurs mais les altèrent aussi. Les résines brunissent (feuillage dans la naissance de Venus), le bitume de Judée noircit (Ronde de nuit, Rembrandt), …
L'altération des couleurs chez Van Gogh est déjà effective :
Pour l’instant pas encore de solutions, les tournesols deviendront marron ! il faut travailler ce domaine pour préserver ces milliers d’œuvres.
La couleur représente un gros marché aux enjeux économiques énormes. En 1924, aux Etats-Unis, des industriels créent Le Color Index : un peu moins de 45 000 appellations commerciales recensées. Chaque couleur est répertoriée selon un nom générique et sa formule chimique. Pour les artistes : nomenclature simplifiée : préfixe, lettre et nombre.
Préfixe : P = pigment synthétique N = pigment naturel
Lettre indiquant la couleur de base parmi les 9 familles :
Exemples : bleu outremer : PB29 , laque de garance : NR9
Le nuancier Pantone enregistre toutes les couleurs utilisées dans l’impression. Crée en 1963, 15 couleurs de base, 1755 teintes pour l’impression directe, 2868 pour le numérique. Devenu une référence : le parlement écossais choisit le Pantone 300 pour son drapeau = bleu roi !
Yves Klein (1929-1962) dépose un brevet (1960) pour le bleu célèbre qu’il a mis au point avec Edouard Adam : IKB (International Klein Blue). C’est un bleu outremer puissant dont le liant permet de garder sa luminosité, la formule est secrète.
Une société britannique a fabriqué, pour les avions furtifs, le Vantablack : un revêtement qui absorbe 99,965 % de la lumière. Anish Kapoor, riche artiste, achète en 2016 l’exclusivité des droits de cet ultra-noir. En riposte Stuart Semple crée le PINK, plus rose que rose. Mais pour pouvoir l’acheter il faut signer une déclaration stipulant n’avoir aucun lien avec A.Kapoor ! Derrière les couleurs, les enjeux économiques sont énormes, la bataille fait rage ! C.C.
Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :
le lundi 6 mars, à Saulny avec Mme Aurélie Michel : «Paysage et Architecture»
Inscription par mail ou tel : 03 87 32 05 03
lesarts57@hotmail.fr
3 Euros adhérent, 5 euros non adhérent.