Notre association "LES ARTS 57" a organisé une deuxième visite de l'exposition HANS RICHTER au Centre Pompidou-Metz le vendredi 7 Février 2014.
Surprise en arrivant dans le hall d'entrée : un groupe d'artistes s'est installé dans ce hall pour une période de 2 ans dans le but d'y vivre à plein temps (nuits et jours). Il dispose d'un mobilier très sommaire, fabriqué à base de bois de palettes. Pendant que certains déjeunent, d'autres dorment...... expérience à suivre....
Un groupe de 20 personnes a pu apprécier les commentaires d'Elsa, notre guide habituelle au Centre Pompidou-Metz
HANS RICHTER, (1888-1976) : la traversée du siècle.
LES AVANT-GARDES.
Artiste allemand, pluridisciplinaire, juif, communiste, Hans Richter participe au mouvement des avant-gardes.
Avant 1914, il réalise les premières gravures expressionnistes, et une seule toile (force ouvrière, nouvelle classe…), figurative encore, l’artiste se cherche…
En 1914, envoyé sur le front, il assiste réellement à des scènes où les porcs dévorent les cadavres, traumatisé, l’image du « cochon » sera récurrente, obsessionnelle… « bœufs et porcs » (hommes pendus =bœufs).
DADA.
Blessé, en 1916, il se réfugie en Suisse où convergent aussi de nombreux autres artistes :Tristan Tzara, Jean Arp, Hugo Ball, Marcel Janco …A Zurich, il participe à la fondation du mouvement Dada et du cabinet Voltaire.
Dada : terme choisi au hasard dans l’esprit du mouvement : onomatopée qui sonnait bien dans les trois langues ! (allemand, anglais et français).
La jeune génération juge la guerre comme une absurdité totale. Les artistes essaient de nouvelles représentations.
Ils mènent une réflexion basée sur le langage : déconstruire pour ouvrir de nouvelles voies. Le langage est considéré comme un matériau plastique, avec des qualités auditives, sonores : poèmes, onomatopées, associations d’idées, notion de rythme cf musique, nouvel imaginaire (exemple : mots pas destinés à être associés : sèche-cheveux et prairie), cadavres exquis… le Cabinet voltaire est un vrai lieu de scène, danses, masques, tenues folles, art primitif…ce qui provoque des scandales… Ils trouvent leur inspiration chez les poètes maudits : Mallarmé… ex : « Ubu roi » d’Alfred Jarry : farce théâtrale qui remet en cause la notion de langage. Tous les regroupés de Zurich exposent ensuite dans toute l’Europe et cultivent l’esprit dada dont le moteur est le hasard. Jean Arp déchire, lance des papiers et la manière dont ils tombent sur le sol constitue l’œuvre. « Un coup de dés jamais n’abolira le hasard » Mallarmé.
Expérience dada se poursuit au travers de portraits visionnaires réalisés très rapidement dans la pénombre entre chien et loup, gestuelle quasi automatique, couleurs soutenues, état second entre rêve et réalité, se met des contraintes pour créer, peint ses copains, … ex : autoportrait « l’homme bleu ».
Les têtes dada s’éloignent du portrait, évacuent la couleur au profit du noir et blanc…
INFLUENCE DE LA MUSIQUE.
Sa rencontre avec Busoni, compositeur italien, lui fait découvrir la notion de rythme, fugue, contrepoint. C’est un des premiers à mettre en place des principes mathématiques en musique ! Dans le choix des titres « prélude », l’œuvre est pensée comme une partition, avec des crescendo….
Les formes simples, épurées conduisent à des formes géométriques et mènent vers l’abstraction. Les éléments sont des images construites, les séries ont un début, une fin, un sens de lecture, une histoire.
Il applique le principe de synesthésie qui stimule tous les sens : ex Rimbaud : à chaque son, voyelle correspond, voit une couleur…
Œuvre à la fois plastique et musicale mais le travail de séries séquencées a ses limites : il ne peut pas donner le mouvement !
Grace à sa rencontre avec Viking Eggeling, peintre suédois, il traite et visualise l’idée de temps et de mouvement. La technique du rouleau , inspiré du rouleau chinois, continue la ligne musicale.
CINEMA.
Le cinéma est la grande révélation des années 1920, Hans Richter en est un précurseur. Le film constitue un support approprié à ses recherches, les moyens sont archaïques : faire avancer, reculer la caméra, apparition, disparition, grossissement de formes géométriques….ce sont les débuts du cinéma expérimental, pas utilisé pour raconter une histoire mais comme médium. Ces films font fureur à l’époque. « Rythme 21 » et « rythme 23 » (années 1921 et 1923) traitent l’espace de façon dynamique uniquement par plans qui s’agitent…
Le plan est le point commun entre toutes les écoles qui se développent partout en Europe : Mondrian, de Stijl,.. « Chaise » 1923 Rietweld : noire, bleue, asymétrique, idée d’abstraire, d’alléger, laisser des ouvertures, créer de l’espace… lien aussi avec ce que Le Corbusier propose en France : il met au point le plan libre, c’est-à-dire libéré de contraintes de construction habituelles qui dans l’habitat permet une circulation plus efficace. « villa Savoye » = première maison sur pilotis. Tout est pensé par plans, idée de fonctionnalité, côté pratique…
Pour Théo van Doesburg, le cube est l’élément de base de toute construction, il le fait « exploser », toutes les faces peuvent s’agglomérer dans l’espace….
Plus à l’aise avec le film que la peinture, Hans Richter reprend dans « film study » les formes géométriques de rythme 21 -23 et y glisse des éléments figuratifs : yeux, visages…
Il rencontre Malevitch, peintre russe, dirigé vers abstraction spirituelle, le suprématisme … sur écoute, menacé, Malevitch meurt en 1935, maison brûlée… mais en 1960 le scénario destiné à Richter lui parvient et il essaie néanmoins de reconstituer le film ( 30 ans plus tard !).
G.
Homme dynamique, Richter dirige De 1923 à 1926 la revue G (de Gestaltung en allemand qui signifie forme). Grande importance des revues à cette époque, G est pluridisciplinaire, c’est une plate-forme pour ses contemporains : Mondrian, Brancusi…elle traite de l’automobile, de théories poétiques…mais seulement 6 numéros sont parus
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FIFO
Film und Foto à Stuttgart en 1923 : le regroupement des industriels et artisans décide d’organiser une exposition cinéma et photo, considérés comme médiums artistiques.
Richter dirige le volet cinéma : « entracte » René Clair , « ballet mécanique » de Fernand Leger, …
Tous sont des essais mais il y a toujours un rapport plastique à l’image, effet de texture, de lumière, croissance de plante, vacarme d’usine…
Le volet photographique est un florilège de la photo expérimentale de ce siècle : cadrage, travail direct sur pellicule (fin des années 20, début des années 30 !)…
Les films suivants sont plus surréalistes « Ghost before Midnigth » = fantômes avant minuit : c’est la révolte des objets, les humains n’ont plus d’emprise, révolte contre l’ordre établi, beaucoup d’effets spéciaux : homme qui perd son chapeau, perd sa dignité. Tourné en 1927-28, il est interdit tout de suite par les nazis.
Dans les années 30, par manque de moyens, il délaisse un peu le cinéma d’essais, prend des commandes pour survivre.
L’héritage de la culture allemande est détruit par les nazis, pour l’exposition de « l’art dégénéré » en 1937, ils raflent, pillent les musées, ateliers à Munich …
Picasso, Otto Dix, Mondrian, …tout monde est là …le but est de les stigmatiser, car ils ne vont pas dans le sens pensée nazie. L’exposition est itinérante pour convaincre la population. Ce fut la plus belle exposition d’art moderne. Richter menacé, s’exile à New-York.
NEW-YORK.
Calder, Man Ray sont déjà là. Max Ernst, Fernand Léger quittent l’Europe. Les artistes deviennent professeurs, éduquent les jeunes américains dans les années 1950. Hans Richter reprend tout ce qui a été fait avant (sauf le rouleau), réalise des frises historiques par collage : « bataille de Stalingrad », « la libération de Paris », y inclut des coupures de journaux, se tient au courant des évènements qui se passent en Europe.
Hans Richter a un grand projet mais ne peut le financer, fait appel ses amis. Ils réalisent 6 rêves à vendre : Ernst, Leger, Duchamp, Calder, Man Ray ….chacun mettant en scène un rêve.
DADASCOPE.
A la fin de sa vie, Hans Richter voudrait que le mouvement Dada soit reconnu comme mouvement qui a tout décidé pour la suite de l’art, il publie «Dada, art et anti –art ».
Il organise et conçoit des expositions partout, dans tous les pays : Dada Barcelone avec Picabia, Dada Paris avec Breton, Dada Berlin : R.Haussmann, Dada Hanovre….en lien avec la jeune génération : Warhol, John Cage dans le domaine de la musique, les performer des années 50 : ex Tristan Tzara, poèmes papiers découpés….
Richter fait le lien entre les avant-gardes des années 1910 et l’art des années 1960.
Les deux œuvres les plus importantes de Hans Richter sont «rythme 21-23 » et l’ouvrage qu’il a publié : «art et anti-art ».
Prochaine rencontre : mardi 25 Février 2014 à 20 H
Salle Polyvalente de SAULNY
THEME : "l'unique trait de pinceau, une approche de la peinture chinoise.
Réservation par mail : lesarts57@hotmail.fr ou tél : 03 87 32 05 03
Participation : 3 euros adhérent - 5 euros non-adhérent
