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Visite du chantier de restauration de peinture à l'église Saint-Eucaire, le 15 novembre 2022.

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Dormition de la Vierge, église St Eucaire, Metz.

Intéressante visite organisée par LesArts57, la restauration de la Dormition de la Vierge, à l’église St Eucaire à Metz. Mardi 15 novembre, vers 17 H, au 18 rue Saint-Eucaire, devant l'église, arrivent petit à petit des visages souriants et connus. Le groupe rassemble finalement 19 personnes.

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La lumière du jour décline mais nous avons un peu le temps d’admirer cette très jolie église. Au centre de l’édifice, le clocher roman, trapu, aux ornements dorés, date du XIIème s. La construction des autres parties, nef, chœur et chapelles réalisée entre le XIIème et le XVème s. témoigne de l’art gothique.

Les deux portails d’entrée, style gothique flamboyant, fin du XVème.

Les deux portails d’entrée, style gothique flamboyant, fin du XVème.

 

Mme Dauvergne, une des restauratrices, a accepté de nous expliquer son travail.  Elle fait partie du groupement de restauratrices diplômées qui ont répondu à un marché, le maître d’œuvre étant la ville de Metz. Toutes indépendantes, elles ont obtenu des diplômes nationaux et les ont souvent complétés par des spécialisations en histoire de l’art, peinture, chimie…

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Visite du chantier de restauration de peinture à l'église Saint-Eucaire, le 15 novembre 2022.

L’église St Eucaire abrite quatre peintures murales dans des enfeus de même gabarit. Un enfeu est une niche à fond plat souvent destinée à recevoir un sarcophage ou la représentation d’une scène funéraire.  Les deux plus remarquables, la « Dormition de la Vierge » et la « Mise au tombeau », datent du XVème, les deux autres du XIXème. Ces grandes peintures médiévales ont été retrouvées sous un badigeon en 1853, puis restaurées par le peintre messin Malardot.

 

Très noires, très repeintes, couvertes de vernis, de suie, avec soulèvement par couches menaçant de se décoller et tomber, le premier travail était conservatoire. Il nécessitait un repérage des altérations, des parties lacunaires du XVème, des repeints XVIIème, des reprises plus foncées du XIXème, …

 

Les restauratrices se posent beaucoup de questions : conserver, ôter ? leur rôle consiste aussi à orienter les décisions avec les historiens d’art. Des sondages et analyses scientifiques des différentes strates, des pigments, de l’imagerie sous UV ou IR, vont renseigner pour permettre un nettoyage progressif, évaluer si on va plus loin ou si on s’arrête ? L’état de la peinture du XVème est usé et lacunaire mais rare, donc à sauvegarder.

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En effectuant leur travail, les restauratrices ont découvert que Malardot avait pris des libertés avec les couleurs et l’interprétation : certains personnages ont été complètement cachés sous les enduits, d’autres ont changé de direction ou de couleur : un manteau rouge au XVème est devenu vert au XIXème, les auréoles avaient été repeintes alors qu’elles étaient dorées à l’origine …

Après nettoyage, les surfaces deviennent blanchâtres. Un vernis va rehausser les couleurs, les retouches sont sommaires, ne recouvrent pas l’original, elles redonnent de la visibilité pour un résultat esthétiquement agréable, et doivent permettre de retrouver une harmonie.

Visite du chantier de restauration de peinture à l'église Saint-Eucaire, le 15 novembre 2022.

Le parti pris actuel est de conserver des repeints pour l’instant : les enlever risquerait de faire disparaître aussi les personnages ! Cela nécessite beaucoup de réflexion : jusqu’à quel point on restitue. Les repeints ont aussi une valeur historique. Les tests seront présentés au commanditaire qui choisira.

Le travail a commencé début septembre et devait être terminé en janvier 2023, c’est un délai assez court.

 

 

Il y a beaucoup d’usure mais de beaux détails, les retouches délicates permettent d’obtenir une meilleure lisibilité de l’ensemble. C’est un vrai travail chirurgical. Elles avancent à tâtons, prennent des décisions collégiales en respectant l’histoire, les données stylistiques les plus proches de l’état initial. L’œuvre est de style gothique rhénan, elles recherchent des rapprochements stylistiques dans la région.

L’oreiller sous la tête de la Vierge est bien daté du XVème, d’autres exemples semblables ont été trouvés et permettent une datation et authentification de l’artiste. Comme dans d’autres représentations, la silhouette de l’enfant dans les bras de l’apôtre personnifie l’âme de la Vierge qui monte au ciel. Autre particularité : la bordure des vêtements et des oreilles relativement grandes des personnages.

La question du nettoyage est essentielle, elles disposent maintenant d’un panel de produits, adaptent leur technique avec prudence pour enlever la surface souillée sans ôter l’original. Au XVème, la peinture à l’huile a été appliquée sur une détrempe. Par chance, les pigments broyés par les artistes étaient de bonne qualité. Les peintres entraient en formation chez des maîtres pendant de longues années. La peinture est de bonne tenue, de plus, elle a été protégée des fumées, de l’encens, de la suie par les badigeons et les repeints. La lumière et l’humidité sont aussi des facteurs dégradants. Mais il est difficile de dissocier les repeints de l’original, c’est un travail minutieux, chirurgical, avec lunettes, loupes. On dispose maintenant de produits plus performants, de mesures de conductivité de surface. Des solvants en gel plus ou moins dilués dans des systèmes aqueux sont plus intéressants pour la peinture et moins nocifs pour l’homme.

 

La personne mandataire du groupement, Mme Florence Gorel, qui dirige le chantier complète les explications. Parmi les 6 restauratrices, certaines sont plus spécialisées dans certains domaines par exemple dans la technique du trattegio, d’autres dans la question de l’enduit ou du nettoyage… Le trattegio est une méthode de réintégration picturale qui consiste à retoucher avec des petites hachures, des traits de couleurs discernables de près mais pas de loin.

La Mise au tombeau, église St Eucaire à Metz.
La Mise au tombeau, église St Eucaire à Metz.La Mise au tombeau, église St Eucaire à Metz.

La Mise au tombeau, église St Eucaire à Metz.

Sur l’autre peinture médiévale, la Mise au tombeau, des fenêtres d’étude sont visibles. Elles laissent apparaitre partiellement les personnages.  C’est le prochain chantier prévu peut-être l’année prochaine.

 

La formation de ces restauratrices comporte d’abord une maitrise en histoire de l’art avec une formation peinture ou sculpture en atelier. Le concours pour entrer dans une école de restauration est très sélectif : 20 places disponibles par an par école, 5 écoles seulement en France :  Paris, Tours, Avignon… Les écoles privées ne sont pas reconnues par l’Etat, les Monuments historiques font plutôt appel à des restaurateurs diplômés et qualifiés.

Les missions de ces restauratrices sont variées : pour un musée parisien, elles travaillent sur des tableaux de chevalet et des boiseries peintes, pour le quai Branly, c’est sur des œuvres peintes en Inde. Le chantier peut être aussi une collection à recenser, le convoyage d’œuvres, ou parfois en urgence leur sauvetage après un incendie, un dégât des eaux.

Visite vraiment passionnante qui allie une belle découverte de ce patrimoine et des métiers d'art liés à la restauration.

Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :

Le 12 janvier, visite guidée

de  l'exposition"Mimésis"

au  Centre Pompidou Metz.

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