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15 avril 2024 1 15 /04 /avril /2024 09:57

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Christine Peltre, L'Ecole de Metz.

Vendredi 5 avril 2024, une première pour cette nouvelle conférence organisée par LesArts57 en partenariat  avec la Société d'Histoire de Woippy, nouveau lieu : salle Michel Bonnet à Woippy, nouvel horaire : 18h30.  Devant une salle attentive de 9o personnes, Catherine Bourdieu, Maîtresse de conférence en Histoire de l'Art à l'Université de Lorraine va nous présenter « L’Ecole de Metz ».

Après le mot d’accueil de Martine Ziegler, présidente de l’association LesArts57, Pïerre Brasme, fondateur et président- honoraire de la Société d'Histoire de Woippy, tenait tout particulièrement à rendre hommage à Catherine, tous deux partageant l’honneur d’être membre de l’Académie nationale de Metz.

 

Titulaire d’un doctorat en histoire de l’art à l’université de Toulouse à la suite de sa thèse sur le sculpteur Pierre Affre, elle est nommée Maîtresse de conférences à l’université de Metz, et apporte à la région sa passion pour l’histoire de l’art, ses compétences au travers de colloques, publications, conférences, … avec « le charme de son accent chantant d’Occitanie ».

Très touchée par ces beaux mots, Catherine remercie Pierre Brasme. Ravie de retrouver ses fidèles auditeurs et d’en rencontrer de nouveaux, elle aborde sans plus tarder le sujet  de L’Ecole de Metz.

Dans une première partie, seront traitées les conditions d’épanouissement de l’Ecole de Metz et ses caractères généraux et dans la deuxième partie la présentation de quelques artistes.

L’ouvrage de référence est celui de Christine Peltre, L’Ecole de Metz, 1834-1870. Editions Serpenoise, 1988. Une deuxième édition augmentée existe aux Editions du Quotidien, Strasbourg, 2014. De nombreux autres ouvrages et études plus spécifiques ont été réalisés par des auteurs régionaux.

Caractères généraux de l’Ecole de Metz.

C’est un foyer artistique qui se développe entre 1830 et 1870 dans de nombreux domaines :  la peinture, le dessin, le vitrail, la gravure, le pastel, et dans une moindre mesure la sculpture. Les thèmes se rapportent au Pays messin, son histoire, son architecture et ses paysages. Les sources d’inspiration sont diverses : le paysage romantique, le moyen-âge et l’orientalisme. La guerre de 1870 et l’annexion en marquent la fin, de nombreux artistes quittent la Moselle pour Nancy et Bar le Duc.

La vie culturelle et artistique de Metz favorise son épanouissement.

  1.    L’enseignement artistique dispensé dans 2 écoles :

- L’Ecole municipale de dessin, depuis 1814, gratuite, elle dispose de peu de moyens. La ville attribue tous les trois ans, une bourse pour un complément de formation à Paris, Auguste Hussenot et Robert Dupuy, ont pu en bénéficier.

- L’Ecole départementale de peinture a une existence éphémère de 1820 à 1824. Elle accueille 10 élèves. Le deuxième directeur Jean Baptiste Desoria, a fait le voyage en Italie, expose au Salon … Son expérience assure une formation solide avec des cours fondés sur l’étude du modèle vivant. Des prix sont attribués chaque année, en 1824, c’est Auguste Mennessier qui l’obtient et se rend à Paris. Il devient un paysagiste réputé de l’Ecole de Metz.

Portrait d'Auguste Hussenot - Auguste Mennessier, La Vieille porte.

   2.    Les 3 académies :

-  La Société royale des sciences et des arts, rétablie en 1819, compte parmi ses membres, Henri Scoutetten, médecin, amateur d’art éclairé. Il effectue un voyage en Italie en compagnie de Laurent-Charles Maréchal. Il collectionne les œuvres d’Octavie Sturel-Paigné, élève de Maréchal.

-  La Société des amis des arts, créée en 1834, compte 45 membres. Elle a pour objectif de soutenir les artistes mosellans en achetant leurs œuvres. 13 expositions auront lieu en différents endroits de la ville : bibliothèque, palais de justice, hôtel de ville… Très intéressant, le catalogue de 1852 renseigne sur l’accrochage des œuvres dans les différentes salles et la liste des artistes de Metz et des autres villes : Nancy, Paris, Dijon … Les peintures à l’huile sont accrochées dans le grand Salon, les pastels dans le salon carré, les aquarelles et les dessins dans le salon de Guise. Une loterie permet de remporter des œuvres.

Parmi les artistes messins : 38 Peintres : Maréchal et son fils Raphaël, Auguste Hussenot et son fils Joseph, Devilly, Auguste Rolland, Mélanie Paigné et sa sœur Mme Sturel-Paigné, Auguste et Louis Mennessier, Salzard, Ferdinand de Lemud, Charles-André et Gonzalve Malardot, Auguste Marc, Jules Racine, …1 Sculpteur : Fratin ; 2 Graveurs : Bellevoye et Hurel, ; 1 Lithographe : Aimé de Lemud.

 

 

-  L’Union des arts est créée en 1850 par Eugène Gandar, neveu d’Auguste Rolland. Agrégé de lettres, il a voyagé en Grèce et arrive à Metz pour enseigner. Elle compte 800 membres dès la 1ère année, trois commissions : peinture, musique et littérature. Ephémère mais active, elle organise des expositions privées, des expositions publiques et des concerts. Dès 1851, elle publie une revue mensuelle qui ne survit que 3 ans mais donne une impulsion très forte à la vie artistique messine.

    3.   Les revues littéraires et artistiques.

Le Courrier de la Moselle, l’Indépendant de la Moselle, dont le rédacteur en chef Jean-François Blanc, fut d’abord professeur à l’école de dessin. Il publie aussi la revue de l’Union des arts : récits de voyages en Grèce, articles consacrés à des événements culturels de différentes villes : Bruxelles, Paris, Strasbourg, Colmar, Nancy…, articles consacrés aux expositions et concerts organisés à Metz.

Le compte rendu de l’exposition de 1852 démontre la vitalité de la peinture à Metz : « Deux ou trois expositions par an ne semblent pas épuiser la fécondité de nos artistes, eux qui jadis suffisaient à peine avec le concours de talents étrangers, à en effectuer une tous les deux ou trois ans. C’est là un beau et encourageant résultat, … » plus loin, : « L’exposition s’est trouvée complétée le dernier jour par neuf dessins intéressants destinés à une loterie que M. Maréchal organise pour venir en aide à un jeune homme qui étudie la peinture ». On y découvre aussi que 3 peintres de Metz : Hussenot, Devilly et Pelletier ont exposé au Salon de Paris.  Gandar y rédige un grand article reprenant 25 années de création artistique à Metz (1825-1852). Il commence par Maréchal, continue avec Hussenot, Migette, Labroue, Salzard et Fratin…, poursuit avec la jeune génération, souvent les élèves ou les fils des maîtres de l’Ecole de Metz… Ce long article se termine par le souhait que le musée de Metz acquière des œuvres de ces artistes.

 

4.  L’Exposition des produits de l’industrie française.

Les expositions sont d’autres facteurs qui démontrent la vitalité et la qualité des productions industrielles et de la vie artistique. Elles ont lieu souvent à Paris, mais aussi dans différents départements. A Metz, la première « Exposition des produits de l’industrie française » s’est tenue à l’hôtel de ville en 1823 et a accueilli 132 exposants répartis en huit sections : produits alimentaires et chimiques ; poterie, grés et verrerie ; tannage, chapellerie ; préparation des métaux ; machines ; objets divers (tissus, fils) ; papiers, cartonnages et reliure ; beaux-arts. Deux autres expositions ont lieu en 1826 et 1828.

D’autres manifestations culturelles sont fondamentales pour le rayonnement de l’Ecole de Metz : lExposition de la Société des amis des arts en 1834, à Metz, le Salon de Paris en 1845, où Baudelaire égratigne la Grappe, beau pastel de Laurent-Charles Maréchal, qui représente l’allégorie de l’automne, mais il reconnait l’existence de « ces messieurs de l’Ecole de Metz » dans le compte rendu.

 

Laurent-Charles Maréchal, La Grappe, pastel.

L’évènement majeur est sans doute l’Exposition universelle de 1861. C’est la 4e seulement, après Londres (1851), New York (1853) et Paris (1855). Elle se tient de mai à septembre.

 

Une médaille est gravée pour l’occasion par Charles-Bouvet : diam 4,5 cm ; musée Carnavalet, Paris.

D’un côté les armoiries impériales et celles de Metz mêlées dans un nouveau blason.

Au revers, les bustes de « Napoléon III Empereur Eugénie impératrice ».

Un journal spécial est créé, publié à 45 numéros : L’exposition universelle de Metz. Journal de l’agriculture, du commerce, de l’industrie et des Beaux-Arts. Des reporters, installés à Metz le temps de la manifestation, rédigent régulièrement des articles dans L’Illustration et le Monde illustré.

 

L’exposition est installée au jardin de Boufflers, sur l’Esplanade et sur la place Royale (actuelle place de la République). Les produits sont répartis en 4 divisions : Agriculture ; Industrie ; Horticulture ; Beaux-Arts. La rubrique sur les peintres permet d’identifier les membres de l’Ecole de Metz, parmi les renseignements figurent leurs adresses. Auguste Migette ; Laurent-Charles Maréchal, son fils Raphaël, et 9 de ses élèves parmi lesquels Théodore Devilly, Mélanie Paigné, et Emile Faivre ; Auguste Menessier ; Emile Knoepfler ; Auguste Hussenot et plusieurs de ses élèves …  Une rétrospective hommage à 3 artistes disparus : Auguste Rolland, (Rémilly), Salzard, et Octavie Sturel-Paigné, disparue prématurément.

Les artistes de l’Ecole de Metz.

Lors de la réouverture du musée de Metz en 1946, le public peut découvrir une salle consacrée au groupe grâce au conservateur André Bellard qui a pu acquérir une série d’œuvres de ces artistes.

1 Peinture : Laurent-Charles Maréchal (1801-1887).

Né en 1801, 63 rue des Allemands, à Metz, il fréquente l’école municipale de dessin de Metz en 1820 sous la direction de Jean-Augustin Naud, portraitiste. Il complète sa formation à Paris au cours de Charles Lafond, peintre et militaire de la Garde nationale. A la fois néoclassique et académique, Charles Lafond assure à ses élèves une solide formation technique. A Paris, le jeune peintre découvre et admire Eugène Delacroix. En 1925, il s’installe à Metz.

Maréchal, Autoportrait, 1825, Musée Cour d’or.

De cette époque date cet autoportrait. Le sculpteur Charles Petre l’avait acheté et emporté avec lui à Bourges après l’annexion en 1872. A la réouverture du musée de Metz en 1946, André Bellard, réussit à le faire revenir et intégrer la collection du musée messin.

 Cette toile est romantique par le coloris, l’effet de lumière sur le visage, le dépouillement d’objets hormis le dossier de la chaise. Forte introspection, étude minutieuse des traits du visage, la personnalité transparait : volonté, regard perçant.

Maréchal, Portrait de Benoit Faivre, 1934. Cour d’or.

 

Ayant épuisé l’héritage familial, Maréchal gagne sa vie comme portraitiste. Ce portrait de Benoit Faivre, personnalité messine importante et frère du peintre Emile Faivre est réaliste, néoclassique mais empreint de romantisme. Devant un fond sommaire, sur un fauteuil rouge, le modèle est placé de ¾, mains croisées. Etude minutieuse de la physionomie, du tempérament, du regard de cet homme élégant.

Maréchal, Portait de Franz Liszt, 1845, musée de Bayreuth. -- Portrait de Jozef Hoëné-Wronski, musée de la Cour d’or.

Très joli portrait au pastel réalisé lors de la venue du pianiste en concert à Metz en 1845. Liszt avait séjourné chez le comte Camille Durutte, lui-même compositeur, demeurant rue de Chèvremont. Cheveux en arrière, allure romantique, éclairage subtil. Costume austère, tons sombres, Maréchal choisit l’angle presque profil qui met le mieux en valeur le visage. Durutte recevait intellectuels et artistes dans sa maison à Mey. En 1850, il accueille le philosophe-mathématicien polonais Jozef Hoëné-Wronski. Maréchal en fait un portrait au pastel.

Les voyages dans les pays nordiques mais aussi en Italie, qu’il affectionne particulièrement, vont inspirer et enrichir son travail. En 1833, il séjourne dans les pays flamands avec son élève Devilly. En 1837, il visite Venise, Florence, Rome, Naples, découvre les paysages et les peintres italiens. En 1840 et 1841, il est admis aux Salons parisiens. Face à un jury exigeant, c’est un bon indice de son talent. De cette époque date la série sur les bohémiens. Des verriers de Bohème sont arrivés en Lorraine au XVIe siècle pour créer des verreries pour les ducs de Lorraine. Le pastel devient sa technique privilégiée.

Maréchal, Sœurs de misère, pastel, 1840, Cour d'or.  -  Halte de Bohémiens, musée barrois.

La composition est pyramidale, gage de stabilité, les figures représentées en gros plan dans un vaste paysage austère. Sous un ciel chargé, deux femmes écrasées par la misère et la fatigue se reposent. La gamme colorée réduite, ocre et bleue, crée un aspect romantique. Influence italienne. Dans le second tableau, l’homme somnole tandis que la jeune femme joue du luth. Coloris riche et doux, le bleu du pantalon répondant à celui des collines. Rendu exceptionnel de la fluidité et du velouté des étoffes obtenus avec le pastel.

Le Pâtre, musée de la Cour d'or.

Très rare exemple de nu de l’Ecole de Metz, ce pastel ovale est un des plus connu et réussi de Maréchal, probablement un jeune modèle bohémien auquel il aurait demandé de poser. Composition en strates successives : ciel bleu, nuageux très clair, les montagnes à l’arrière en perspective atmosphérique, rochers avec des moutons, des chèvres. Au premier plan, assis sur le rocher plus sombre, le jeune berger, peu vêtu, garde son troupeau en jouant d’une sorte de flûte. Sa posture est crispée, il est surpris et effrayé par le serpent qui sort de dessous le rocher. La langue du serpent crée une scène d’instantanéité. Ce tableau spectaculaire illustre la parfaite maîtrise de Maréchal dans la représentation non seulement des paysages mais aussi dans le traitement du corps humain en particulier la musculature du jeune homme.

Vue de Metz depuis St-Julien, pastel-gouache, musée de la Cour d'or.

 

Point de vue en hauteur, topographique. Les différents éléments sont placés avec précision : les collines autour de la ville, la Moselle, les ponts, les silhouettes de quelques monuments. Sorte de contre-jour évanescent, la ville se découpe dans des tons bruns d’où se détache nettement la cathédrale.

En 1853, Maréchal s’installe au Fort-Moselle 4, rue de Paris. Il perfectionne les techniques et la fabrication industrielle des vitraux devenant l’un des plus grands peintres verriers de la 2ème moitié du XIXe siècle. On estime sa production à 12 000 verrières, 4600 personnages dans plus de 1600 monuments ! Selon Migette, en 1851, l’atelier, très prospère, aurait employé 8 ouvriers. En 1855, il réalise les 2 grands tympans du Palais de l’Industrie pour l’exposition universelle de Paris, remarqués par le jury. « Les grandes vitres de M. Maréchal tiennent une place considérable comme élément décoratif de ce palais ».

 

Maréchal réalise cet autoportrait, inspiré par celui de Rembrandt, pour l’exposition universelle de Metz. Grand succès public, il reçoit un diplôme d’honneur, il est médaillé aussi à l’exposition de Londres… ce vitrail est acheté par la ville de Metz.

 

Maréchal, Autoportrait en vitrail : l’Artiste, 1861. Autoportrait de Rembrandt, 1640.

Une nouvelle version enrichie est créée, en 1867, pour l’exposition de Paris. Le vitrail est acheté par Napoléon III. Médaillon encadré par 2 allégories de la Renommée qui tiennent des trompettes dans la partie supérieure. Dans la partie centrale, un encadrement sculpté de motifs médiévaux entoure le portrait. Partie inférieure, les initiales de Louis Napoléon dans un médaillon couronné, couronne de lauriers, et cornes d’abondance opulentes traitées en grisaille. Le vitrail est installé au château de Fontainebleau.

 

L’entreprise de Maréchal acquiert une grande notoriété, elle produit surtout des vitraux religieux à Metz, en Moselle, à Paris et dans d’autres villes.

Le style développé dans ses vitraux possède 3 caractères communs : des encadrements décoratifs très visibles avec des cadres architecturés, une palette colorée réduite mais lumineuse, des rehauts de peinture en grisaille pour les visages.

Pour l’église Notre Dame, rue de la chèvre, 21 vitraux sont réalisés. Encadrements très richement décorés. Magnifique couronnement de la Vierge entourée d’une multitude d’anges.  A l’église saint Martin, partage du manteau, cheval de ¾ à musculature puissante. Eglise de Varize, la Vierge tient une quenouille, tradition plutôt originaire des chrétiens d’Orient, Marie choisie pour tisser le voile du temple de Jérusalem.

Eglise Notre Dame, Metz, Couronnement de la Vierge. -- Metz, Eglise St-Martin, Partage du manteau. -- Eglise de Varize. Portrait de la Vierge.
Eglise Notre Dame, Metz, Couronnement de la Vierge. -- Metz, Eglise St-Martin, Partage du manteau. -- Eglise de Varize. Portrait de la Vierge.
Eglise Notre Dame, Metz, Couronnement de la Vierge. -- Metz, Eglise St-Martin, Partage du manteau. -- Eglise de Varize. Portrait de la Vierge.

Eglise Notre Dame, Metz, Couronnement de la Vierge. -- Metz, Eglise St-Martin, Partage du manteau. -- Eglise de Varize. Portrait de la Vierge.

2 Dessin : Auguste Migette, (1802-1884).

Il est peintre, professeur de dessin, écrivain. Ses mémoires, journal personnel, livre de raison (= livre de comptes des activités) et plusieurs manuscrits conservés à la Médiathèque de Metz sont une source précieuse sur la vie artistique messine au XIXe.

En 1831, il s’installe à Metz, devient en titre le peintre-décorateur du théâtre. En 1858, il est un des premiers membres de la Société d’histoire et d’archéologie et donne dessins et articles pour le bulletin publié par la société. Le musée de la Cour d'Or conserve presque toutes ses œuvres : plus de 200 dessins de monuments civils et religieux de Metz et des alentours. Il effectue un travail systématique de représentation des éléments du patrimoine et sait les accompagner d'éléments pittoresques, exemple : les travaux des champs près de la chapelle.

Auguste Migette. Chapelle de Sainte-Catherine, près d'Hombourg l'Evêque [Hombourg-Haut] 1867, mine de plomb. Musée de la Cour d'Or.

 

La visite du musée historique de Versailles en 1842 lui inspire une série sur l'histoire de la ville de Metz, des origines au XVIIe siècle : 9 tableaux et 38 dessins.

 

St Clément dompte le Graoully dans le quartier de l’amphithéâtre (près du centre Pompidou). L’épisode est enserré par des arbres au milieu d’un paysage plus vaste.

Saint Clément, premier évêque de Metz, près des ruines de l'amphithéâtre : 1864 ; encre de chine, lavis et rehauts d'aquarelle, Cour d'Or.

 

 

7 tableaux sont conservés au musée, 2 ont disparus dans les bombardements. L’entrée du roi Henri II est documentée par les archives, Migette en réalise un tableau et représente la ville médiévale, telle qu’un homme du XIXe se l’imagine.

 

Fin de la République messine. Entrée à Metz de Henri II, roi de France, 1552.

Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.

Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.

Le site ressemble à la place de Chambre. Au premier plan, la foule. Au fond, la cathédrale et l'église Notre-Dame la Ronde qui ne lui est pas encore reliée. Sur les côtés, des maisons médiévales à colombages avec tourelles et encorbellement. Une tour évoque celle de l'hôtel St-Livier, sur la colline Ste Croix. Au centre, un théâtre, construction éphémère de 4 étages et 10 scènes de différentes dimensions. On y représente un Mystère : au Moyen Age, c’est un spectacle public d’un épisode religieux donné sur une place, le parvis d’une église … Le spectacle a commencé : au rez-de-chaussée, la fumée évoque le dragon. Cet étagement de plusieurs scènes correspond à ce que l'on pensait du théâtre médiéval au XIXe siècle.

Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.
Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.
Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.
Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.
Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.
Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.
Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.

Migette. La représentation du Mystère de saint Clément, donnée sur la place de Change et le grand escalier devant la cathédrale.

En 1875, Migette s’installe à Longeville, c’est la campagne à l’époque. Sa maison est originale avec une galerie extérieure, accueillante et décorée grâce à de nombreuses œuvres.

Maison de Migette vers 1885 - Galerie de ma maison à Longeville (Cour d'Or)

Migette. Vue de Metz prise du grenier de ma maison de Longeville. 1880.

3 Pastel : Auguste Rolland (1797-1859).

Originaire de Rémilly, il est paysagiste et peintre animalier. Il se consacre au pastel en 1833 après une visite à Laurent-Charles Maréchal. Il participe à l’exposition de Metz en 1834 et au Salon de Paris en 1836. Il réalise beaucoup de dessins pendant ses voyages, Pyrénées, Suisse, Savoie. Il travaille surtout d’après les paysages de la campagne proche.

Auguste Rolland, Paysage, coll part. – Paysage animé, pastel – Vautour près d’un torrent de montagne, pastel, 1853 -- La meute sous-bois, pastel, 1850.  Auguste Rolland, Paysage, coll part. – Paysage animé, pastel – Vautour près d’un torrent de montagne, pastel, 1853 -- La meute sous-bois, pastel, 1850.
Auguste Rolland, Paysage, coll part. – Paysage animé, pastel – Vautour près d’un torrent de montagne, pastel, 1853 -- La meute sous-bois, pastel, 1850.  Auguste Rolland, Paysage, coll part. – Paysage animé, pastel – Vautour près d’un torrent de montagne, pastel, 1853 -- La meute sous-bois, pastel, 1850.

Auguste Rolland, Paysage, coll part. – Paysage animé, pastel – Vautour près d’un torrent de montagne, pastel, 1853 -- La meute sous-bois, pastel, 1850.

C. Thévenin-Cogniet, Académie de jeunes filles, 1836, Orléans.

4.   L’Ecole de Metz a compté des femmes artistes. Au XIXe siècle, la formation dans les académies et les cours de peinture est interdite aux jeunes filles. Certains artistes leur organisent des cours en atelier. A Metz, l’Exposition Universelle de 1861 permet de connaître plusieurs noms de femmes peintres. Maréchal donne des cours de dessin dans la pension pour jeunes filles dirigée par sa femme et plusieurs exposent : Joséphine Guy, Caroline Haillecourt, Victorine Faivre… Les sœurs Octavie et Mélanie Paigné se distinguent, elles pratiquent le pastel et réalisent des bouquets de fleurs.

Au lendemain de la conférence « L'Ecole de Metz », le 5 avril 2024, à Woippy.

Mélanie expose au Salon de 1857. Ses œuvres plaisent au critique Edmond About « Ses quatre bouquets, … annoncent un artiste de grand avenir. … facture puissante, dessin large, membrure solide … quelques-uns pourront apprendre d’une demoiselle comment on fait de la peinture mâle ». 

Octavie  Sturel-Paigné, quant à elle, reçoit une médaille d’or au Salon de 1853. Très appréciée, le critique E-J Delecluze la place au même rang que Rosa Bonheur. L’impératrice Eugénie lui commande 4 médaillons de roses trémières et de pivoines pour sa chambre du château de Saint – Cloud, (détruit pendant la guerre de 1870). Après sa mort prématurée à 34 ans, après son 2e accouchement, Eugène Gandar rédige un livre sur son œuvre, et Henri Scoutteten, amateur d’art, collectionne ses tableaux. 

Cette présentation rapide de l’Ecole de Metz et de quelques-uns de ses artistes a permis de découvrir le dynamisme de ce groupe, la variété de leurs sources d’inspiration et des techniques utilisées.  Elle bénéficie d’une déjà longue série de publications, d’une riche collection au musée de la cour d’or et de la présence d’œuvres encore en place dans les églises de la ville et au-delà.

 

Prochaine rencontre avec Les Arts 57:  mardi 16 avril à 20 H à Saulny.

Conférence présentée par M. Eric Pedon :

" Photographie et impressionnisme."

 

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26 février 2024 1 26 /02 /février /2024 10:06

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Mary Cassatt, Lydia dans une loge portant un collier de perles, 1879, Philadelphia.

Jeudi 8 février, 20h, cette nouvelle rencontre organisée par LesArts57 en partenariat avec Echange et Culture de Longeville, a rassemblé 73 personnes, ravies de retrouver Catherine Bourdieu, Maîtresse de conférences en Histoire de l’Art à l’Université de Lorraine. Cette année, LesArts57 propose une programmation en lien avec « Les 150 ans de l’impressionnisme ». Le thème choisi pour cette soirée va permettre de découvrir les expositions fondatrices du mouvement de 1874 à 1886.

Au lendemain de la conférence « Les expositions impressionnistes à Paris, 1874-1886. », le 8 février 2024, à Longeville les Metz.

 

 

Cette photographie d’un artiste peignant en extérieur sur la plage du Havre est représentative de la façon de travailler des impressionnistes. Assis par terre devant son chevalet, Albert Marquet peint sur le vif un motif qui lui est cher : l’estacade.

Prémices de l’impressionnisme.

Dès le milieu des années 1860, de jeunes peintres s’intéressent à l’observation de la nature et découvrent les travaux de leurs ainés parmi lesquels Corot, Courbet, Daubigny, Jongkind, Boudin.

Courbet, Vue de Honfleur, 1841, Lille. --- Jongkind, Paysage, 1860, Chartres.

Comme eux, ils ont arpenté la campagne, choisi des sujets anodins mais riches d’innovations. Ils ne sont, cependant, pas considérés comme dignes de figurer au Salon, exposition annuelle, majeure pour faire connaître leur production. Ces jeunes peintres impressionnistes fondent leur travail sur le modèle de ces peintres paysagistes et des peintres réalistes qui représentent la vie courante, les mœurs pour Courbet, Un enterrement à Ornans, le labeur paysan pour Millet, les Glaneuses.

Gustave Courbet, Un enterrement à Ornans,1849-50, Orsay. --- Jean-François Millet, Les Glaneuses, 1857, Orsay.

 

La technique impressionniste.

1  Choix des thèmes.

Ils représentent la vie moderne, les mœurs de leur temps que ce soit le monde du travail ou celui du divertissement et aussi bien la ville que la campagne. Ils privilégient les portraits, scènes de vie quotidienne, paysages et natures mortes mais écartent les thèmes historiques, mythologiques et religieux.

Peinture sur le motif, en extérieur.

Dès le XVIe et le XVIIe siècle, les peintres sortaient de leur atelier pour dessiner en ville ou à la campagne. Le fonds le mieux conservé est celui des dessins de Nicolas Poussin qui a parcouru la campagne romaine.

Nicolas Poussin, Deux bouleaux argentés, v.1629, Vienne.

3  La construction de l’espace.

Par leur formation néoclassique ou académique et l’observation des grands maîtres de la peinture au Louvre, les impressionnistes ont acquis une technique solide. Ne jamais oublier que les artistes les plus novateurs de chaque époque ont une grande culture artistique.

 

 

Le contour, le trait a presque disparu contrairement à la peinture académique fondée sur le dessin. C’est la couleur qui crée la forme.

 

Monet, La Seine à Vétheuil,1879, Orsay.

 

 

5  Le coloris est clair et lumineux, les ombres sont colorées, plutôt des tons bleus ou mauves que gris ou marron. C’est la modulation.

 

Monet, La Pie, 1868-69, Orsay.

6  La Touche.

Eugène Delacroix utilisait déjà presque systématiquement la touche libre.

Eugène Delacroix, Portrait de Thalès Fielding, v.1824, --- détail --- Chevaux arabes se battant dans une écurie, 1860, Orsay.

Les impressionnistes emploient la touche libre par la forme (ex : Pissaro, L’Hermitage à Pontoise), par les dimensions, (ex : Sisley, Bateaux sur la Seine), par l’épaisseur ( ex : Renoir, La Parisienne).

Camille Pissarro, L’Hermitage à Pontoise,1867, Cologne. --- Alfred Sisley, Bateaux sur la Seine, v.1877, Wuppertal, Allemagne. --- Auguste Renoir, La Parisienne, 1874, Cardiff.
Camille Pissarro, L’Hermitage à Pontoise,1867, Cologne. --- Alfred Sisley, Bateaux sur la Seine, v.1877, Wuppertal, Allemagne. --- Auguste Renoir, La Parisienne, 1874, Cardiff.
Camille Pissarro, L’Hermitage à Pontoise,1867, Cologne. --- Alfred Sisley, Bateaux sur la Seine, v.1877, Wuppertal, Allemagne. --- Auguste Renoir, La Parisienne, 1874, Cardiff.

Camille Pissarro, L’Hermitage à Pontoise,1867, Cologne. --- Alfred Sisley, Bateaux sur la Seine, v.1877, Wuppertal, Allemagne. --- Auguste Renoir, La Parisienne, 1874, Cardiff.

Ils ne peignent pas ce qu’ils voient (réalisme), ni comme ils voient (romantisme) mais comme ils ressentent. Ils représentent la sensation éprouvée à la vue d’un site ou d’une circonstance : le lever du soleil, le passage d’une course, l’arrivée d’un train, la modification d’un paysage sous l’effet de la lumière…

Première étape : fondation de la Société anonyme coopérative d’artistes peintres, sculpteurs et graveurs aussi appelée la Société nouvelle. Elle est actée par une charte signée le 27décembre 1873 par Monet, Renoir, Sisley, Pissarro, Degas, et Pierre Prins. Elle a pour objectifs :

  1. Organiser des expositions libres, sans jury ni récompenses
  2. Vendre les œuvres exposées
  3. Editer un journal des arts

Le fonctionnement financier est simple, chaque membre achète une action, et cotise mensuellement. Les revenus de la société sont abondés par le prix d’entrée aux expos, par un pourcentage sur les ventes des œuvres ou ouvrages …

Des divisions apparaissent rapidement, deux orientations coexistent, l’une autour de Caillebotte qui voudrait donner une cohérence de style, avec Monet, Renoir, et Sisley, l’autre autour de Degas et Pissarro qui souhaitent ouvrir le groupe à des artistes plus jeunes aux pratiques nouvelles. L’absence d’une unité de style entre tous ces peintres est un reproche souvent formulé.

Les expositions collectives entre 1874 et 1886 représentent un aboutissement pour ces peintres arrivés à maturité artistique ainsi qu’une dernière chance d’être présentée au grand public. Pissarro participe à toutes, Berthe Morisot, Degas, Monet, Renoir et Sisley souvent, tandis que Manet, Van Gogh et Toulouse-Lautrec n’ont participé à aucune.

Le terme d’impressionnisme est inventé en 1874 par le journaliste Louis Leroy critique devant le tableau de Monet : Impression. Soleil levant. Degas aurait préféré le terme d’indépendant pour qualifier le mouvement.

 

La première exposition du 15 avril au 15 mai 1874 se tient dans les anciens ateliers du photographe Nadar, boulevard des Capucines, loués pour l’occasion. Les murs brun-rouge mettent en valeur les toiles réparties sur 2 rangées superposées contrairement au salon officiel où l’accrochage couvre les murs jusqu’au plafond. Réunies en fonction de leurs dimensions, c’est un tirage au sort qui détermine leur emplacement. 30 exposants, 165 œuvres. Mais en même temps à Paris, ont lieu de nombreuses expositions : à la galerie Durand Ruel, à l’Ecole des Beaux-Arts, à l’Hôtel des Ventes, celle des Alsaciens-Lorrains…

Ateliers Nadar, 35 boulevard des Capucines, v.1870. Paris.

Paul Cézanne.

Paul Cézanne, La maison du pendu, v1874. Orsay. - Une moderne Olympia, 1873-74. Orsay.

La maison du pendu, dans le village d’Auvers-sur-Oise. Cézanne poursuit ses recherches sur la perspective. Maisons représentées dans un point de vue resserré, l'horizon lointain est placé très haut. Le titre vient du nom breton du propriétaire : Pen Du. C’est le premier tableau de Cézanne vendu.

Toile peinte en réaction à Olympia de Manet peinte en 1863 qui avait scandalisé le public. Touche très rapide, coloris vif et lumineux. Contrairement au tableau de Manet, le client est visible de dos, au premier plan, la servante dévoile le corps de la jeune femme. Acquis par le Dr Gachet.

Edgar Degas, La Classe de danse, v 1870, NY.

Edgar Degas expose des tableaux sur ses deux thèmes de prédilection : la danse et les chevaux.

Petit tableau peint sur bois, (19 x 27 cm) sur le thème de la danse. Degas n’est pas encore autorisé à fréquenter les salles de répétition, les jeunes filles posent dans son atelier. Il ajoute les rubans colorés à la taille des danseuses pour contraster avec le blanc des tutus. L’arrosoir servant à humidifier le parquet, le chapeau contenant des partitions du violoniste, et l’étui forment une nature morte placée au premier plan et créent une distance entre la scène présentée et le public.

Edgar Degas, Aux courses en province, 1869, Boston.

Edgar Degas, Aux courses en province, 1869, Boston.

La course, les jockeys et les chevaux ne constituent pas l’objet essentiel de ce tableau, ils sont utilisés comme situation d’une sortie familiale, d’une scène de loisirs. L’homme, conduit la calèche, accompagné de son chien. C’est Paul de Valpinçon, ami d’enfance du peintre. Il regarde vers l’arrière où se passe une scène inattendue, son épouse tient une ombrelle et observe leur bébé qui tête sa nourrice. Les scènes d’allaitement sont rares dans les scènes de genre.

Monet, Impression. Soleil levant,13-09-1872, Marmottan.

Claude Monet. Peint depuis une chambre d’hôtel devant le port du Havre, à l’aube. Le titre originel donné par Monet était Vue du Havre. Edmond Renoir, frère d’Auguste, rédacteur du catalogue lui suggère de trouver un autre titre. Monet choisit Impression, Edmond le trouve trop court et ajoute Soleil Levant. C’est un paysage marin où l’activité portuaire est suggérée par les barques au centre, les mâts des navires et cheminées d’usine à gauche, les grues à droite. La lumière du jour naissant dilue les formes traitées à grands coups de pinceaux et en couches fines qui ne recouvrent pas toujours la toile, le tout dans une harmonie bleutée. Seul, le soleil a une forme solide, pleine et épaisse. Ce tableau a acquis une place symbolique dans le mouvement impressionniste. Il a été acheté par E. Hoschedé, mécène et ami du peintre.

Monet, Les Coquelicots, 1873, Orsay.

 

Monet peint ce tableau à Argenteuil où il habite en 1873. La ligne d’horizon, située à mi-hauteur, est limitée par les arbres et une maison, vaste ciel aux nuages blancs. Grande prairie et talus où poussent des coquelicots, deux femmes se promènent avec deux enfants. La touche libre est appliquée en taches juxtaposées : coquelicots, personnages, visages sans traits. Couleurs fraîches où domine le rouge. Tableau acheté par le marchand Paul Durand-Ruel.

Berthe Morisot, membre fondatrice de la société des impressionnistes. Une de ses sœurs, Edma, pratique la peinture avec elle. Elèves de Guichard, elles fréquentent le Louvre, rencontrent Fantin-la-Tour, Corot, Manet… Les parents respectifs se lient d’amitié. Les maisons de vacances permettent à Berthe et Edma de peindre en plein air. Edma épouse un ami de Manet. Ils s’installent en Bretagne, elle cesse de peindre. Berthe fréquente l’atelier de Manet pour poser et prendre des leçons de peinture. En 1874, elle épouse Eugène Manet, frère d’Edouard, peintre lui aussi. Conscient du talent de Berthe qu'il trouve supérieur au sien, il a toujours soutenue son épouse.

Berthe Morisot, Le Berceau, 1872, Orsay.- Le Port de Lorient, 1869, Washington.

Berthe peint sa sœur Edma près du berceau de sa fille Blanche. Silence, immobilité, contemplation du nouveau-né endormi se dégagent de cette toile. Grande maitrise dans la représentation de la transparence du voile. Le thème de la mère et l’enfant devient récurrent dans ses choix picturaux.

Elle peint toutes sortes de paysages, des jardins, la campagne, des bords de mer. Sur cette toile, le point de vue insiste sur les bateaux et quelques maisons. L’activité humaine est presque inexistante. La jeune femme assise apporte la présence discrète et familière d’un instant saisi sur le vif. Les parties latérales, à dominante ocre jaune, encadrent l’eau claire du port et le bleu du ciel dans une harmonie colorée très réussie.

 

Camille Pissarro place la nature, plus que les êtres humains, au cœur de ses recherches et de son inspiration : le travail de la terre, les arbres, en toutes saisons. Ce type de composition abonde dans ses œuvres, dans des formats et points de vue sans cesse renouvelés. Une touche libre de formes et d’épaisseurs variées domine dans ses tableaux. 

Pissarro, Le Verger en fleurs à Louveciennes, 1872, Washington.

Camille Pissarro, Matinée de juin à Pontoise, 1873, Karlsruhe.

Paysage typique de l’œuvre de Pissarro : il partage le format en deux parties égales, l’une pour la terre, l’autre pour le ciel. L’horizon est traité en deux temps dans ce paysage vallonné : une première ligne au-delà de laquelle le chemin descend, une seconde délimitée par la colline plus lointaine. Ciel clair, parsemé de petits nuages blancs. La terre est ouverte par un chemin central qui serpente. Au loin, une femme, un homme tenant un cheval, les vestiges d’un moulin. A gauche, un champ parsemé de coquelicots, à droite une prairie puis un champ de blé. La touche plus épaisse au premier plan puis plus fine en arrière-plan renforce la profondeur du paysage. Le coloris clair et lumineux évoque une atmosphère douce et paisible.

Auguste Renoir, La Loge, 1874, Londres.

 

Auguste Renoir. C’est un des tableaux majeurs du peintre. Le spectacle, la mode et la femme sont des thèmes chers aux impressionnistes. Le peintre ne peint pas ce qui est représenté sur scène mais deux spectateurs. Au second plan, un homme regarde dans ses jumelles, pas vers la scène mais vers les gradins situés plus haut. C’est Edmond Renoir, frère du peintre et journaliste. La jeune femme est l’un des modèles du peintre, Nini Lopez. Robe élégante, bijoux, fleurs piquées dans son corsage et dans son chignon. Pour les vêtements, la touche libre restitue une impression de confort et de luxe tandis que celle du visage plus fine et lisse met en valeur l’éclat de ses yeux, celui des perles et boucles d’oreilles.

Auguste Renoir, La Parisienne, 1874, Cardiff. -- Portrait de Madame Henriot, 1876, Washington. – La Promenade, 1876, NY.

Le portrait en pied de La Dame en bleu est celui d’une jeune fille, âgée de 17 ans. Fille de modiste, elle devient actrice au théâtre de l’Odéon sous le nom d’Henriette Henriot. Renoir la représente dans une dizaine de tableaux. On pense qu’elle posait comme modèle professionnel. L’harmonie colorée bleutée est très lumineuse malgré le ton réputé froid. Le contraste imprécis entre le fond et le sol et les traces effacées de tentures mettent en valeur la représentation de la jeune femme.

Alfred Sisley.

Vaste point de vue représenté dans ce tableau, la ligne d’horizon est située à mi-hauteur. Remarquable alignement de peupliers au feuillage orangé. Les zones colorées créent une harmonie d’ensemble dans laquelle tout contour a disparu. Tout se met en place au fur et à mesure du recul.

Sisley, L'automne, bords de la Seine près de Bougival, 1873, Montréal.

Si l’exposition semble avoir rencontré un certain succès avec ses 3500 visiteurs, il n’en reste pas moins que les comptes rendus des journalistes ne sont pas toujours élogieux, tant à propos des sujets trop ancrés dans la vie quotidienne que dans l’exécution des tableaux considérés comme inachevés, ou réalisés par des peintres qui ne savent pas peindre ! La société, presque en faillite est dissoute.

En mars 1875, lors d’une vente de tableaux à l’hôtel Drouot, 73 œuvres de Renoir, Monet, Sisley et Morisot sont vendues à prix très bas. Le critique Albert Wolff écrit « L’impression que procurent les impressionnistes est celle d’un chat qui se promènerait sur le clavier d’un piano… ». Les soutiens aux impressionnistes faiblissent Durand -Ruel n’achète plus de tableaux, heureusement des collectionneurs prennent le relais :

Cézanne, 1875. - Renoir, 1876.

1.  Victor Choquet, direction des douanes, grand collectionneur, proche de Renoir et Cézanne. Ils  ont tous deux réalisé Le portait de Victor Choquet, au même moment. Style très différent pour deux peintres qui appartiennent au même mouvement.

2.  Jean -Baptiste Faure, baryton très célèbre, grand collectionneur, 800 tableaux (dont le Déjeuner sur l’herbe), répartis entre son appartement de Paris et sa villa d’Etretat. Il n’est pas toujours apprécié des artistes car il spéculait sur les œuvres achetées.

Renoir, Madame Charpentier et ses enfants, 1878, N.Y.

3.  Georges Charpentier, éditeur. Son épouse tient salon, où elle reçoit hommes politiques, musiciens, écrivains, et des artistes parmi lesquels Caillebotte, Degas, Manet, Monet, Sisley et Renoir. Grace à eux, certains ont pu organiser des expositions personnelles plus tard.

4.  Gustave Caillebotte commence sa collection vers 1875. Il aide les impressionnistes en finançant des locations d’ateliers, l’achat de matériel, il a un véritable rôle de mécène auprès d’eux.

5.  Léon Monet, frère du peintre, chimiste et industriel à Rouen. Il achète beaucoup de tableaux à son frère, à Berthe Morisot, Pissarro et Renoir.

6.  François Depeaux, industriel lui aussi et grâce à Léon Monet acquiert environ 600 tableaux.

La 2e exposition des impressionnistes en avril 1876 est installée dans 3 salles à la Galerie Durand-Ruel. 19 exposants parmi lesquels Degas, Monet, Morisot, Pissarro, Renoir, Sisley… Caillebotte, Marcellin Desboutin, graveur, se joignent à eux, tandis que Boudin et Cézanne se retirent. Manet, quant à lui, organise une exposition dans son atelier en même temps. Les tableaux sont présentés par artiste et non plus par format.

Caillebotte, Les Raboteurs de parquet, 1875, Orsay.

Gustave Caillebotte. Ce tableau est l’un des rares de cette époque représentant les ouvriers des villes alors que le monde paysan est régulièrement pris pour sujet. L’ouvrier de droite passe en premier pour raboter les joints des lames. Il pousse le rabot vers l’avant. Le marteau lui permet d’amener son outil dans la position idéale. Les deux autres ouvriers raclent la partie médiane des lames. Le racleur tire l’outil vers lui. Les racloirs sont bien affûtés grâce aux affiloirs. L'ouvrier de gauche est en train de saisir l’affiloir posé entre eux par celui du milieu. On peut suivre l’avancement du travail à la couleur des lames.

Edgar Degas, Le Bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, 1873. Pau.

Etonnant tableau, le Bureau de coton est à la fois une scène de genre, un portrait collectif et une scène familiale ! En 1872, Degas se rend à La Nouvelle Orléans dans sa famille maternelle accompagnant son frère René qui y était installé. L’oncle d’Edgar, Michel Musson, est un homme d’affaires prospère dans le négoce du coton, véritable découverte pour Degas. Il est représenté assis au premier plan, vérifiant la qualité d’un envoi de coton. L’homme qui lit le journal, c’est René, tandis que le personnage appuyé à la cloison est l’autre frère du peintre : Achille. Au centre, celui qui tient un morceau de coton est le gendre de Michel Musson. Associés ou employés, les personnages peuvent être identifiés. Représentation très savante de l’espace : pièce longue et étroite, paroi vitrée qui crée un second espace, porte transparente au fond qui en ouvre un autre… de plus l’oncle coupé par la bordure du tableau inclue le spectateur dans cette scène instantanée, vue de l’embrasure de la porte.

Marcellin Desboutin, Chanteur des rues, Les premiers pas. --- Edgar Degas, L’Absinthe, 1876, Orsay.

Marcellin Desboutin, Chanteur des rues, Les premiers pas. --- Edgar Degas, L’Absinthe, 1876, Orsay.

Marcellin Desboutin, peintre et graveur, participe aussi à cette deuxième exposition. Très célèbre et apprécié pour ses portraits, il a produit environ 300 gravures à la pointe sèche. Il figure dans certains tableaux de ses amis impressionnistes, le plus connu étant celui de Degas : L'Absinthe, où il pose aux côtés d’une actrice Ellen André.

 

Claude Monet. Malgré la richesse du coloris sur le kimono porté par Camille, l’épouse du peintre, ce n’est pas un tableau majeur du peintre mais un symbole du japonisme. Durant la 2e moitié du XIXe siècle, les estampes japonaises affluent en Europe. Artistes et amateurs d’art y découvrent une manière de représenter le monde si différente qu’elle inspire les arts décoratifs et la peinture en particulier par l’emploi de grands aplats colorés. Van Gogh avec plus 400 pièces est sans doute celui qui a collectionné le plus grand nombre d’estampes.

 

Claude Monet, La Japonaise, 1876, Boston.

Cette 2e exposition attire moins de visiteurs que la première. Les comptes rendus ne sont pas très enthousiastes. Dans le Figaro, Wolff écrit « La rue Le Pelletier a du malheur…on vient d’ouvrir une exposition qu’on dit être de la peinture… ». Par contre, Louis Edmond Duranty, écrivain, critique d’art à la revue La gazette des Beaux-arts, publie un livre élogieux intitulé « La Nouvelle Peinture. A propos du groupe d’artistes qui expose dans les galeries Durand-Ruel. » Il étudie les œuvres et soutient les peintres.

 

La 3e exposition en avril 1877 se tient dans un appartement loué, grâce à Caillebotte, au 6 rue Le Pelletier. Une grande question les préoccupe : peut-on exposer à la fois au Salon et avec les impressionnistes ?

18 exposants dont Caillebotte, Degas, Monet, Morisot, Pissarro, Renoir, Sisley… Cézanne et Guillaumin reviennent. Sur les 31 tableaux exposés par Monet, seuls 10 ne sont pas encore vendus, ce qui témoigne d’un début de succès pour certains peintres.

Renoir, Le Bal du Moulin de la Galette, 1876, Orsay.

Auguste Renoir.

Ce bal se tenait le dimanche après-midi à l’extérieur du Moulin de La Galette à Montmartre. C’était un évènement très prisé de la jeunesse parisienne pendant les beaux jours. Des amis et modèles habituels de l’artiste figurent au premier plan. Technique remarquable de Renoir qui représente la modification des couleurs sous l’effet de la lumière du soleil filtrée par le feuillage, bien visible sur la veste du jeune homme au premier plan.

 Georges Rivière, ami de Renoir écrit à propos de ce tableau : « C’est une page d’histoire, un monument précieux de la vie parisienne… ». Il publie une revue éphémère « L’impressionnisme, journal d’art » qui soutient les artistes. Victor Choquet passe beaucoup de temps à l’exposition pour présenter et expliquer les tableaux.

La 4e exposition en 1879 se tient dans un appartement, avenue de l’Opéra sans Cézanne, Renoir et Sisley admis au Salon et Berthe Morisot enceinte. 14 artistes dont Caillebotte, Degas, Monet, Pissarro. Mary Cassatt, américaine, rejoint le groupe. Gauguin expose une statuette. L’exposition attire près de 15400 visiteurs.

 

Née à Pittsburg en Pennsylvanie, Mary Cassatt, réalise surtout des portraits. Elle se lie d’amitié avec Degas, Pissarro et Berthe Morisot. Ce portrait  met en évidence la beauté et la grâce de sa jeune sœur. Coloris raffiné, composition subtile grâce au miroir où se reflètent les loges de l’autre côté de la salle. Après la mort de la jeune femme, 3 ans plus tard, elle peint de nombreux jeunes enfants, seuls ou avec leur mère. Lorsqu’elle découvre les estampes japonaises dans une exposition en 1890, elle se consacre à la gravure, adaptant le modèle japonais à ses sujets.

Mary Cassatt, Lydia dans une loge portant un collier de perles, 1879, Philadelphia.

La 5e exposition, 1880, rue des pyramides. La discorde entre Degas et Caillebotte s’accentue. 19 artistes dont Caillebotte, Cassatt, Degas, Gauguin, Guillaumin, Morisot, Pissarro… Cézanne, Monet, Renoir et Sisley n’y figurent pas.

Paul Gauguin, Les Maraichers de Vaugirard, 1879. Northampton --- Effet de neige, 1879. Budapest.

Gauguin utilise une touche divisée : de longues touches parallèles dans le ciel, et déjà une tendance à la géométrisation des formes dans le traitement des maisons et jardins. Dans les paysages de neige, les impressionnistes représentaient les ombres colorées. Gauguin choisit d’opposer le blanc presque pur de la neige aux troncs fins et sombres des arbres. Les deux premiers plans sont séparés par la ligne franche des arbres tandis que l’arrière-plan est très effacé.

La 6e exposition, 1881, boulevard des Capucines. 13 artistes : Cassatt, Degas, Gauguin, Guillaumin, Morisot, Pissarro… sans Caillebotte, Monet, Renoir et Sisley. La sculpture est plus présente lors de cette exposition.

 

 

Edgar Degas.

La statue originale avait un corps en cire colorée imitant l’épiderme, portait vêtements et chaussons en tissu, une perruque de cheveux. Traduite plusieurs fois en bronze : le bustier est alors en soie, le tutu en tulle et un ruban de satin retient la tresse. 

 

Degas, La Petite danseuse de quatorze ans, 1875-1880, h.98 cm.

La 7e exposition, 1882, est organisée par Durand-Ruel, rue Saint-Honoré. 8 artistes présents : Caillebotte, Gauguin, Guillaumin, Monet, Morisot, Pissarro, Renoir, Sisley c’est-à-dire presque tout le groupe originel. Le public boude un peu l’exposition et le coût de location n’est pas amorti.

Auguste Renoir, Le Déjeuner des canotiers, 1880-81, Washington.

La scène est située sur la terrasse du restaurant Fournaise à Chatou. A travers le feuillage, on aperçoit les voiliers sur la Seine, loisir alors très prisé qui a souvent inspiré les peintres. Tous les personnages sont des proches : debout à gauche, le propriétaire du restaurant et sa fille au premier plan, Aline Charigot, future épouse du peintre. A droite de profil, Gustave Caillebotte, à côté l’actrice Ellen André. Coloris clair, palette colorée variée, répartition harmonieuse des personnages en de nombreux petits groupes, nature morte très réussie sur la table.

Cette exposition est remarquée pour la cohérence de style, pourtant cette similitude peut empêcher les artistes de poursuivre leurs recherches vers la nouveauté.

La 8e et dernière exposition, 1886, au premier étage du restaurant la Maison dorée, rue Laffite. 17 peintres dont Cassatt, Degas, Gauguin, Morisot, Pissarro … et l’arrivée de Georges Seurat et Paul Signac.

Georges Seurat, Un Dimanche après-midi à l’île de la Grande-Jatte, 1884-86, Chicago.

Georges Seurat, Un Dimanche après-midi à l’île de la Grande-Jatte, 1884-86, Chicago.

Seurat représente des promeneurs sur une île de la Seine, à hauteur de Neuilly et Courbevoie. Il utilise une division particulière de la touche posée par points juxtaposés, que l’on appelle le pointillisme. La géométrisation des objets, l’immobilité des personnages, le coloris clair et plutôt froid annoncent une nouvelle tendance de la peinture et l’avènement du post-impressionnisme.

La 1ere exposition de 1874 incarnait l’avènement du style impressionniste résultant de recherches graphiques et picturales menées depuis au moins une décennie. Après la dernière exposition de 1886, les principaux artistes du mouvement continuent de peindre avec les principes impressionnistes. L’exemple le plus significatif est Claude Monet qui crée des œuvres emblématiques encore bien des années plus tard : les Meules en 1890-91, les Cathédrales de Rouen en 1892-94, et bien sûr les Nymphéas du Jeu de Paume en 1918 !

Claude Monet, Meules, fin de l’été, effet du soir, 1890-91, Chicago --- Cathédrale de Rouen, façade ouest au soleil, 1892-94, Washington.Les Trois arbres, été, 1891, Tokyo. --- Nymphéas du Jeu de Paume, 1918, installés en 1927.
Claude Monet, Meules, fin de l’été, effet du soir, 1890-91, Chicago --- Cathédrale de Rouen, façade ouest au soleil, 1892-94, Washington.Les Trois arbres, été, 1891, Tokyo. --- Nymphéas du Jeu de Paume, 1918, installés en 1927.
Claude Monet, Meules, fin de l’été, effet du soir, 1890-91, Chicago --- Cathédrale de Rouen, façade ouest au soleil, 1892-94, Washington.Les Trois arbres, été, 1891, Tokyo. --- Nymphéas du Jeu de Paume, 1918, installés en 1927.
Claude Monet, Meules, fin de l’été, effet du soir, 1890-91, Chicago --- Cathédrale de Rouen, façade ouest au soleil, 1892-94, Washington.Les Trois arbres, été, 1891, Tokyo. --- Nymphéas du Jeu de Paume, 1918, installés en 1927.

Claude Monet, Meules, fin de l’été, effet du soir, 1890-91, Chicago --- Cathédrale de Rouen, façade ouest au soleil, 1892-94, Washington.Les Trois arbres, été, 1891, Tokyo. --- Nymphéas du Jeu de Paume, 1918, installés en 1927.

Encore un grand merci à Catherine, passionnante comme à chaque fois, qui nous a permis de mieux comprendre ce mouvement et ces artistes non reconnus pendant quelques temps et pourtant si novateurs.

 

Prochaines rencontres avec Les Arts 57 :

l'AG de notre association Les Arts 57,  le mardi 19 mars à 18h30

à la salle polyvalente de Saulny.

 

Vendredi 5 avril, à 18h30, à Woippy, salle « Michel Bonnet »

en partenariat avec l’association « Histoire de Woippy »

 sur le thème de « L’école de Metz » avec Catherine Bourdieu.

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7 février 2024 3 07 /02 /février /2024 11:39

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René Magritte, Le Faux Miroir, 1928.

Les visites organisées par LesArts57 à Pompidou remportent toujours un franc succès. Vendredi 14 janvier 2024, après une récupération un peu laborieuse des audiophones, nous sommes 58 personnes réparties en deux groupes. Pris en charge par Julien et Mélodie, que nous retrouvons avec plaisir, chaque groupe démarre le parcours dans un ordre différent.

Très attendue, cette première grande rétrospective consacrée au psychanalyste Jacques Lacan (1901-1981) est imaginée à l’initiative de deux psychanalystes : Gérard Wajcman et Paz Corona associés à deux historiens de l‘art : Marie-Laure Bernadac et Bernard Marcadé.

Introduisant l’exposition, une vaste biographie rappelle les principales étapes de sa vie et de son œuvre. On est d’emblée confronté à sa personne, à sa voix si particulière grâce à un entretien filmé, personnalité théâtrale fascinante pour les uns, irritante pour les autres. De famille bourgeoise, catholique, il est un élève brillant mais dissipé. Etudiant en médecine, il s’intéresse à la psychiatrie, plus particulièrement à la question de la paranoïa, sujet de sa thèse qu’il envoie, dédicacée à Dali. Une longue vitrine expose des articles, en particulier celui relatif au crime horrible des sœurs Papin perpétré contre leurs employeurs en 1933.

Marié une première fois, Jacques Lacan est père de trois enfants.  En 1938, coup de foudre réciproque pour Sylvia, actrice dans les films de Jean Renoir, séparée de Georges Bataille et dont il aura deux enfants.

Il traite ses patients à l’hôpital Sainte-Anne et organise des séminaires en prenant toujours appui sur une œuvre d’art devant des auditeurs de plus en plus nombreux. Il estime que l’art l’aide à comprendre la psychanalyse. Sa pensée complexe peut s’avérer difficile à décoder, hermétique, parfois même indécente. Grand collectionneur, proche des artistes du courant surréaliste, il a fréquenté, entre autres, Dali, Picasso et Dora Maar, Georges Bataille, André Masson …

Michelangelo Pistoletto, Homme avec escabeau, 1933.

L’exposition rassemble des tableaux que Lacan a commenté dans ses séminaires, des créations d’artistes qui puisent dans ses réflexions et enfin des pièces modernes et contemporaines qui paraissent correspondre à sa pensée. Le parcours est à voir comme une traversée des notions spécifiquement lacaniennes, à commencer par le stade du miroir, puis le concept de Lalangue, la notion du Nom-du-Père, de l’objet a, ...

Salvatore Dali, Dormeuse, cheval et lion invisibles. 1930.

 

Lacan et Dali écrivent dans la même revue, le Minotaure.

Dali se sert de ses obsessions délirantes, et livre sa méthode de “ paranoïa critique “ dans une conférence à Barcelone en 1930 : Image d’une ou plusieurs femmes en même temps un cheval, puis apparition possible de nombreuses autres images… que représente en réalité l’image en question ? quelle est la vérité ? les images sont -elles le produit de notre faculté paranoïaque ? …

 

 

Stade du miroir.

Michelangelo Merisi dit Caravage, Narcisse, 1597-99.

Prêtée exceptionnellement, cette œuvre de Caravage a été admirée par Lacan. Invité à Rome par son ami Balthus, directeur de la Villa Médicis, il est retrouvé devant le tableau, essayant de reproduire et comprendre la posture de Narcisse se mirant dans l’eau. Ce tableau raconte l’histoire malheureuse de Narcisse dans un des mythes d’Ovide. Victime de la vengeance d’une déesse, il tombe amoureux et captif de sa propre image. Pour le psychanalyste, le stade du miroir indique que le jeune enfant, par son reflet dans le miroir, passe de la perception parcellaire de son corps à la perception unitaire de son être, prend progressivement conscience de son identité, il peut dire « je ».

Dans ce clair-obscur très épuré, la composition circulaire semble enfermer le jeune homme. Présence forte du genou dénudé, raccourci éclairé au centre.

 

Quelques temps après la visite guidée de l'exposition "LACAN. Quand l'art rencontre la psychanalyse" au Centre Pompidou-Metz, le 19 janvier 2024.

Lalangue.

Invention lacanienne à la suite d’un lapsus, il explique que « l’inconscient est structuré comme un langage ». Un lapsus dit quelque chose de nous : ne dit-on pas qu’un lapsus est révélateur !  Les artistes fêtent les jeux de mots et d’esprit, les lapsus, le babil, les lapalissades …

Cette œuvre fait partie des « peintures-mots » réalisées par Magritte, révélant l’ambiguïté entre les objets réels, leur image et leur nom.  Etonnante aussi : la palissade de skis « rossignolesques » de Raymond Hains.

L’exposition est ponctuée de phrases de Lacan. J. A. Miller, élève de Lacan et devenu son gendre, est dépositaire de son droit moral, lui seul peut retranscrire ses écrits.

René Magritte, Querelle des universaux, 1928. --- Olivier Leroy, Lieux dits, 2001. --- Raymond Hains, Palissade rossignolesque, 1997.
René Magritte, Querelle des universaux, 1928. --- Olivier Leroy, Lieux dits, 2001. --- Raymond Hains, Palissade rossignolesque, 1997.
René Magritte, Querelle des universaux, 1928. --- Olivier Leroy, Lieux dits, 2001. --- Raymond Hains, Palissade rossignolesque, 1997.

René Magritte, Querelle des universaux, 1928. --- Olivier Leroy, Lieux dits, 2001. --- Raymond Hains, Palissade rossignolesque, 1997.

Au Nom-du-Père.

Le Nom-du-Père fait initialement référence à la tradition chrétienne, désignant un Père tout puissant, l’instance de la Loi et de l’interdit. Lacan différencie le père réel et le père imaginaire. Ce terme peut aussi être compris comme le « Non du Père », père contre lequel se révolteront des artistes : Louise Bourgeois, traumatisée par la relation adultérine de son père avec la gouvernante lors de la maladie de sa mère, et Niki de Saint Phalle, victime aussi de son père incestueux et qui met en scène la destruction du père dans Daddy. Pour Louise Bourgeois, l’art est une garantie de santé mentale. Agnès Thurnauer réalise un badge démesuré au nom de Louis Bourgeois.

Agnès Thurnauer, Portrait grandeur Nature (Louis Bourgeois), 2007 --- Niki de Saint Phalle et Peter Whitehead, Daddy, 1972.

Agnès Thurnauer, Portrait grandeur Nature (Louis Bourgeois), 2007 --- Niki de Saint Phalle et Peter Whitehead, Daddy, 1972.

N. Childress, Film Freund, 2020.
H. Bellmer, Portrait du Père, 1955.

Nina Childress, quant à elle, évoque la relation de la fille au Père sur l’affiche de Film Freud. Il fait explicitement référence aux relations ambiguës entretenues par le psychanalyste avec sa fille Anna, qu’il analyse au mépris de la règle qu’il avait lui-même édictée : de ne pas soigner ses proches. Il n’y a pas que les femmes qui règlent leur compte avec le Père. Hans Bellmer met à mal la figure paternelle, dénigrer le Père quand on s’appelle « Belle-mère » aurait plu à Lacan, raison pour laquelle, l’artiste lui dédicace ses dessins. Figure grotesque, nez phallique, bouche anale !  

Enfin, Lacan opérera à la fin de sa vie un glissement sémantique du « Nom-du-Père » à la formule « Les non-dupes errent », que reprend ironiquement Sophie Calle en voilant « La mère veille ».

Sophie Calle, Lacan (Parce que les non-dupes errent), 2018.

OBJET a

Invention de Jacques Lacan, fin des années 1950, l’objet a, qualifie « l’objet cause du désir » en tant que manque, reste, chute, perte. Placé à l’entrée de cette nouvelle salle, ce grand rideau, peint d’un faux ciel, évoque la chute des illusions. Réutilisant judicieusement les cloisons de l’exposition précédente, la scénographie très ouverte entre en écho avec l’illusion, le trompe-l’œil de la salle suivante.

 

Latifa Echkach, La Dépossession, 2014, Toile de théâtre apprêtée, 1000 x 1000 cm.

Latifa Echkach, La Dépossession, 2014, Toile de théâtre apprêtée, 1000 x 1000 cm.

L’objet a  se décline sous différentes formes, l’élément clé en est pour Lacan le Phallus, le signifiant du Manque, et aussi le Sein lié au désir du corps par petits morceaux, qui rappelle la petite enfance, le nouveau-né, mais aussi le Regard, la Voix, la Merde, …. puis en découlent le Corps morcelé, la Chute, le Rien…

Lacan s’intéresse à l’anamorphose qui permet de découvrir des formes étonnantes seulement vues à partir de certains endroits bien précis. L’anamorphose cylindrique réalisée par Piola reconstitue l’Erection de la Croix de Pierre Paul Rubens. La peinture à plat est organisée autour d’un vide central limité par un cylindre-miroir vertical qui restitue l’image du Christ qui s’érige.

Domenico Piola, Anamorphose au Rubens, XVIIe siècle, Rouen, Musée des Beaux-Arts.

Sculpteur minimaliste, Carl André, récemment décédé, estime que la sculpture est toujours érigée (priapique avec l’organe masculin dressé). Dans son travail, il la remet à plat. (il met « Priape à terre »).

Carl André, 21 Pb Leaditer, 2003.

Constituée de plaques de plomb posées au sol, sur lesquelles il est possible de marcher, elles guident le visiteur vers Princesse X., sculpture de Brancusi. L’œuvre présentée est le modèle en plâtre ayant servi à l’élaboration du bronze en 1916 en hommage à la princesse Marie Bonaparte. Elle a favorisé, en la traduisant, l’introduction en France de la psychanalyse freudienne. Brancusi a toujours considéré cette sculpture comme son portrait :  tête, cou, haut du buste et mèche de cheveux sur le côté. Mais Picasso et de nombreux autres spectateurs y ont vu immédiatement un phallus.

Pour Lacan « Le phallus … ne désigne nullement l’organe dit pénis…il vise … son rapport à la jouissance ». Le Séminaire , Livre XVIII.

Constantin Brancusi, Princesse X, 1915-1916. Paris, Centre Pompidou.Louise Bourgeois, Fillette, 1968. New-York --- Louise Bourgeois, Cumul I, 1968, Marbre blanc, Paris, Centre Pompidou.
Constantin Brancusi, Princesse X, 1915-1916. Paris, Centre Pompidou.Louise Bourgeois, Fillette, 1968. New-York --- Louise Bourgeois, Cumul I, 1968, Marbre blanc, Paris, Centre Pompidou.
Constantin Brancusi, Princesse X, 1915-1916. Paris, Centre Pompidou.Louise Bourgeois, Fillette, 1968. New-York --- Louise Bourgeois, Cumul I, 1968, Marbre blanc, Paris, Centre Pompidou.
Constantin Brancusi, Princesse X, 1915-1916. Paris, Centre Pompidou.Louise Bourgeois, Fillette, 1968. New-York --- Louise Bourgeois, Cumul I, 1968, Marbre blanc, Paris, Centre Pompidou.

Constantin Brancusi, Princesse X, 1915-1916. Paris, Centre Pompidou.Louise Bourgeois, Fillette, 1968. New-York --- Louise Bourgeois, Cumul I, 1968, Marbre blanc, Paris, Centre Pompidou.

Louise Bourgeois s’est beaucoup intéressée aux formes ambigües. Sa Fillette est polymorphe, à la fois sexe masculin, torse de femme, visage, nourrisson, enfant… en latex, à la fois dur et mou. Pour Cumul, l’artiste fait allusion aux nuages « cumulus ». Ces bulles sphériques ou ovoïdes évoquent aussi bien des seins que des phallus, elle joue sur l’ambiguïté féminin-masculin. Les formes rondes et blanches semblent émerger d’un voile aux multiples plis, souple et fin comme une membrane, une peau.

 

Lacan a commenté les deux tableaux de Zurbaran, Sainte Agathe et Sainte Lucie, l’une perd ses seins, l’autre ses yeux. Ces parties de corps détachées, posées sur un plateau ne suscitent pas l’effroi que suggère cette mutilation. L’artiste espagnol réussit à apaiser cette scène cruelle. Saint Lucie offre ses yeux. Ils donnent l’impression de nous regarder.

 

Francisco de Zurbaran, Sainte Lucie, 1635-1640, Chartres, musée des Beaux-Arts.

 

Dans cette partie consacrée au Regard, sont abordées les illusions, le trompe l’œil, le voyeurisme.

La condition humaine montre un dispositif de tableau dans le tableau, on regarde un tableau illusoire, une image. Cette notion rappelle le mythe de la caverne où les ombres ne sont que des projections.

René Magritte, La Condition humaine, 1933, Washington.

Cette gravure évoque un récit de Pline l’Ancien qui, au tournant des IVe et Ve siècle avant J.C., met en scène la compétition entre les deux plus grands peintres de l’époque, Zeuxis et Parrhasios. Le premier figure des grappes de raisin de façon si convaincante que des oiseaux tentent de les picorer. Mis au défi de faire mieux, Parrhasios désigne son tableau. Zeuxis tente d’écarter le rideau pour le voir et par ce geste reconnait sa défaite : le voile est peint ! Lacan s’est beaucoup appuyé sur cette histoire pour distinguer le regard de la vision qu’il qualifie de « triomphe, sur l’œil, du regard. »

En psychanalyse, le regard peut être lié au voyeurisme traité dans différentes œuvres. L’œil serait l’organe qui prolongerait le sexe. Plaisir de posséder l’autre par le regard, à la fois une arme et une protection. L’œil est aussi la limite entre le monde extérieur, traité de façon réaliste par Magritte :  volume, paupière et le monde intérieur où tout s’aplanit par l’iris nuagé, monde du rêve percé par le trou noir de la pupille.

Albert Giacometti, Pointe à l’œil, 1931-32.  René Magritte, Le Faux Miroir, 1928, New York, MoMA.Albert Giacometti, Pointe à l’œil, 1931-32.  René Magritte, Le Faux Miroir, 1928, New York, MoMA.

Albert Giacometti, Pointe à l’œil, 1931-32. René Magritte, Le Faux Miroir, 1928, New York, MoMA.

"Au sein de cette galaxie, l’objet Regard occupe une place centrale, jusqu’à nous faire glisser vers le Trou, par lequel le regardeur peut scruter le corps de la femme d’Étant donnés, l’œuvre ultime de Marcel Duchamp revisitée par Mathieu Mercier."

Mathieu Mercier, Dispositif stéréoscopique, 2023. D’après l’installation de Marcel Duchamp, Etant donnés, 1946-66, Philadelphie.

Entre 1946 et 1966, Duchamp crée une installation à New York, une porte dans un mur, munie de deux orifices qu’il qualifie de « trous du voyeur ». Le spectateur qui regarde, observe une femme nue à peau très blanche, c’est une scène de crime. Elle est aussi un clin d’œil à L'Origine du Monde, que Duchamp découvre chez Lacan lors d’un déjeuner en 1958 et qui aurait eu une influence sur la position du corps au centre de l’œuvre.

Gustave Courbet, L’Origine du Monde, 1866. --- André Masson, Panneau-masque de L’Origine du Monde, 1955.

Acquise par Sylvia et Jacques Lacan en 1956, l’œuvre est accrochée dans leur maison de campagne. Lacan commande au peintre André Masson, époux de la sœur de Sylvia, une composition sur panneau afin de masquer l’œuvre. Lacan prenait plaisir à dévoiler « son Courbet » à ses invités.

Diego Velasquez, Portrait de l’infante Marguerite Thérèse, 1654, Paris, musée du Louvre.

Au cours d’un séminaire, Lacan analyse Les Menines de Diego Velasquez. Impossible d’obtenir Les Menines du Prado pour l’exposition, mais nous pouvons admirer le Portrait de l’infante, prêté par le musée du Louvre, peint par Velasquez à la même époque.  Le tableau des Menines déjoue tous les codes de la perspective, il est comme un écran qui cache autant qu’il donne à voir. Lacan perçoit un « objet secret » dans les plis de la « brillante vêture » de l’infante dona Margarita Teresa, « personnage central, modèle préféré de Velasquez qui l’a peinte sept ou huit fois ».

 

1940-1945, Lacan décide de ne rien publier pendant l’occupation… Il se plonge dans l’étude de la langue chinoise aux langues orientales, à Paris. Il possède 3 toiles de Zaō Wou-Ki. Ce tableau de 1970 incarne la notion du vide et de sa compréhension dans la pensée chinoise.

 

Zaō Wou-Ki, 12.10.70.

Les formules de Lacan souvent lapidaires choquent. « La femme, ça ne peut s’écrire qu’à barrer La. », « La femme n’ex-siste pas » signifie qu’aucune définition universelle n’est possible. Les femmes sont, par essence, plurielles. « On la dit-femme, on la diffame ».

 

 

 

Annette Messager, brode « Ma collection de proverbes », déployant une collection de dictons misogynes, utilisant justement un savoir-faire artisanal dévolue à la sphère féminine.  L’isolement de chaque déclaration, réécrite en fil, met en lumière nombre de préjugés et clichés du quotidien à l’encontre des femmes et renforce le sentiment d’indignation.

 

L’anatomie n’est pas le destin. Particulièrement moderne, cette notion défendue par Lacan qui, contrairement à Freud, estime que l’être humain a le choix de son identité sexuelle, au-delà de celles qui lui sont assignées par l’anatomie ou l’état civil. Illustrée par l’œuvre de Michel Journiac qui présente une série photographique où il se travestit en Renée et Robert Journiac, ses parents.

Michel Journiac, Hommage à Freud, constat critique d’une mythologie travestie. 1972-1984.

« Il n’y a pas de rapport sexuel », une des formules les plus célèbre de Lacan. S’il existe bien des actes sexuels, les rapports entre les sexes ne sont pas mathématiquement équivalents. La réplique du Grand Verre de Marcel Duchamp déploie une narration où la jouissance de la mariée au registre supérieur s’effectue sans qu’il y ait de contact avec les célibataires du registre inférieur. Réalisée entre 1915 et 1923 à New York, l’œuvre est composée de 2 panneaux de verre assemblés (cassés puis réparés par Duchamp) actuellement à Philadelphie. L’artiste a laissé un grand nombre de notes, jetant les bases de l’art conceptuel en plaçant les idées sur le même plan que la réalisation d’une œuvre. Il en existe quelques répliques, celle-ci réalisée par Pascal Goblot sera détruite au cours d’une performance le 24 mars 2024.  Les formes floues, le grand nuage évoque l’imaginaire de la mariée tandis qu’en bas, 9 moules mâliques représentent 9 célibataires mâles différents : un gendarme, un laquais, un prêtre, un livreur…. L’idée est venue à Duchamp sur une fête foraine en observant un jeu de chamboultou où les jeunes gens envoyaient des projectiles déshabillant une mariée.

Pascal Goblot, Copie éphémère « To be broken » de La Mariée mise à nu par ses célibataires, même  de Marcel Duchamp. Paris, 2014- Metz, mars 2024.

 

Dès les années 1950, Jacques Lacan s’intéresse aux objets topologiques, ces figures géométriques supportant la déformation sans se rompre, un élastique par exemple. La bande de Moebius symbolise la division du conscient et de l’inconscient. Le nœud borroméen dont les 3 cercles inséparables représentent les trois registres qu’il identifie ainsi : le Réel, le Symbolique et l’Imaginaire (RSI). Ces trois registres sont liés tiennent ensemble, si une coupure intervient, tout se délite.     

Pour terminer une cellule permet d’admirer Le Cabinet du psychanalyste, 2005. Ingénieuse installation de Leandro Erlich où le miroir au cœur de l’expérience analytique permet de choisir d’être le patient ou l’analyste. 

Leandro Erlich, Le Cabinet du psychanalyste, 2005.
Leandro Erlich, Le Cabinet du psychanalyste, 2005.
Leandro Erlich, Le Cabinet du psychanalyste, 2005.
Leandro Erlich, Le Cabinet du psychanalyste, 2005.

Leandro Erlich, Le Cabinet du psychanalyste, 2005.

J. M. Othoniel, Le Nœud de Lacan, 2022.

 

Un grand merci à Julien et Mélodie qui nous ont permis d’aborder plus clairement cette exposition Lacan, dense et parfois complexe. Lacan a ouvert un champ novateur sur des sujets encore au cœur de notre actualité, genre, identité, pouvoir, amour, sexe… Cette exposition réunit des œuvres majeures qui valent vraiment le détour, d’autres sont plus surprenantes ou peuvent interpeller.

 

Prochaine rencontre avec LesArts57 :

« Les expositions impressionnistes à Paris, 1874-1886 » présentée par Catherine BOURDIEU,

Le 8 février, 20 h, Centre Social Robert Henry à Longeville les Metz.

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14 janvier 2024 7 14 /01 /janvier /2024 10:36
Jean Cocteau. Vitrail du chœur, Eglise St Maximin, Metz.

 

C’est au 65 rue Mazelle devant l’église St Maximin, jeudi 14 décembre, à 13h30, que LesArts57 ont donné rendez-vous aux participants à cette visite. Le temps est gris mais pas pluvieux, nous sommes une vingtaine, et retrouvons Marie-Laure SCHUCK, notre guide-conférencière, dans cette jolie église urbaine, véritable écrin pour les vitraux de Jean Cocteau, (1889-1963).

En 2023, à l’occasion du 60ème anniversaire de sa mort, nombre d’évènements, conférences, expositions ont été organisés dans la ville. Lors du 50ème anniversaire en 2013, un hommage lui avait aussi été rendu par l’inauguration de la Place Jean Cocteau, à laquelle participait son cartonnier Jean Dedieu. Il s’agit de la placette triangulaire au début de la rue Mazelle. Poète, écrivain, cinéaste, dessinateur, cet artiste aux multiples facettes a laissé une œuvre considérable.

Il avait, entre autres, réalisé aussi le décor de différents édifices, de l’église st Pierre des pêcheurs à Villefranche-sur- mer, N.D. de France à Londres…et les vitraux de la chapelle St Blaise des Simples à Milly la Forêt dans l’Essonne où il résidait. Dans cette chapelle, il a utilisé le thème des simples, ces plantes médicinales qui soignent, en mémoire du lieu dédié à st Blaise qui préfigurent un peu ceux de st Maximin.

En 1952, Cocteau avait été sollicité ainsi que Picasso, Chagall, Villon, Bissière … pour participer au projet de création de vitraux pour la cathédrale de Metz. Mgr Schmitt et Robert Renard, architecte des Monuments historiques, souhaitaient un certain renouveau dans l’art sacré et pariaient sur le talent d’artistes contemporains. Cocteau présenta des maquettes, mais le projet de ses 4 évangélistes, fut refusé par la commission d’art sacré : « A supposer que l’ingéniosité de ce célèbre poète soit du génie, Cocteau ne semble pas qualifié pour l’art sacré. » Une solution de remplacement fut trouvée, soutenue par André Malraux, la commande d’un programme pour l’église St Maximin, fragilisée par la guerre, et en restauration depuis 1950.

 

En 1961, Cocteau présente un projet pour la création de vitraux dans les baies du chœur, le premier panneau présenté est accueilli avec enthousiasme.  L’atelier des maîtres-verriers Emile et Michel Brière de Levallois-Perret est choisi. Il réalise des maquettes sous forme de vignettes que son collaborateur Jean Dedieu agrandit pour réaliser les cartons préparatoires au vitrail.

 

Les vitraux de l’abside ne seront posés qu’en 1964, Jean Cocteau disparu en 63, n’aura pas pu les contempler. Mais il avait suivi et surveillé de très près le travail et accordé une grande confiance à J. Dedieu et à l’atelier Brière. Les 15 verrières ne seront terminées qu’en 1970.

Depuis l’ouverture du centre Pompidou, Les vitraux de Cocteau font partie des circuits culturels prisés mais la petite église Saint Maximin, complètement intégrée dans le tissu urbain du quartier Outre-Seille, est intéressante pour elle-même.

Eglise St Maximin, Metz.

Eglise St Maximin, Metz.

On peut y accéder aussi par la ruelle de la Baue, aux allures de passage médiéval. St Maximin, était évêque de Trèves au IVe siècle. Les parties les plus anciennes, le chœur, la partie basse de la nef, le chevet, et la tour, datent du la fin du XIIe. Un portail baroque est ajouté sur la façade au XVIIIe et, de part et d’autre, deux petites portes plus tard.

Si la nef et ses bas-côtés ont conservé une arcature romane, ils présentent cependant un couvrement d‘ogives, sans doute XVe, qui témoigne de la transition entre l’art roman et l’art gothique.  A droite du chœur, une jolie chapelle privée, transformée au XVIe pour accueillir le tombeau de la famille de Gournay, s’ouvre sur le chœur par deux arcs style renaissance. 

Le temps gris de l’hiver ne donne pas la mesure de la douce couleur bleue qui baigne le chœur  par les 7 vitraux de l'abside. 

Le vitrail central.

  • Une magnifique colombe apparait immédiatement dans le réseau de formes géométriques. Judicieusement représentée par des petits quadrilatères dynamiques, dans un camaïeu de bleus, elle descend ailes déployées, yeux rouges et bec jaune, (colombe de la paix ?).
  • En dessous, un homme aux bras levés. L’attitude peut être interprétée comme celle d’un orant ou prêtre célébrant devant un autel à la forme courbe.
  • Dans le troisième registre, une table (un autel ?) de laquelle émanent des rayons qui se dirigent vers la partie inférieure et la partie supérieure, (liaison entre la partie terrestre et la partie céleste ?).
  • Sur la table est posée une croix, entouré de lumière, aux motifs acérés, un point rouge au centre (évocation de la crucifixion ?).
  • La colombe et la croix évoquent la Trinité, l’Esprit et le Fils. Au-dessus une croix de st André, au centre de laquelle un losange bicolore ressemble à un œil (qui conventionnellement figure souvent le Père).
  • Dans le compartiment supérieur, sont peut-être représentées les tours de Notre Dame sous un arc, selon les dires de M. Brière au cours d'une entrevue en 2003 avec Mme Kuhn-Mutter auteur  de "Les vitraux de Jean Cocteau à Metz", Editions Serpenoise.
.Vitrail central du chœur, Eglise St Maximin, Metz.
.Vitrail central du chœur, Eglise St Maximin, Metz.
.Vitrail central du chœur, Eglise St Maximin, Metz.
.Vitrail central du chœur, Eglise St Maximin, Metz.

.Vitrail central du chœur, Eglise St Maximin, Metz.

Cocteau n’a pas laissé de clé de lecture permettant volontairement au spectateur sa libre interprétation. Si l’interprétation religieuse est vraisemblable dans ce lieu, en position centrale derrière le chœur, d’autres interprétations sont possibles. Une lecture profane peut imaginer une sorte de totem, tête sous l’arc, bras levés autour d’un torse, jambes et pieds de part et d’autre de la queue de la colombe.

 

Le père Philippe Boissé, curé de la paroisse de st Maximin, propose une comparaison avec le masque Kanaga, emblématique du pays Dogon au Mali. (2011) Il représente l’oiseau mythique qui aurait amené la graine de l’arbre à palme, à l’origine de la vie. Les 2 petites figures en haut, le couple originel, la parte supérieure de la croix, le monde surnaturel, la partie inférieure le monde terrestre, à la base du masque la tête de l’oiseau. Cocteau s’intéressait beaucoup aux arts premiers, collectionnait des sculptures non seulement pour le côté esthétique mais aussi ethnographique. Il a apporté un soutien financier à des expéditions ethnologiques en Afrique noire.

Vitrail latéral droit.

La base semble représenter la rotation des éléments, des astres en mouvements : la genèse, puis le jour et la nuit, de plus en plus de lumière vers la partie haute.

Un visage mystérieux aux yeux étirés et à la bouche ronde semble étonné.

Ce vitrail est le premier à avoir été posé.

Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.

Côté droit, le vitrail suivant, montre une végétation exubérante, germination, feuillages touffus, des bouquets montés évoquant les rites égyptiens, des formes géométriques, des points rouges, la lumière du soleil tout en haut ?

La dernière baie côté droit est entièrement couvertes d’arabesques qui serpentent, s’entrelacent, est-ce en référence au labyrinthe ?

Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.

 

Coté latéral gauche, la 1ère baie semble représenter, avec un tronc central, un arbre de vie. A la base, un papillon au ailes ouvertes. Des masques, des formes évoquant les civilisations précolombiennes d’Amérique du sud. D’un triangle au centre jaillit une fleur, qui se transforme et s’épanouit au dernier niveau, la fleur d’hibiscus chère à Cocteau et pour lui symbole d’immortalité.

Dans le vitrail suivant à gauche, trois colombes planent, ailes étalées, la plus sombre en bas sous un arc. Le deuxième niveau évoque l’arche de Noé et la colombe au-dessus plus lumineuse, l’approche de la terre ? la dernière colombe tout en haut plane dans un espace lumineux.

La dernière baie à gauche est aussi constituée d’entrelacs aux douces couleurs bleues et rose. Avec son homologue à droite, elles encadrent joliment les vitraux du chœur.

A droite du chœur, transept partie sud, juste avant l’arc de la chapelle Gournay une verrière est composée de 3 lancettes. Dans la première un homme taureau, aux yeux rouges impressionnants (Minotaure ?) émerge d’une composition feuillue, un vase, ou même un calice ? Masque africain longiligne dans la lancette centrale tandis que dans celle de droite apparait un petit cavalier dans un massif feuillu de forme ovale, joue-t-il le rôle de psychopompe accompagnant solennellement l’âme d’un défunt ? (ombre noire ?). Au-dessus un autre masque taurin à cornes étonnant, coiffé d’un némès égyptien dont les pans retombent sur les épaules. Cocteau admirait Picasso et avait collaboré avec lui.

Vitraux de la chapelle sud, Eglise St Maximin, Metz.
Vitraux de la chapelle sud, Eglise St Maximin, Metz.
Vitraux de la chapelle sud, Eglise St Maximin, Metz.
Vitraux de la chapelle sud, Eglise St Maximin, Metz.
Vitraux de la chapelle sud, Eglise St Maximin, Metz.
Vitraux de la chapelle sud, Eglise St Maximin, Metz.

Vitraux de la chapelle sud, Eglise St Maximin, Metz.

Chapelle de Gournay. 

La verrière située au-dessus de la porte de la sacristie est surmontée d’un étrange visage aux yeux de poissons. Ce quadrilobe ressemble aux têtes en feuilles du modèle gothique rémois, (vu à la cathédrale). Dans la lancette de droite, peut-être l’arbre de Jessé, aux racines visibles, qui s’enfonceraient dans le corps allongé de Jessé ? (vu à Sillegny) et au bourgeon terminal. 

Feuillages, visages, masques, yeux énigmatiques, chacun peut laisser libre cours à son imaginaire selon le souhait de l’artiste poète.

Sur le mur sud de la chapelle, 3 baies encadrent l’enfeu du tombeau disparu. Une inquiétante araignée est visible au bas de la lancette droite de la 1ere verrière tandis qu’au-dessus peut-être une mante religieuse qui dévore son mâle après l’accouplement et redonne vie, ou pourquoi pas la silhouette d’une danseuse à la robe bariolée, bras levés ?...

Sur le vitrail central, des bouquets montés, à droite une fleur d’hibiscus protégée par des mains, différentes portes se superposent, un masque bleu-vert dans lequel est implanté un calice surmonté d’une hostie ? …  ou serait-ce Demeter, la déesse de l’agriculture régissant le cycle des saisons ?

Chapelle de Gournay. 
Chapelle de Gournay. 
Chapelle de Gournay. 
Chapelle de Gournay. 
Chapelle de Gournay. 

Chapelle de Gournay. 

La dernière verrière fait référence au Testament d’Orphée, film de Cocteau (1960) où il incarne lui-même le rôle du poète qui meurt et ressuscite et introduit la notion de « phénixologie », possibilité de renaître de ses cendres. Il se promène à travers le temps et croise sur sa route ses anciennes créations, créatures mythologiques ou imaginaires. Il porte en guise de talisman, une fleur d’hibiscus. L’homme cheval, belle crinière et longue queue mais vêtement d’arlequin a un corps d’homme (alors que le centaure, autre être hybride possède un corps de cheval à tête d’homme). Il fait allégeance à la déesse Minerve casquée, munie d’une lance et d’un bouclier, vêtement africain, debout sur ce qui ressemble à un caducée mais la tête des serpents se dirige vers le bas. Minerve avec sa lance tue le poète qui renait les yeux irradiés. Au-dessus de l’homme-cheval, une araignée tisse sa toile. Dans la mythologie grecque, elle est associée à Athéna (Minerve) qui a transformée sa rivale, la jeune Arachnée, talentueuse brodeuse, en araignée qui tisse sa toile.

A l’extrémité nord du transept, sur le mur d’entrée de la petite chapelle des fonds baptismaux une baie aux couleurs rose, mauve et bleus.

A gauche, une créature s’échappe de la fleur, tige florale à la main, bracelets sur le bras, vêtue de pétales de fleur. Encore des masques dans la lancette centrale, un homme-taureau au décor égyptien rappelle le minotaure. Il est surmonté d’un masque félin à la crinière abondante qui n’est pas sans évoquer la Bête dans le célèbre film de Cocteau La Belle et la Bête. Elle se transformera en prince charmant pour la Belle. A droite, trois splendides roses nouées par des rubans. La rose, symbole d’éternité, de régénération, et aussi justement élément déclencheur du terrible pacte dans le film.

 D’autres voient en la créature issue d’une fleur la renaissance de Hyacinthe. Aimé par Apollon dans la mythologie et tué par le retour d’un disque, il est métamorphosé en fleur.

M. Christian Schmitt, auteur de Mon ami Jean, est venu nous rejoindre et nous ouvre la petite chapelle. Il a réalisé un film-documentaire « Je décalque l’invisible » et nous présente une vidéo intéressante sur l’homme aux bras levés, geste traditionnel dans de nombreuses cultures qui signifie « j’ai atteint le ciel, je suis immortel ».

 

Les deux petites baies au fond de la chapelle laissent deviner des visages. Dans la première, deux têtes sont baissées tandis que dans la seconde deux profils sont face à face sous un soleil (serait-ce ses amis Jean Marais et Edouard Dermitt ?).  Ils surmontent un autoportrait de Cocteau coiffé du bicorne de l’académicien qu’il était devenu en 1955, et dont le vêtement rappelle aussi son cher arlequin. Ses yeux énigmatiques nous fixent, il est là, immortel !

 

Cocteau n’a pas eu le temps de prévoir les vitraux de la nef. Optant pour la simplicité, le maitre verrier munira les fenêtres de simples losanges pastel bleus et roses, s’harmonisant parfaitement aux entrelacs du maître. Il y ajoute des étoiles, fidèle au dessin que Cocteau utilisait dans sa signature.

Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.

Inspirés du cubisme, du surréalisme, les dessins simplifiés sont terriblement expressifs, les couleurs harmonieuses douces et dynamiques à la fois. Par le biais des civilisations anciennes, de la mythologie, des contes, … il célèbre la mort et la renaissance, l’immortalité. Ces magnifiques vitraux nous laissent perplexes par toutes les interprétations possibles. Ils donnent envie de revenir prendre le temps se plonger dans les univers multiples du poète-esthète par un jour ensoleillé.

 

Judicieuse suggestion de Marie-Laure, nous prolongeons la visite par l’exposition présentée à la porte des Allemands tout près de St Maximin. Organisée par le service du patrimoine de la ville de Metz, la première salle donne un aperçu de ses talents de dessinateur et de la constellation d’artistes contemporains qui rayonnait autour de lui.

Il avait écrit le texte du ballet Parade pour Diaghilev, musique d’Éric Satie, décors de Picasso. Il fréquentait des écrivains : Proust, Colette, J Genet…, des peintres : Duchamp, Buffet, … dans d’autres domaines : Coco Chanel, C. Trénet, E. Piaf, … sans oublier l’aide de son mécène F. Weisweiller. Il eut plusieurs liaisons sentimentales dont celle avec le comédien Jean Marais jusqu’en 1947 puis il partagea sa vie avec Edouard Dermit.

Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.

La deuxième salle expose justement des photos, lettres sur cette étonnante rencontre avec celui qui sera son dernier compagnon et deviendra son fils adoptif. Mineur de fer à Bouligny en Meuse, le jeune homme fasciné par la peinture, rencontre Cocteau au cours d’une visite de galerie à Paris en 1947. D’abord engagé comme jardinier, il participe aux activités artistiques puis « Doudou » entre dans la vie de Cocteau qui l’encourage à devenir « peintre du lundi et non du dimanche ». Il a poursuivi l’œuvre de Cocteau et repose auprès de lui à Milly la forêt. Après la mort de Cocteau, il s’est marié, et a eu deux enfants Jean et Orphée.

Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.
Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.
Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.
Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.
Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.
Quelques temps après la visite guidée des vitraux de Cocteau à St Maximin, le 14 décembre 2023.

Cette salle présente aussi les coulisses de Pelléas et Melissandre, pièce créée pour l’Opéra-théâtre de Metz (1960-62), musique de C. Debussy. Cocteau a dessiné les décors. La chaise d’Arkel, fabriquée plus tard par le ferronnier J.P. Hugon d’après le dessin de Cocteau, en 2 exemplaires pour J.Griesemer, assistant de Cocteau et pour  C. Schmitt.

 

La dernière partie présente la maquette à l’échelle du vitrail central de l’abside à st Maximin, carton réalisé par J. Dedieu. Après la mort de Cocteau, c’est J. Dedieu, Edouard Dermit et Michel Brière qui ont œuvré pour terminer les vitraux à partir des ébauches de l’artiste.

Maquette de la baie centrale des vitraux de l’abside de st Maximin, sur panneau isorel. Dessins préparatoires, feutre sur papier. 1961-63.

Visite passionnante, un grand merci à Marie-Laure pour sa disponibilité malgré les conditions un peu difficiles.

Prochaines rencontres avec LesArts57 :

L'exposition "LACAN : quand l'art rencontre la psychanalyse" au Centre Pompidou-Metz. (Complet).

« LES EXPOSITIONS IMPRESSIONNISTES A PARIS, 1874-1886 » présentée par Catherine BOURDIEU,

Le 8 février, 20 h, Centre Social Robert Henry à Longeville les Metz.

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15 novembre 2023 3 15 /11 /novembre /2023 11:34

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Encore une agréable soirée organisée par LesArts57 à Saulny, ce mardi 7 novembre et présentée par Laurent Commaille, Maître de conférences et chercheur en histoire contemporaine à l'Université de Lorraine, que nous retrouvons toujours avec plaisir. Nous étions 37 personnes à avoir bravé la pluie automnale pour découvrir ce sujet des faussaires dans la peinture.

Au lendemain de la conférence : « Le faussaire dans la peinture, entre technicité, psychisme et marché. » à Saulny, le 7 novembre 2023.Au lendemain de la conférence : « Le faussaire dans la peinture, entre technicité, psychisme et marché. » à Saulny, le 7 novembre 2023.

Après quelques mots d’accueil Martine rappelle la programmation à venir et le sujet de la rencontre : comment des faussaires, peintres talentueux au demeurant, ont-ils pu tromper leur monde ?

Vaste sujet que la question du faux dans la peinture. En observant ces deux œuvres, qui peut distinguer l’original de Bouguereau, L’Art et la Littérature, de sa copie  ?  Cette tête d’homme attribuée à Rembrandt, pose aussi question ! Si on agrandit l’image : les touches sont plus grosses que celles de l’artiste, et sans doute réalisées dans son atelier.

La question du faux démarre à la Renaissance lorsqu’on passe des peintures murales et des fresques à des œuvres transportables, reproductibles. Gravures sur bois, sur cuivre, permettent une diffusion abondante. Les artistes signent leurs œuvres donc identifiées. A partir de XIVe, le marché de l’art s’institue.

Dès 1511, Dürer interdit la copie de ses œuvres et menace de procès les faussaires. Pour limiter les faux, il appose systématiquement son pictogramme en bas, à droite.

 Début XVI e, le pape Clément VII, ne voulant pas céder au Duc de Mantoue, le tableau du Portrait de Léon X par Raphaël, en fait réaliser une copie par Andrea del Santo ! un faux commandé intentionnellement par un pape ! Michel-Ange a, lui aussi, réalisé des faux en enterrant des sculptures pour modifier leur aspect et faire croire à des statues antiques !

Rembrandt revient à la mode au XVIIIe, le premier catalogue, en 1836, recense 600 œuvres, et plus de 1000 en 1900 ! Le Rembrandt Research Project, en 1968, aboutit à 250 tableaux, puis remonte à 340, chiffre actuel. Il reste donc plus de 600 faux Rembrandt dans les collections publiques ou privées.

Au lendemain de la conférence : « Le faussaire dans la peinture, entre technicité, psychisme et marché. » à Saulny, le 7 novembre 2023.Au lendemain de la conférence : « Le faussaire dans la peinture, entre technicité, psychisme et marché. » à Saulny, le 7 novembre 2023.

Parfois la restauration d’une toile réserve des surprises : le musée conservant ce tableau, attribué à Sisley, décide de le faire nettoyer. Une fois les couleurs rafraichies, une toute autre signature apparait dans le talus. Paul Vogler, élève de Sisley, a pourtant réalisé une œuvre remarquable mais il n’a pu acquérir la même notoriété que son maître car lorsqu’il arrive sur le marché, le courant impressionniste est passé de mode.

Derrière les peintres de premier plan, de nombreux autres ont une cote faible alors qu’ils mériteraient davantage. Jean Jacques Henner, d’origine alsacienne, est une valeur sûre dans le catalogue Drouot mais peu connu du grand public, choix idéal pour les faussaires. Les œuvres de Jean Jacques Henner entre 1880 et 1905 apparaissent dans un catalogue raisonné, il est décédé en 1905. Il a réalisé de nombreux portraits féminins. Un de ses tableaux : Fabiola a disparu et pourtant il existe de nombreuses Fabiola sur le marché. On ne dispose que d’une photo en noir et blanc de la vraie Fabiola.

Sur le faux Henner, le visage reflète l’esthétique des années 1920 : les pommettes moins marquées, le menton un peu différent. Le projet Fabiola de l’artiste contemporain Francis Alÿs met en scène sa collection de copies du tableau.

Le « Projet Fabiola » Francis Alÿs (De Smedt), An Investigation.

Dans les années 1930, de faux Vermeer circulent en particulier le Souper à Emmaüs. Ils sont dus à un néerlandais : Van Meegeren photographié dans son atelier en 1945, un faux Vermeer derrière lui. Même si la facture est grossière, coloris, visages, pommettes… le public et les experts se sont laissés abuser.

Souper à Emmaüs --- Van Meegeren dans son atelier en 1945.

 

 

En Italie, à Sienne, il existe toute une compagnie de faussaires, Icilio Federico Ioni,  leur chef réalise, entre autres, un faux Ghirlandaio. La circulation de l’information, le développement des échanges, l’évolution des techniques bancaires, des transactions financières, et l’émergence des paradis fiscaux font des années 1960 à 2010 un véritable âge d’or pour les faussaires.

Éric Piedoie Le Tiec. (1953-2021).

 

Un des plus fameux, Éric Piedoie Le Tiec, surnommé le pirate de l’art, a réalisé des milliers de faux, dessins, peintures (Dufy, Chagall, Miro, Klein…), de nombreuses fausses compressions de César, davantage que le sculpteur lui -même !  Vie excessive qu’il assume, passage en prison, il décède en 2021 à la suite d’une agression pour lui voler sa montre (d’ailleurs fausse !).

Au lendemain de la conférence : « Le faussaire dans la peinture, entre technicité, psychisme et marché. » à Saulny, le 7 novembre 2023.

Dans un autre style, plutôt bonhomme tranquille, Guy Ribes est un grand faussaire lui aussi, auteur de faux Picasso, dont certains sont encore dans les musées.

Le célèbre Port de Collioure de Derain s’est aussi révélé être un faux après expertise. Il est l’œuvre de Wolfang Beltracchi, un des plus remarquable faussaire de notre époque. Avec Hélène, son épouse, ils furent surnommés les « Bonnie and Clyde de l’art ».

Tony Tetro, très doué lui aussi, pose près du faux Portrait de Gala, attribué à Dali. Il est l’auteur du faux Bouguereau, (première photo de l’article), celui de gauche, au coloris plus intense. Ce faux Rothko vendu 8,3 millions de dollars a été réalisé par Pei-shen Qian, quant à la Vénus au voile attribuée à Cranach, elle a été vendue au prince du Lichtenstein pour 7 millions d’euros. Vraisemblablement réalisée par Lino Frongia, l’œuvre a été saisie par la justice française en 2016, l’affaire est en cours.

Réaliser un faux nécessite tout un travail de préparation :

  • il faut bâtir la légende du tableau. Pour ce faire, un outil essentiel : le catalogue raisonné qui recensent les œuvres de l’artiste : exemple, celui de Max Ernst par Werner Spies.
  • Inventer un tableau non répertorié.
  • Le faire authentifier par un expert et/ou un proche de l’artiste. C’est d’autant plus facile que souvent l’entourage du peintre a participé à la réalisation des œuvres.

De nombreux faux Matisse sont dus à ses assistants. Bouguereau était, lui aussi, entouré d’assistants, chacun spécialisé dans une partie d’un nu. Le copain de Modigliani réalisait le tableau, lui le signait. Lorsque Fernand Léger est décédé, son épouse a continué à faire des Léger, aidée par ses assistants. Le Tiec fait signer des faux au cours de soirée, il a aussi profité de la succession difficile de César, après sa mort, pour faire authentifier un nombre considérable de compressions par sa veuve.

Les collections disparues, œuvres détruites pendant la guerre offre une opportunité dans laquelle s’engouffrent les faussaires. Il existe toute une section d’un département du gouvernement allemand qui travaille à la question de la restitution des œuvres aux familles.

Wolfgang Beltracchi créé des œuvres faisant croire qu’elles ont appartenu à Flechtheim, galeriste et collectionneur à Düsseldorf qui a contribué à faire connaitre les fauves et les expressionnistes. Alfred Flechtheim a quitté l’Allemagne en 1933, et est décédé sans héritiers en 1937. Il n’existe pas de catalogue ni de traces. Beltracchi invente une fausse étiquette vieillie pour authentifier certains de ses tableaux. Il réalise aussi une photo avec Hélène, sa femme, posant en grand-mère devant ses faux au mur !

 

La période comprise entre 1905 et 1950 est intéressante pour les faussaires « modernes classiques ».

  • Une partie des œuvres a disparu (guerres).
  • Les matériaux sont encore assez faciles à trouver, vieilles toiles sur les brocantes (nettoyées et peintes par-dessus), bois d’époque pour les châssis.
  • Facilité d’exécution.
  • Certaines œuvres ont nécessité de nombreux dessins préparatoires, il semble possible d’en ajouter un ou deux !  Le premier faux de Piedoie le Tiec est un dessin de Dufy sur un papier trempé dans du thé, passé au sèche-cheveux et vendu l’équivalent de 900 Euros.
  • Certains peintres ont réalisé parfois plusieurs versions d’une œuvre.

Fabriquer un faux nécessite tout un travail, d’abord s’imprégner de la personnalité du peintre, se mettre dans la peau de celui qu’il copie : Beltracchi s’est rendu plusieurs fois à Collioure pour essayer de ressentir ce que Derain pouvait voir, il a lu sa correspondance. Le faussaire se focalise sur quelques peintres de prédilection.

Ensuite préparer son atelier : pas d’élément moderne qu’on puisse retrouver dans l’œuvre. Une charlotte pour ne pas laisser de cheveux. Faire cuire la peinture pour provoquer des craquelures, les réenduire, faire croire à la poussière du temps… Les pigments ont changé : les blancs des années 20 étaient fabriqués à base d’oxyde de plomb, interdit à la vente, il faut les réaliser comme à l’époque. Van Meegeren a été formé aux vieux pigments à son école des beaux-arts.

Autre élément essentiel : le marchand d’art qui vend en toute connaissance de cause. Giuliano Ruffini impliqué dans l’affaire de la Vénus au voile aurait vendu pour 220 millions de dollars de faux. En Italie, il déclare un revenu d’agriculteur retraité de 6000 Euros annuels et est poursuivi par l’Etat italien pour fraude fiscale, et donc ne peut être extradé malgré la demande de la justice française.

 

 

 

 

Le port franc de Genève entrepose des œuvres d’art pour 100 milliards de dollars. En Suisse, il n’y a pas de droits de douane c’est un énorme avantage favorisant le blanchiment d’argent. Circuit idéal pour le commerce de faux.

La « chute ».

Fernand Legros, personnage de la jet set dans les années 70, a fait travailler des faussaires. Manipulateur, il a été démasqué puis arrêté. L’erreur fatale de Tony Tetro est d’avoir réalisé des doubles de tableaux existants. Van Meegeren a, lui, été pris dans un imbroglio historique qui a causé son arrestation. Accusé d’avoir vendu des tableaux du patrimoine national aux nazis, il a préféré se dénoncer lui-même affirmant qu’il avait voulu les berner.

Faux Campendonk réalisé par Betracchi, daté de 1913.  Le peintre expressionniste allemand Campendonk est décédé en 1957. Beltracchi avait acheté du blanc à l’ancienne sans se douter qu’il contenait une petite proportion de blanc de titane qui n ’est apparu qu’en 1920. De nos jours, les moyens d’analyse sont plus perfectionnés.

Dans l’affaire Pei-Shen Qian, auteur du faux Rothko, Sotheby’s s’est laissé abuser et l’a acheté 8,3 millions $ à la galerie Knoedler qui l’avait payé 950 000 $.  Le couple d’escrocs Diaz et Rosales vendaient les fausses toiles de Pei-Shen Qian. Ils l’ont proposé à Anna Freedmann qui espérait refaire une santé financière à la vieille galerie Knoedler. Cette vente avait bénéficié de la complicité d’experts qui auraient touché de grosses sommes pour authentifier les toiles.

Début des années 2000, un collectionneur veut acheter un Pollock à la galerie Knoedler (c’est un Pei-Shen Qian) et le fait analyser par l’IFAR (International Foundation for Art Research, fondée en 1969). Verdict en 2003 : c’est un faux, l’isorel de fond ne correspond pas aux œuvres de Pollock ainsi que certains pigments. D’autres doutes se font jour peu à peu. En 2013, Gloria Rosales est arrêtée. Pei-Shen Qian se réfugie en Chine qui refuse l’extradition. Anna Freedman s’en sort sans gros problèmes.

 

La psychologie des faussaires.

  • Ce sont souvent des personnes très douées aux talents « classiques », non reconnus : Le Tiec fut refusé à l’entrée des Beaux-Arts de Nice. On lui a reproché une facture trop académique !
  • Van Meegeren bénéficiait d’une certaine reconnaissance avant-guerre mais le monde de l’art a changé après la première guerre :  avant-gardes, de Stijl, Bauhaus, … son fort ressentiment et désir de revanche l’amènent à faire des faux.
  • La plupart des faussaires ont une origine modeste : le père de Beltracchi restaurait les églises, bénéficiait de logement social, celui de Guy Ribes était proxénète. Guy recopie les dessins chez les soyeux et les vend. Ils n’ont pas de réseau. C’est pour eux une revanche sociale.
  • L’amour de l’art : ils admirent les peintres qu’ils copient.
  • Le plaisir de berner les experts : un faux Beltracchi a fait la couverture d’un catalogue de chez Christie’s.
  • L’excitation du danger, ils cherchent inconsciemment à être démasqués et ainsi reconnus !
  • L’argent facile mais ils se font exploiter par les marchands.

Après la « chute », le flou dans la législation, le manque d’enthousiasme des plaignants amènent généralement à des peines de prison légères.  Sur 300 faux Beltracchi, il est en procès pour 30 œuvres, Le Tiec a réalisé des milliers de faux mais un procès ne peut avoir lieu que sur plainte. Fernand Legros avait inspiré confiance en vendant des œuvres authentiques, ensuite il glissait quelques faux. C’est l’ensemble d’un lot qui était expertisé, pas les œuvres une par une.

Certains artistes réalisent des copies et peuvent en vivre, mais sous leur nom, ce ne sont pas des faux !

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19 octobre 2023 4 19 /10 /octobre /2023 18:35

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Van Gogh, L'église d'Auvers-sur-Oise, vue du chevet. 1890. Orsay.

Belle soirée programmée par LesArts57 et Les Amis du Temple de Longeville-les-Metz en cette rentrée 2023. Jeudi 28 septembre, le sujet choisi est particulièrement attirant, et de plus, traité par Catherine BOURDIEU, maîtresse de conférences en histoire de l'art à l'Université de Lorraine. Par quelques mots d’accueil chaleureux, Martine remercie les 65 personnes présentes pour leur fidélité et trace le programme à venir.

Quelques temps après la conférence « Vincent VAN GOGH à Auvers-sur-Oise », le 28 septembre 2023, à Longeville-les-Metz.Quelques temps après la conférence « Vincent VAN GOGH à Auvers-sur-Oise », le 28 septembre 2023, à Longeville-les-Metz.

Le sujet choisi pour cette conférence fait écho à l’exposition « Van Gogh à Auvers-sur-Oise, les derniers mois. » au Musée d’Orsay, jusqu’au 4-02-2024.

Le 16 mai 1890, Vincent Van Gogh (1853-1890) sort de l’asile de St Rémy de Provence où il a passé un an à se soigner et peindre. Il séjourne trois jours à Paris pour voir son frère Théo. Sa peinture commence à être appréciée. Il avait envoyé à Théo de nombreux tableaux. Il a exposé au Salon des Indépendants à Paris en 1888, 1889, 1890 et au Salon des XX à Bruxelles. Un critique Gabriel-Albert Aurier  a publié un article majeur pour le peintre dans le Mercure de France en janvier 1890 : « éblouissement des saphirs ou des turquoises […] soufres infernaux, chauds, […] aveuglants, […] étrange nature à la fois vraie et quasiment supranaturelle […] œuvres intensives et fiévreuses de Vincent Van Gogh, ce compatriote et non indigne descendant des Vieux maîtres de Hollande. ». Théo lui conseille d’aller consulter un médecin qui soigne la mélancolie et réside à Auvers-sur-Oise.

 

Auvers-sur-Oise.

Située à 30 km de Paris, la petite ville compte 2000 habitants environ en 1891. Plusieurs peintres s’y sont installés : Charles-François Daubigny (1817-1878) en 1861, Cézanne en 1873, d’autres y ont séjourné : Pissarro, Daumier, Guillaumin …

Daubigny, Le village d’Auvers-sur-Oise. Coll. part. --- Cézanne, Vue d’Auvers, 1873.

Van Gogh arrive à Auvers le 20 mai 1890. Beaucoup d’éléments de sa vie sont connus grâce à sa correspondance surtout avec Théo. 24 lettres datent du séjour à Auvers.

Lettre 635 ; 20 mai 1890 : « réellement, c’est gravement beau, c’est de la pleine campagne caractéristique et pittoresque. »

Lettre 636 ; 21 mai 1890 : « et je m’aperçois déjà que cela m’a fait du bien d’aller dans le midi pour mieux voir le nord. Auvers est décidément fort beau. […] C’est très coloré ici. »

Le jardin de Daubigny – Hiroshima – Amsterdam - avec un chat bleu. Bâle.

Au cours des 71 jours qu’il passe à Auvers-sur-Oise, du 20 mai au 29 juillet 1890, il réalise 74 tableaux et 33 dessins. Il peint tous les jours.

Dr Gachet.

Paul Ferdinand Gachet (1828-1909), médecin, artiste, et collectionneur connait bien le milieu artistique parisien. Il a eu pour patients Cézanne, Corot, Daubigny, Daumier, Guillaumin, Manet, Renoir et la famille Pissarro. En 1872, il achète une maison à Auvers et partage son temps entre la capitale où il consulte et Auvers où il cultive ses plantes médicinales.

Cézanne, La Maison du docteur Gachet, v.1873. Orsay.

Il réalise des tableaux et gravures sous le pseudonyme de Paul van Ryssel.

Paul van RYSSEL, Vue du canal Saint-Martin. 1901. Louvre. --- Paul van Ryssel, Vesnots, Auvers-sur-Oise. 1895. Cleveland.

Le docteur invite souvent le peintre chez lui à déjeuner ou diner. Dans un des premiers tableaux réalisés dans son jardin, on y retrouve encore les formes tourbillonnantes présentes dans les tableaux de Provence. Le médecin lui propose aussi de s’essayer à la gravure, Van Gogh crée une seule eau forte, le 25 mai.

Dans le jardin du Dr Gachet --- L'homme à la pipe (Dr Gachet), MET.

 

Portrait du docteur Gachet avec branche de digitale (coll part). - Dürer, La Mélancolie.1514.MET. - Portrait du docteur Gachet, Orsay.

Portrait du docteur Gachet avec branche de digitale (coll part). - Dürer, La Mélancolie.1514.MET. - Portrait du docteur Gachet, Orsay.

Pour ces deux portraits, Van Gogh reprend la posture très connue de la Mélancolie de Dürer rappelant la spécialité du médecin. La première version (3 juin) le présente assis derrière une table, coiffé d’une casquette. Il soutient sa tête de la main droite. Sur la table, des livres et un vase contenant 2 branches de digitale pourprée, plante qui permet la fabrication de digitaline utilisée pour certaines pathologies cardiaques. Ces fleurs sont utilisées comme symbole de sa profession. Couleurs vives, contraste dynamique, les divers éléments du tableau sont précisément réalisés, pour chaque partie un fond coloré rehaussé de coups de pinceaux d’un ton différent qui illuminent le coloris général. Sur le visage, le traitement des ombres est assuré par des touches de vert. C’est le principe de la modulation qui veut que les ombres soient exprimées par des couleurs froides, du bleu, du mauve, du vert…

Dans la seconde version, le fond bleu est traité pour lui-même en touches épaisses, visibles. La table est plus grande, sans décor, en aplat rouge. Les livres ont disparu, la digitale n’est plus dans un vase mais posée près de la main du docteur. Le coloris du visage met en valeur l’harmonie bleue du tableau, relayée par la couleur des yeux.

Mademoiselle Gachet dans son jardin à Auvers-sur-Oise. Orsay. --- Mademoiselle Gachet au piano. Bâle.

Le docteur Gachet a deux enfants : Marguerite, 20 ans et Paul, 17 ans. Van Gogh peint Mademoiselle Gachet dans son jardin le 25 ou 26 juin. La jeune femme de détache en robe blanche dans le jardin luxuriant aux dominantes vertes, touche épaisse, nerveuse. Elle n’est pas reconnaissable, il s’agit davantage d’animer le jardin que de représenter un portrait. Le 26-27 juin, il réalise Mademoiselle Gachet au piano. Marguerite a posé pour le peintre, lorsque son père l’apprend, il interdit toute nouvelle séance de pose ne voulant pas qu’une amitié se développe entre eux. Début juillet, les deux hommes cessent de se fréquenter après une querelle au motif insignifiant.

L’auberge Ravoux.

 

A Auvers, Van Gogh est hébergé à l’auberge Ravoux, ancien Café de la mairie tenu par Gustave Ravoux. Le patron mettait à la disposition des peintres une salle pour entreposer les tableaux et même pour peindre, on aperçoit sur la photo au fond la porte qui y menait. L’auberge a subsisté, dans le toit se trouve toujours la petite fenêtre de la chambre du peintre.

 

D’autres peintres séjournent aussi dans l’auberge en particulier Anton Hirschig, néerlandais, 23 ans, nouvel arrivant lui aussi. Les deux hommes sympathisent. L’ainé Van Gogh donne des conseils techniques à son cadet. Hirsching réalise un portrait qui semble plus naturaliste et plus fidèle à la physionomie de Van Gogh que ses propres autoportraits dans lesquels il scrute ses tourments.

La fille de l’aubergiste Adeline Ravoux (1877-1965) a témoigné plus tard sur le quotidien de l’artiste. En général, il se levait tôt et passait toute sa matinée à travailler sur le motif c’est-à-dire en extérieur. Il déjeunait à l’auberge sauf les jours où il était chez le docteur Gachet. Certains tableaux ont été réalisés l’après-midi : L’église d’ Auvers par exempleIl dinait aussi à l’auberge le plus souvent et très ponctuellement, c’est pourquoi ils se sont inquiétés lorsqu’ils ne l’ont pas vu arriver le jour de son suicide.

Portrait d’Adeline Ravoux, coll. part. (pour 1 et 2) -- Portrait d’Adeline Ravoux, Cleveland.

Adeline apparait dans 3 portraits réalisés en juin 1890. Elle a expliqué avoir posé 5 ou 6 fois, Van Gogh parlait peu, fumait beaucoup sa pipe. Réalisé entre le 17 et le 21 juin, le premier portrait la représente assise sur une chaise, à mi-corps, de profil, version qui semble presque achevée. Le fond est composé de larges et longues touches parallèles. Le second peut-être peint d’après le premier, mais pas en présence du modèle. Sur le fond du troisième apparait un arbuste, un rosier peut-être, elle est représentée en buste de trois-quarts, costume identique mais de couleur différente.

 

 Auvers-sur-Oise.

« Il y a ici des toits de chaume moussus qui sont superbes et dont certainement je ferai quelque chose » écrit Van Gogh à sa sœur Willema, le 21 mai. Il réalise de nombreuses toiles de vues d’Auvers, chaumières, maisons bourgeoises fleuries sous des angles différents …Il adopte parfois le format du double carré où la largeur est le double de la hauteur.

Chaumières à Auvers-sur-Oise. L’Ermitage – Chaumières sur une colline. (0,502 x 1,003 m) Tata Britain.Marronniers en fleurs, Otterlo. Branches de Marronniers en fleurs, Zurich. Maisons à Auvers-sur-Oise. Ohio.
Chaumières à Auvers-sur-Oise. L’Ermitage – Chaumières sur une colline. (0,502 x 1,003 m) Tata Britain.Marronniers en fleurs, Otterlo. Branches de Marronniers en fleurs, Zurich. Maisons à Auvers-sur-Oise. Ohio.
Chaumières à Auvers-sur-Oise. L’Ermitage – Chaumières sur une colline. (0,502 x 1,003 m) Tata Britain.Marronniers en fleurs, Otterlo. Branches de Marronniers en fleurs, Zurich. Maisons à Auvers-sur-Oise. Ohio.
Chaumières à Auvers-sur-Oise. L’Ermitage – Chaumières sur une colline. (0,502 x 1,003 m) Tata Britain.Marronniers en fleurs, Otterlo. Branches de Marronniers en fleurs, Zurich. Maisons à Auvers-sur-Oise. Ohio.
Chaumières à Auvers-sur-Oise. L’Ermitage – Chaumières sur une colline. (0,502 x 1,003 m) Tata Britain.Marronniers en fleurs, Otterlo. Branches de Marronniers en fleurs, Zurich. Maisons à Auvers-sur-Oise. Ohio.

Chaumières à Auvers-sur-Oise. L’Ermitage – Chaumières sur une colline. (0,502 x 1,003 m) Tata Britain.Marronniers en fleurs, Otterlo. Branches de Marronniers en fleurs, Zurich. Maisons à Auvers-sur-Oise. Ohio.

La maison blanche est située près de l’auberge. Ce tableau emporté par l’armée soviétique pendant la seconde guerre fut considéré comme perdu. Il réapparut au musée de l’Ermitage en 1995. Des astronomes américains ont déterminé qu’il représente la planète Vénus dont la position exacte correspond au 16 juin à 8h du soir. C’était alors l’astre le plus brillant dans le ciel du mois de juin 1890. Le traitement du rayonnement autour de la planète évoque la technique utilisée à Saint-Rémy.

La maison blanche, de nuit. L‘Ermitage.

Un homme descend l’escalier, des femmes s’en vont par 2, vues de dos. La couche picturale moins épaisse laisse voir la trame à plusieurs endroits. Harmonie colorée fondée sur des tons jaunes et verts rehaussées par les ocres-rouges des toits. Cet escalier semble avoir subsisté au 8 rue de la Sansonne entre l’église et la maison de Daubigny.

L’escalier à Auvers, Saint-Louis, Missouri.

Vues actuelles d’Auvers : l’escalier, rue Sansonne, l’église, la mairie.

L'église d'Auvers-sur-Oise, vue du chevet.

L'église ND de l’Assomption d'Auvers, XVIII e, gothique sauf l’absidiole nord romane. Tableau mythique pour l’interprétation donnée par le peintre :

1. Les lignes sinueuses de l’architecture :  personne n’a de réelle explication sur ce dessin sinueux adopté pour les toitures, il en ressort une vibration particulière, comme si l’église s’animait. Etant donné que d’autres lignes, les verticales en particulier, sont nettement droites, il ne faut pas attribuer ce dessin à un tremblement de la main du peintre.

2. Le point de vue : le bâtiment est représenté vu d’en-bas, en contre-plongée, ce qui augmente sa masse et sa monumentalité.

3. L’éclairage : 3 moments de la journée semblent se succéder. La femme qui marche ne projette aucune ombre, semblant indiquer le zénith. L’église projette une ombre évoquant la fin de journée tandis que le ciel d’un bleu profond et foncé évoque le début de la nuit.

4. Le coloris :  intense, modelé par le soleil et par la touche.

 

 

  La mairie d'Auvers.

Fleurs.

Les bouquets rassemblent de simples fleurs des champs ou de jardin : coquelicots, bleuets, marguerites, chardons, roses, œillets… Les compositions sont simples et utilisent les formes géométriques des tables et des vases. Les couleurs franches et vives créent une harmonie dynamique renforcée par des épis de blés piqués çà et là. La couche picturale assez fine laisse apparaître la trame de la toile. La gamme colorée est plus douce pour les roses et les œillets.

Fleurs des Champs dans un vase. coll. part. - Nature morte. Vase aux roses roses. Washington. - Fleurs blanches et mauves dans un vase. coll. part.- Vase avec des fleurs et des chardons.
Fleurs des Champs dans un vase. coll. part. - Nature morte. Vase aux roses roses. Washington. - Fleurs blanches et mauves dans un vase. coll. part.- Vase avec des fleurs et des chardons.
Fleurs des Champs dans un vase. coll. part. - Nature morte. Vase aux roses roses. Washington. - Fleurs blanches et mauves dans un vase. coll. part.- Vase avec des fleurs et des chardons.
Fleurs des Champs dans un vase. coll. part. - Nature morte. Vase aux roses roses. Washington. - Fleurs blanches et mauves dans un vase. coll. part.- Vase avec des fleurs et des chardons.

Fleurs des Champs dans un vase. coll. part. - Nature morte. Vase aux roses roses. Washington. - Fleurs blanches et mauves dans un vase. coll. part.- Vase avec des fleurs et des chardons.

Portraits.

Van Gogh ne parvient pas à trouver facilement des modèles pour peindre des portraits pourtant c’était pour lui une source essentielle d’inspiration et une nécessité pour développer son art : « la seule chose en peinture qui m’émeut le plus profondément et me fait ressentir l’infini, plus que toute autre chose ». Seuls quelques familiers acceptent de poser pour lui : le Dr Gachet, sa fille Marguerite, Adeline Ravoux, des enfants et deux jeunes femmes non identifiées.

L’Enfant à l’orange. 51x50 cm. -- Portrait de jeune fille. 51 x 49 cm. -- Jeune fille en blanc. -- Jeune fille au chapeau de paille assise devant un champs de blé.
L’Enfant à l’orange. 51x50 cm. -- Portrait de jeune fille. 51 x 49 cm. -- Jeune fille en blanc. -- Jeune fille au chapeau de paille assise devant un champs de blé.
L’Enfant à l’orange. 51x50 cm. -- Portrait de jeune fille. 51 x 49 cm. -- Jeune fille en blanc. -- Jeune fille au chapeau de paille assise devant un champs de blé.
L’Enfant à l’orange. 51x50 cm. -- Portrait de jeune fille. 51 x 49 cm. -- Jeune fille en blanc. -- Jeune fille au chapeau de paille assise devant un champs de blé.

L’Enfant à l’orange. 51x50 cm. -- Portrait de jeune fille. 51 x 49 cm. -- Jeune fille en blanc. -- Jeune fille au chapeau de paille assise devant un champs de blé.

Les portraits s’appuient sur un dessin simplifié et certains sont réalisés sur des formats carrés. L’enfant Raoul, 3 ans est le fils du charpentier Levert, habitant près de la mairie. Le titre indique une orange mais il semble que ce soit probablement une balle qu'il tient dans ses mains. Pour la jeune fille au chapeau, il avait précisé dans une lettre du 24 juin qu’une « fille de la campagne » pourra peut-être poser pour lui et dans une lettre du 2 juillet, il envoie le dessin du tableau terminé.

Paysages.

Van Gogh peint 20 tableaux de paysages purs, sans aucune maison (ou seulement quelques-unes) en s’inspirant des alentours du village. Ces étendues désertes correspondent à la solitude vécue par le peintre.

Champs de blé près d’Auvers. 0,50 x1,01 m. Vienne – Vignes avec vue d’Auvers, Missouri. -- Champs de blé sous des nuages d’orage. 50 x1,01 m. Amsterdam.

 

Sous-bois, Cincinatti.

Dans une forêt, deux promeneurs, un homme et une femme, s’avancent vers le peintre, ils ne sont pas reconnaissables. Les peupliers représentés à mi-tronc structurent et cloisonnent le point de vue. Au sol, une prairie fleurie avec de hautes herbes. Coloris très réussi grâce à la modulation : les ombres froides d’un bleu franc sur les troncs gris clair cernés de noir. Les coups de pinceaux accentuent la verticalité de ces demi-troncs.

Paysages d’Auvers sous la pluie. 0,50 x 1,01 m. Cardiff. -- Hiroshige, Averse à Ohashi, le grand pont.

Van gogh aimait représenter la campagne pendant ou après la pluie. Ce tableau semble inspiré d’une estampe japonaise d’Utagawa Hiroshige. Van Gogh les collectionnait. Le paysage est structuré en strates superposées au coloris uniforme et le rideau de pluie masque les volumes.

Paysages d’Auvers après la pluie. Moscou.

Ce tableau est décrit par le peintre dans une lettre à sa sœur Willema : « De ces jours-ci, je travaille beaucoup et vite [...] Hier dans la pluie j’ai peint un grand paysage où l’on aperçoit des champs à perte de vue vus d’une hauteur, des verdures différentes, un champ de pommes de terre vert sombre, entre les plants réguliers, la terre grasse et violette, un champ de pois en fleur blanchissant à côté, un champ de luzerne à fleurs roses avec une figurine de faucheur, un champ d’herbe longue et mûre d’un ton fauve, puis des blés, des peupliers, une dernière ligne de collines bleues à l’horizon  au bas desquelles un train passe, laissant […] une immense traînée de blanche fumée. Une route blanche traverse la toile. Sur la route une petite voiture et des maisons blanches à toit rouge cru au bord de cette route. »

Champs de blé aux corbeaux. 0,505 x 1,005 m. Amsterdam. --- Site actuel à Auvers.

Longtemps présenté comme le dernier du peintre en raison de son atmosphère inquiétante : trois chemins divergeants, des nuages bleu très foncé, de nombreux corbeaux, et d’une touche nerveuse (mais répétitive et ordonnée, identique à la plupart de ses tableaux). 

Gerbes de blé. 0,50 x 1,01 m. Dallas.

Une lettre du 10 juillet donne des indices « … immenses étendues de blés sous des ciels troublés, et je ne me suis pas gêné pour exprimer de la tristesse, de la solitude extrême ».  Les blés ici ne sont pas moissonnés alors qu’ils sont mis en gerbes dans au moins 2 autres tableaux.

 

Les derniers jours.

Difficile de reconstituer les derniers jours du peintre à Auvers : lettres lacunaires et témoignages des gens qui l’ont cotoyé tardifs et parfois peu fiables. Mais son suicide ne semble pas pouvoir être remis en question :

 1. il avait déjà fait plusieurs tentatives.

2. il souffrait de crises de démence dont il avait très peur.

3. il savait son frère Théo atteint de la syphilis et ses jours comptés. (Il meurt 6 mois après Vincent).

 Le dernier tableau.

Racines d’arbres. 0,50 x 1 m. 27 juillet 1890. Amsterdam, musée Van Gogh.

Depuis l’exposition organisée pour le centenaire de sa mort en 1990, ce tableau est présenté comme le dernier réalisé par le peintre. (Louis van Tilborg, Ottelo, Pays-bas). En 2012, Louis van Tilborg et Bert Maes réalisent une analyse de l’œuvre pour le musée Van Gogh. Sur ce tableau au format en double carré qu’affectionnait Van Gogh, le sujet est difficile à distinguer : des racines ou des arbres ou les deux ? le traitement des formes et la touche annoncent l’abstraction et l’expressionisme allemand. C’est un sujet unique par le traitement en gros plan d’un taillis sur un talus.

Les différents spécialistes de van Gogh se sont interrogés à propos du site choisi comme modèle. Beaucoup peuvent correspondre mais la composition complexe et le temps nécessaire à sa réalisation ne permettaient pas d’envisager une distance trop lointaine de l’auberge Ravoux.

Pendant le premier confinement, Wouter van der Veen, directeur de l’institut Van Gogh d’Auvers-sur-Oise, classe des scans de cartes postales représentant divers sites d’Auvers. En répondant à un appel téléphonique, il regarde machinalement les cartes les unes après les autres et raconte : « Mon regard se fixa sur quelque chose que je n’osais pas voir. Je ne me souviens pas d’avoir raccroché. Mais je me souviens d’avoir fait apparaître le dernier tableau de Van Gogh à l’écran et d’avoir comparé des éléments les uns après les autres, cherchant fiévreusement à découvrir ce qui allait infirmer l’hypothèse vertigineuse et improbable qui se présenta devant mes yeux ébahis : les racines que je voyais semblaient être les Racines de Van Gogh, 20 ans plus tard. Ce qui signifiait que je savais soudainement où il avait passé sa dernière journée et qu’un mystère tenace de la fin de sa vie venait d’être levé ».

Photographie rue Daubigny, vers 1906.

A la fin du confinement, Wouter van der Veen part à la recherche de l’endroit exact : « je me rendis sur place où un miracle m’attendait : une souche monumentale, momifiée, couverte de lierre, trônait au bord du chemin à l’endroit identifié.

 

C’était la pièce centrale du tableau. Elle avait traversé le temps patiemment, discrètement, cachée à la vue de tous », à 150m de l’auberge Ravoux !

Auvers-sur-Oise, le côteau, 4 juin 2020.

Van Gogh utilisait les sites comme modèles, source d’inspiration mais ne les reproduisait jamais en les copiant ; il modifiait les formes, les perspectives, inventait des angles de vue parfois impossibles à retrouver…

Les propriétaires du terrain, d’abord incrédules, surent accueillir la nouvelle avec une élégance rare, et acceptèrent les mesures conservatoires qui s’imposaient pour protéger un morceau de bois, devenu en quelques semaines, un témoignage patrimonial exceptionnel. Autour des souches, la mairie a fait construire une palissade en bois avec une petite fenêtre permettant de les admirer.

Après une vie intense, une évolution constante et radicale de son style, une maturité atteinte dans les champs autour d’Auvers-sur-Oise, le peintre avait trouvé un sujet nouveau. Malheureusement, cette découverte ne lui donne pourtant aucun espoir, il meurt le 29 juillet 1890.

Passionnante et agréable séance comme toujours avec Catherine et jolie surprise finale.

 

Prochaine rencontre avec LesArts57 :

Mardi  7 novembre à 20 h salle Muller (dans la salle polyvalente de Saulny)

Le faussaire dans la peinture, entre technicité, psychisme et marché,

présentée par M. Laurent Commaille,

Maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Lorraine.

Inscription par mail : lesarts57@gmail.fr  ou tel : 03 87 32 05 03

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7 septembre 2023 4 07 /09 /septembre /2023 10:08

 

Ce jeudi 3 août, le ciel gris et menaçant n’a pas découragé les 20 personnes qui avait rendez-vous à l’office de tourisme pour la visite organisée par LesArts57 : la colonne de Merten et Metz antique.

 Tenant compte de la météo menaçante, Pierre, notre guide conférencier, propose un petit historique à l’abri dans la cathédrale puis une marche à pied dans la ville pour retrouver quelques emplacements et limites romaines jusqu’à la colonne de Merten et de terminer par la visite de la colonne originale au musée de la Cour d’Or.

La connaissance de Metz antique est lacunaire et les vestiges épars. La ville gallo-romaine semble avoir été la plus grande et la plus belle entre le Ier et le III e siècle après JC.

Les premières traces d’occupation humaine se situent sur la butte Ste Croix, à la confluence de la Moselle et de la Seille. Aux II e et I er siècles avant J.C., le site est occupé par le peuple celte des Médiomatriques. Ils installent leur oppidum sur la colline et le fortifie avec des pieux en bois. Leur territoire s’étend de la forêt d’Argonne jusqu’au-delà du Rhin.

A partir de la conquête de la Gaule par les Romains au I er s. avant J.C, la cité prendra le nom de Divodurum médiomatricorum. Au pied de la colline, se trouvait sans doute le forum. L’extension de la ville romaine autour de l’oppidum est favorisée aussi par sa position stratégique au croisement des voies de circulation N-S : Lyon-Trèves (le Cardo) et E-O : Mayence-Reims (le Decumanus). Les marchandises remontaient de la Méditerranée par le Rhône, puis le Rhin. Le précieux sel apporté par la Seille, puis la Moselle jusqu’au Rhin…

 

Un grand amphithéâtre a été redécouvert pendant l’occupation allemande au début du XX e s. entre le centre Pompidou et la gare actuelle.  Après le Colisée de Rome, c’était le plus grand en dehors des Alpes, ses 30.000 places le classe avant Trêves, (20 000) et Grand (17 000) !

Traversée par toutes les légions, la ville était déjà militaire. Des temples vénéraient des dieux et déesses d’origines diverses : Epona d’origine celtique, Cybèle, déesse orientale, Isis, d’origine égyptienne, … Plusieurs établissements thermaux répartis dans la ville étaient alimentés par l’aqueduc de Jouy aux arches et d’Ars sur Moselle, provenant de la source des bouillons de Gorze. L’endroit exact de son arrivée dans la ville reste encore une énigme. Aux Ier et II e siècles, Divodurum était prospère, commerçante, la population bigarrée, gauloise, romaine.

La cité subit les incursions des Alamans, des Germains au III e siècle. Pour s’en protéger, des remparts furent construits, (fin III e - début IV e) et la ville se rétrécit derrière la muraille. Au Ve siècle, dévastée par les Huns, (Attila en 451), il n’en restera que la chapelle St Etienne, actuelle crypte de la cathédrale.

Devant la cathédrale, place Jean XXIII, nous nous trouvons sans doute aux limites du forum. De grande taille, il couvrait la place st Jacques jusqu’au marché couvert. Les vestiges d’une maison carrée, d’un portique et des restes de structure évoquant des échoppes ont été retrouvés à proximité jusque sous le cinéma Ariel. Près de la Moselle, à l’intérieur des remparts, les vestiges d’un petit théâtre de 6000 places ont été découverts dans le sous-sol d’un immeuble privé, rue Ste Marie. La courbure de la rue épouse la forme des gradins.

Courbure de la rue Ste Marie épousant le tracé des gradins du théâtre romain – La Moselle à l’extrémité de la rue.

Le matin, les jeux dans l’amphithéâtre étaient consacrés à la chasse aux animaux sauvages, même exotiques :  ours, léopard …, tandis que l’après-midi était réservé aux gladiateurs. La belle mosaïque aux gladiateurs découverte place Coislin renseigne précisément sur les armes de ces super stars. Les spectacles eurent lieu jusqu’au milieu du IV e siècle. A la culture romaine succède avec une certaine continuité le règne des mérovingiens. Ils édifient leur palais à la cour d’or, se comportent comme les romains, utilisent les thermes, mangent allongés, …

 

Pierre nous conduit jusqu’à la place de la République. Du haut de ses 14,5 m, la colonne de Merten, se détache dans le ciel gris. Réinstallée depuis peu, rue Winston Churchill, dans l’axe de la rue Serpenoise, elle a été restaurée et déplacée de quelques mètres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est en creusant un puits dans son jardin, qu’un habitant de Merten découvre les nombreux fragments de la colonne dans une fosse, en 1878. Merten est un petit village situé à une quarantaine de km de Metz, près de la frontière allemande. Quelques temps plus tard, reconstituée en 4 morceaux par le sculpteur Dujardin, elle intègre les collections du musée de la ville de Metz.

Une réplique est réalisée en 1988 pour être installée à l’entrée de la rue Serpenoise. Le moulage à base de sable alsacien et de chaux restitue l’aspect originel.

A la base, sur le socle rectangulaire, les représentations de Minerve, Junon, Apollon et Hercule sont identifiables. Au-dessus, un tambour représentait les dieux des jours de la semaine : seuls quelques fragments sont visibles. Sur le chapiteau, les bustes des allégories des quatre saisons.

Apollon : lyre.--- Hercule : peau de lion, massue.---Minerve casquée, chouette.---Junon : diadème, sceptre.

Apollon : lyre.--- Hercule : peau de lion, massue.---Minerve casquée, chouette.---Junon : diadème, sceptre.

Au sommet le groupe de Jupiter : à cheval, il terrasse un géant anguipède, mi-homme, mi-serpent. Le Cavalier à l’Anguipède peut aussi être assimilé au dieu gaulois Taranis (ou Teutatis), maître de la foudre et des phénomènes naturels.  

 

Après avoir admiré la haute colonne de Merten, nous empruntons la rue Serpenoise, le cardo romain. Passés la place St Jacques, rue de Ladoucette, nous atteignons le carrefour « cardo – decumanus », croisement des voies romaines. La Fournirue, suit le tracé du decumanus.

 

La topographie exacte des lieux antiques comporte encore des incertitudes. Divodurum n’a pas un quadrillage orthonormé régulier comme les autres cités romaines, le tracé est supposé à certains endroits.

 

Divodurum au IIIe siècle. En rouge, l’aire urbanisée reconnue. DAO Julien Trapp, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.

 

La rue Taison, sans doute une des plus anciennes rues romaines, descendait de l’oppidum et arrivait au coin du forum. L’endroit se nommait Statio, les déformations successives sont à l’origine du nom Taison.

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle nous mène à l’actuel musée de la Cour d’or, emplacement du Palais mérovingien construit sur les thermes romains. Les murs romains sont bien visibles au sous-sol. Une vidéo visualise très bien l’évolution de la ville antique.

Le musée renferme une magnifique collection de monuments funéraires. Dans la tradition romaine, les défunts sont enterrés en dehors du centre urbanisé, le long des principales voies de communication. Les nécropoles de Divodurum s’étendent au sud, sur les territoires actuels du quartier du Sablon et de la commune de Montigny-lès-Metz. Les stèles funéraires permettent de se souvenir et nous renseignent bien sur la vie des habitants. Jolie stèle d’une femme médecin, d’un collecteur d’impôts assis sur une chaise en rotin, son livre de comptes, des vignerons, des pêcheurs, une étonnante scène : le repas des adultes et en-dessous le repas des enfants, un magasin de bijoux peut-être… jolis détails des attitudes, des drapés, du mobilier, des ornements, … d’autres stèles plus simples. Ces pierres étaient souvent utilisées en réemploi, tout comme celles de l’amphithéâtre, aussi réutilisées dans des constructions ultérieures.

Quelques temps après la visite guidée de Metz antique et la colonne de Merten, le 3 août 2023.
Quelques temps après la visite guidée de Metz antique et la colonne de Merten, le 3 août 2023.
Quelques temps après la visite guidée de Metz antique et la colonne de Merten, le 3 août 2023.
Quelques temps après la visite guidée de Metz antique et la colonne de Merten, le 3 août 2023.
Quelques temps après la visite guidée de Metz antique et la colonne de Merten, le 3 août 2023.
Quelques temps après la visite guidée de Metz antique et la colonne de Merten, le 3 août 2023.
Quelques temps après la visite guidée de Metz antique et la colonne de Merten, le 3 août 2023.

La petite salle cylindrique, dédiée à l’original de la colonne de Merten, le Cavalier à l’Anguipède, permet de mieux admirer, à hauteur d’homme, les différentes parties de la colonne en particulier le sommet. Elle est présentée en trois parties. Le plafond bleu nuit rappelle la voûte céleste, domaine de Jupiter. Le cheval cabré terrasse le géant, ses sabots sur la tête et l’épaule de son adversaire au torse masculin athlétique et partie inférieure serpentiforme … Le cavalier tient les rênes de sa monture dans la main gauche.

Le Cavalier à l'Anguipède, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.
Le Cavalier à l'Anguipède, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.
Le Cavalier à l'Anguipède, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.
Le Cavalier à l'Anguipède, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.

Le Cavalier à l'Anguipède, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.

Le chapiteau à feuilles de chêne ou de laurier, présente les visages des 4 saisons qui symbolisent le renouvellement du temps.

La base quadrangulaire comporte les bas-reliefs de Minerve, Junon, Apollon, et Hercule. Malgré les lacunes, les dieux et les fragments de leurs attributs sont identifiables en particulier les pattes de la chouette de Minerve. Le bloc octogonal, qui n’a malheureusement gardé que peu de vestiges, devait présenter les divinités de la semaine : la Lune pour le lundi, Mars le mardi, Mercure le mercredi, Jupiter le jeudi, Vénus le vendredi, Saturne le samedi, Apollon, symbole du soleil pour le dimanche ainsi qu’une hypothétique Victoire pour le 8 ème emplacement.

Socle aux quatre dieux et base octogonale, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.
Socle aux quatre dieux et base octogonale, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.
Socle aux quatre dieux et base octogonale, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.
Socle aux quatre dieux et base octogonale, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.
Socle aux quatre dieux et base octogonale, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.
Socle aux quatre dieux et base octogonale, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.

Socle aux quatre dieux et base octogonale, colonne de Merten, musée de la Cour d'Or, Metz.

On connait de nombreux exemples de colonnes retrouvées dans la grande région mais la hauteur de celle de Merten est exceptionnelle (12 m pour l’original). Certaines étaient situées en zone rurale, près de hameaux ou domaines agricoles et avaient peut-être un rôle protecteur. Pour d’autres, assez nombreuses, situées près du limes, dans la vallée du Rhin, c’était plutôt un Jupiter adversaire de la barbarie, repère pour les légionnaires.

Balade vraiment très intéressante et très agréable avec Pierre Liput, guide conférencier, sur les traces de la ville antique et redécouverte d’une pièce majeure du musée, devenue familière dans la vie quotidienne des Messins grâce à sa réplique.

 

Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :

le 28 septembre 2023, 20h, au Temple de Longeville-lès-Metz.

 Conférence « Vincent VAN GOGH à Auvers sur Oise »

 par Mme Catherine Bourdieu.

Inscription par mail ou par tél.

lesarts57@gmail.com    ou tél.   03 87 32 05 03 - 06 84 35 19 96

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7 août 2023 1 07 /08 /août /2023 14:44
Faïence de Lunéville, rafraichissoir à verres, vers 1770.

Samedi 17 juin 2023, la sortie annuelle organisée par LesArts57 va nous conduire à Lunéville. Parking de la salle polyvalente à Saulny, 7h28, le bus ronronne. Arnaud, notre chauffeur rappelle les consignes de sécurité puis Martine accueille chaleureusement les 27 participants à cette excursion préparée par Catherine. Au programme de la matinée deux expositions : Les faïences de Lunéville et La duchesse Elisabeth-Charlotte, épouse du duc Léopold de Lorraine. Après le repas, visite de deux édifices majeurs de la ville : la synagogue et l’église Saint-Jacques.

9h40, sous un soleil encore timide, le bus nous dépose face au château. Après avoir franchi le portail qui le sépare de la ville, nous pénétrons dans l’immense cour des communs bordée de longs bâtiments de service. La statue équestre du général Lassalle nous accueille, messin d’origine et mort à Wagram. Au fond, le bâtiment principal du château est percé par des arcades spectaculaires laissant entrevoir le ciel. Deux ailes latérales encadrent la cour d’honneur.

Situé sur la colline dominant la Vezouze, le château actuel a été rebâti sur l’emplacement d’anciens châteaux détruits, incendiés, reconstruits par les ducs de Lorraine depuis le XIIe siècle. En 1703, c’est le duc Léopold Ier, désireux de quitter Nancy, occupée par l’armée française, qui en initie la reconstruction pour y installer sa cour. Germain Boffrand, élève de J. Hardouin-Mansart, en sera un des principaux architectes. Lunéville devient ainsi “le petit Versailles lorrain”. A la mort de Léopold en 1729, son épouse Elisabeth-Charlotte, régente, occupe le château avant de céder la place à Stanislas Leszczynski en 1737.  Tous trois, instruits et amateurs d’art, ont su réunir architectes et artisans prestigieux, musiciens, écrivains (dont Voltaire) et artistes faisant de la cour de Lorraine une des plus brillantes d’Europe au XVIIIe siècle.

Passionnante comme toujours, Catherine s’attarde un peu sur l’architecture classique du bâtiment et son élégante sobriété. Deux niveaux d’élévation, alignement des ouvertures. Au fur et à mesure de l’approche, le portique original ouvre de plus en plus la vue sur des jardins à la française. Les arcades permettaient le passage des calèches et l’arrêt dans le vestibule à l’abri des intempéries. Aspect monumental par la triple arcature, la dimension des colonnes lisses dont le fût réunit les deux niveaux (ordre colossal), l’entablement et fronton triangulaire rappelant les temples antiques. Les chapiteaux des colonnes sont d’ordre composite : corinthiens (feuillages) et ioniques (volutes) et sur le fronton les armoiries de Stanislas : trophées d’armes et aigles impériaux. Le blason a été bûché à la révolution. Peu de sculptures sur les façades mais des mascarons de grande qualité réalisés par le sculpteur François Dumont.

Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.

Les bâtiments latéraux comportent un sous-bassement percé de soupiraux qui compense la pente, et un niveau supplémentaire aux petites fenêtres (l’attique).

A 10h, les deux groupes de 14 personnes se séparent pour visiter en alternance les expositions hébergées au château.

L’association des amis de la faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément présente, cette année, ses nouvelles acquisitions. Elle existe depuis 1998. Indépendante et active, elle œuvre pour conserver et faire connaitre le patrimoine ancien. Un travail de veille sur tous les sites d’art est effectué, l’association recherche des pièces de faïence emblématiques, originales. Certaines peuvent être achetées en fonction des disponibilités financières et du panel représentatif nous explique M. Levieuge, le président de l’association.

Lorsque le duc Léopold, revenu d’exil, réintègre ses terres en 1698, la Lorraine, zone de passage qui a subi guerres, épidémies…, est dévastée. Léopold veut relancer l’économie. A cette période, Louis XIV, pour renflouer les caisses de l’état, fait fondre la précieuse vaisselle d’or, d’argent et de vermeil. « Tout ce qu’il y a de grand se mit à la faïence » écrit Saint-Simon. Les ressources naturelles, l’argile, l’eau et les moulins, les forêts fournissant le bois pour les fours, sont propices à la création de faïenceries et de verreries.

L’histoire des manufactures de Lunéville et Saint Clément est liée à la famille Chambrette. En 1711, Jacques Chambrette, maître faïencier fonde la première faïencerie à Champigneulles, près de Nancy.

Lunéville, vers 1770.

Son fils, Jacques Chambrette s’installe à Lunéville et devient fournisseur de la cour. En 1730, il y crée la manufacture. La duchesse accorde des privilèges et effectue de nombreuses commandes pour le château. La manufacture prospère. Il s’attache à améliorer sa production en créant « la terre de pipe » qui permet un modelé plus fin se rapprochant davantage de la porcelaine. La faïencerie est élevée au rang de manufacture royale.

Saint - Clément, fin XVIIIe.

 

 

Le commerce entre le duché de lorraine et la France impose le paiement de taxes élevées. En 1758, il obtient l’autorisation d’installer une autre manufacture à Saint Clément, à 8 km de Lunéville mais en France. A sa mort, son fils Gabriel et son gendre maintiennent l’activité, puis les deux manufactures évoluent séparément.

 

 

 

Pièce remarquable : vase de jardin en faux marbre, vers 1770. Il provient du château de Lunéville. C’est un des deux seuls exemplaires sauvés des destructions ordonnées par Louis XV, après la mort de Stanislas.

En 1832, elles sont à nouveau réunies sous le nom de Keller et Guérin. Innovations techniques, arrivée du chemin de fer, de l’électricité, des grands magasins, la marque KG est déposée en 1879. Dynamisme encore accru par l’arrivée des ouvriers de la faïencerie de Sarreguemines après l’annexion. En 1923, Edouard Fenal (faïencerie de Badonviller) devient propriétaire de Lunéville - St Clément. Après de nombreux changements, la manufacture, mise en liquidation, est finalement reprise par le groupe Emaux et Mosaïque de Briare en 2012.

La création d’une pièce s’effectue à partir d’argile malaxée. La pâte obtenue est formée à l’aide d’un tour ou dans un moule en plâtre. Cuisson pendant 3 jours à 1000°, 3 autres jours sont nécessaires pour le refroidissement, on obtient un biscuit blanc, poreux qu’il faut émailler en trempant dans un mélange à base de silice et d’alumine.

Lunéville, vers 1770.

 

Peindre les décors et recuire à 1000 ° nécessitent encore une semaine. Les couleurs à base d’oxyde de métal n’ont pas tous le même point de fusion, le rouge fond à 700° et coule plus vite. Une solution consiste à peindre le décor sur le biscuit déjà émaillé, puis opérer une 3e cuisson à « petit feu » (à 650°). Pour les rehauts d’or, une 4e cuisson sera nécessaire. A partir des années 1750 environ, les décors de Lunéville à dominante rouge, sont cuits par réverbération dans un four voûté (pas de contact avec la flamme) : c’est l’emblématique série Réverbère : roses, tulipes, motifs chinois…

Au XVIIIe, les pièces produites s’inspirent de l’orfèvrerie, de faux marbre, de la Rocaille (jardinières et statuettes de Cyfflé), de décor chinois, de tulipes et roses pour la série Réverbère. Au XIXe, Auguste Majorelle y fait son apprentissage.

A la fin du siècle, l’époque japonisante, l’Art nouveau puis l’Art déco influencent la production. Des artistes de renom participent aux ateliers : Maurice Ravinel, Alfred Renaudin dont certains motifs sont si fins qu’il les réalise avec un pinceau à un poil !!!, Louis Majorelle, Ernest Bussière, Emile Gallé… de la future Ecole de Nancy pour l’Art nouveau, les frères Mougin pour l’Art déco.

St-Clément, Gallé, service Egoïste - Vol de corbeaux, vers 1890 - Lunéville, Paire de lions, Majorelle, fin 19e.

Enthousiaste, M Levieuge ajoutait des précisions intéressantes et nous faisait découvrir des objets curieux : rafraichissoirs pour les verres, pots à oignons : jacinthes ou tulipes (denrée rare et coûteuse), plats à barbe, pièce destinée à une personne nommément …

 

L’autre exposition concerne la duchesse Elisabeth-Charlotte d’Orléans, épouse du duc Léopold de Lorraine, figure marquante de l’histoire du château de Lunéville.

Fille de Philippe d’Orléans, Monsieur, frère de Louis XIV et de la princesse Palatine Elizabeth-Charlotte de Bavière, elle est donc la nièce de Louis XIV. Elle naît à Saint-Cloud en 1676 et grandit à la cour de France. Ayant reçu une solide éducation par sa mère, elle est appréciée pour ses qualités morales. Elle danse bien, mène « à toute bride » des promenades à cheval, se soumet aux obligations publiques avec une majesté naturelle.

Portrait d’Elizabeth Charlotte dérobant ses armes à l’Amour, attribué à Pierre Gobert, vers 1698, Nancy, Musée lorrain.

Son mariage est une affaire politique. Après des années de guerre, Louis XIV signe, en 1697, la Paix de Ryswick et restitue les duchés de Lorraine et de Bar au duc Léopold 1er qui revient d’exil (Innsbruck). Le mariage a lieu en 1698, les époux entrent solennellement à Nancy. Une bonne entente règne entre eux.

Portrait de Léopold Ier, duc de Lorraine et de Bar. Attribué à Nicolas Dupuy, vers 1700.

La croix de Lorraine, les alérions brodés sur le manteau doublé d’hermine, le collier de la Toison d’or, ce portrait rassemble les symboles du pouvoir.

Des 14 enfants, quatre seulement parviendront à l’âge adulte.  La duchesse s’investit avec beaucoup d’attention dans l’éducation de ses enfants. Ils vont connaitre un destin européen.

Francois-Etienne sera élu empereur du Saint-Empire romain Germanique sous le nom de Francois Ier. Charles-Alexandre sera gouverneur des Pays-Bas autrichiens. Elisabeth-Thérèse épousera Charles-Emmanuel III, et deviendra reine de Sardaigne. Anne-Charlotte sera élue abbesse de Remiremont puis de Mons.

Esquisse pour un portrait de la famille ducale de Lorraine, J. van Schuppen, vers 1715.

Elisabeth Charlotte possède un sens inné du confort. En 1705, elle demande que son appartement de Lunéville soit équipé d’une « machine à servir à manger ». Le menuisier F. Parmentier réalise un plateau qui monte et descend au travers du sol. Les plats apparaissent de façon spectaculaire sans domestique apparent. Les « tables volantes » connaissent un grand succès en Europe au XVIII e, mais la duchesse compte parmi les pionnières de cet équipement très moderne.

Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.

Gastronome, elle n’hésite pas à cuisiner elle-même et partage avec son époux les plaisirs de la table. De sa jeunesse à la cour de France, elle a aussi gardé goût des belles étoffes, et fait installer un atelier de tapisserie, et même un élevage de vers à soie. Elle commande aux meilleurs artisans : orfèvre, ébéniste, bronzier, … des meubles, commodes, coffrets en marqueterie. L’ébéniste parisien Guillemard livre en 1716 des commodes en marqueterie réalisées suivant la technique Boulle.

La duchesse joue de la guitare, se passionne pour l’opéra. Léopold fait construire à Nancy, près du palais ducal, une salle de spectacle commandée à l’architecte italien Francesco Bibiena et inaugurée en 1709. Les fêtes sont nombreuses à la cour de Lorraine, spectacles de concerts, d’opéras, de ballets, farces italiennes, représentations théâtrales, visites de souverain. Le couple ducal souhaite créer un environnement culturel brillant et invite des artistes parisiens, italiens, musiciens, peintres, écrivains. A Lunéville, les spectacles se tenaient sur des tréteaux dans les jardins, Elisabeth Charlotte fait construire un petit théâtre pérenne. Le surintendant Henry Desmarets formé à Versailles, dirige la partie musicale, travaille sur des pièces de Lully.

Mariage princier au château, Claude Jacquart, vers 1721.

Si elle encourage les métiers d’arts, elle a aussi un réel sens politique, et assume aux côtés de son époux de nombreuses obligations. Leur fils ainé François est envoyé à Vienne pour parfaire sa formation. A la mort de Léopold en 1729, elle se fait octroyer la Régence, prépare le retour de son fils et sa reprise en main des affaires. Mais en 1731, le nouveau duc François III quitte Lunéville pour épouser Marie-Thérèse de Habsbourg, fille de l’empereur Charles VI. Ils seront les parents de Marie-Antoinette, future reine de France. A nouveau Régente, elle défend avec vigueur le duché mais ne parvient pas à contrer les ambitions de La France qui impose l’installation de Stanislas Leszczynski, roi de Pologne détrôné, beau-père de Louis XV, en 1737. C’est dans les larmes qu’elle s’installe au château de Commercy et fait embellir la ville. Elle y meurt en 1744.

Il ne reste que peu de vestiges des œuvres réalisées pour le duc et la duchesse. François en quittant le duché emporte le décor de l’opéra, la bibliothèque, la collection de médailles. Stanislas réalise de nombreuses transformations, et Louis XV opère de nombreuses destructions après la mort de Stanislas.

 

 

Le bus nous attend pour nous conduire au restaurant Les Bosquets. Déjeuner convivial sur la terrasse à l’ombre des parasols.

Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.

14h30, petite marche dans la ville, pour nous rendre à la Synagogue qui fut la première à être édifiée dans le royaume de France en 1786, à l’initiative d’Abraham Isaac Brisac qui obtint l’autorisation de Louis XVI. Le culte juif n’était alors que toléré, l’édifice dut être placé en retrait de la voie publique, derrière 2 maisons.

 

La façade recouverte d’un placage en grès rose des Vosges s’inscrit dans la tradition architecturale lorraine. Une opulente guirlande de pampres de vigne décore le second niveau.

Une porte des enfants existait sur le côté. Murée, il en reste l’encadrement. Pour ne pas interdire la présence des enfants qui risquaient de perturber l’office, un petit banc et une porte de sortie leur étaient réservés.

Classée Monuments historiques, la synagogue a échappé à trois destructions.

Nous sommes accueillis par un sympathique membre de la communauté.

 

 

L’intérieur est très clarteux grâce aux vitraux en verre de Baccarat. Une verrerie existait à Baccarat avant la cristallerie. Une élégante galerie est réservée aux femmes.

Il nous rappelle quelques fondamentaux : les alliances successives entre Dieu et l’Homme :

  • Adam et Eve : au jardin d’Eden, arbre de la connaissance.
  • Noé : arche, arc en ciel, 7 lois noahides.
  • Abraham : monothéisme, eut 2 enfants : Isaac et Ismaël. Fils d’Isaac, Jacob est à l’origine des 12 tribus d’Israël tandis que son frère Esaü générera la branche chrétienne. Ismaël sera à l’origine de l’islam.
  • Moïse reçoit les tables de la loi au mont Sinaï, les 10 commandements.

L’Alliance peut être renouvelée pour chaque enfant juif à 13 ans, lors de la cérémonie de Bar Mitsvah (ou Bat Mitsvah pour une fille). Un juif pieux doit respecter 613 mitsvoth (règles). La présence de dix hommes priant ensemble suffit pour ” faire synagogue”. Les prières ont lieu trois fois par jour, et la lecture de la Torah trois fois par semaine.

Le livre de la Torah (la Bible, l’ancien testament) est le « Sefer Torah ». C’est un manuscrit en hébreu biblique, dont la fabrication et la rédaction répondent à des règles immuables et très strictes. Enroulé sur deux supports, il est souvent très ouvragé et recouvert d’un manteau richement brodé. Le Sefer Torah repose dans l’Arche sainte dont le mur est tourné vers Jérusalem. Devant se trouve l’estrade où prend place le lecteur de la Torah. Déroulé à droite et enroulé à gauche, il suit le texte avec une main. Notre hôte peut nous montrer un livre de la Torah déclassé.

 

Le Rabin, en prière avant notre arrivée, accepte de dire quelques mots. Il rappelle les 7 lois noaîques, traçant un chemin de vie aux valeurs universelles.

16h, il nous faut quitter notre sympathique orateur qui avait généreusement prévu des boissons rafraichissantes en cette chaude journée pour nous rendre à la dernière visite. Un petit quart d’heure de marche nous amène derrière l’hôtel de ville où se dresse l’impressionnante l’église St Jacques.

Début XVIIIe, le duc Léopold s’installe à Lunéville et transforme la ville, devenue capitale de Lorraine.

L’église est édifiée à l’emplacement de l’abbatiale St Rémy à partir de 1730. Le premier niveau plutôt néoclassique est construit d’après les plans de Nicolas Jennesson. La façade, soulignée par un avant-corps aux colonnes jumelées, lisses, et fût bombé présente un ordre colossal ionique. La porte surmontée d’un fronton courbe est ornée d’un médaillon. Faute de moyens financiers, les travaux subissent de longues périodes d’arrêt. Stanislas finance son achèvement et confie le projet à son architecte Emmanuel Héré. De style baroque, le deuxième niveau se compose des deux hautes tours, coiffées de lanternons. Surmontées des statues de St Michel et St Jean, elles culminent à 58m ! Au-dessus du fronton, l’imposant groupe de l’horloge, fut érigé aux frais des habitants. L’église est consacrée en 1745.

Groupe de l’horloge sculpté par J. Béchamp.

 

 

Les dimensions imposantes de l’extérieur se retrouvent aussi dans la vaste nef-halle intérieure composée de trois vaisseaux. (Hauteur 19m, largeur16m) ! Les grandes fenêtres en verre blanc, incérées entre les piles des bas-côtés, apportent un maximum de lumière. Etonnant aussi, le badigeon « jaune Marie-Thérèse » (de Marie Thérèse d’Autriche) choisi par Stanislas. Au fond, transept et chœur forment un ensemble de 3 absides à peu près identiques.

 

Six colonnes ioniques bordent le vaisseau central, leur fut bombé améliore l’effet optique de la perspective en les faisant paraitre rectilignes. Les vaisseaux voûtés sont soutenus par des arcs-doubleaux peint en jaune, sur chapiteaux baroques blancs.

La croisée du transept, remarquable elle aussi, de forme carrée est surmontée d’une coupole. Aux 4 coins, des triangles de maçonnerie concaves permettent le passage de la forme carrée au cercle, ce sont les pendentifs. Les sculptures foisonnantes des 4 évangélistes, St Mathieu (ange), St Luc (bœuf), St Marc (lion)et St Jean (aigle). Des médaillons honorant Stanislas sont représentés.

Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.

Les belles boiseries de la chaire à prêcher, du chœur et de la porte d’entrée sont signées François Vallier. En bois ciré (et non plus doré), elles participent à l’harmonie subtile, soignée et douce de l’ensemble et témoignent du goût du roi pour le baroque d’Europe centrale.   

 

Au XVIII e, les vitraux en verre blanc répondaient à la demande des clercs souhaitant davantage de lumière dans les églises pour lire la Bible ou leur bréviaire. Seule une frise au bord du vitrail pouvait bénéficier d’un décor plus travaillé : fleurs, coquilles, rinceaux… Mais au XIX e, la lumière fut jugée trop intense pour favoriser prière et recueillement ! La pratique des vitraux colorés figuratifs revint au goût du jour. Dans le chœur, deux vitraux de Laurent Maréchal (XIX e) sont consacrés à la vocation et l’arrestation de saint Jacques.

 

 

Une pietà en bois polychrome du XVe, la dalle noire signalant la sépulture d’Emilie du Chatelet, femme de lettres et de sciences ainsi que le monument funéraire ayant contenu les entrailles de Stanislas figurent aussi dans l’église.

L’heure tourne, Catherine n’a plus le temps d’aborder les œuvres peintes, mais privilégie la magnifique tribune et son buffet d’orgue remarquable, conçus par Emmanuel Héré et réalisé autour de 1750, par le facteur d’orgues nancéien Nicolas Dupont.

Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.
Quelques temps après la sortie à Lunéville, le 17 juin 2023.

Exemple rarissime de buffet d’orgue sans tuyaux apparents, les 3880 tuyaux sont dissimulés derrière un décor de théâtre peint en trompe-l’œil. La fresque représente L’Entrée au Paradis. Sur la balustrade des anges musiciens et les armoiries de Stanislas. De style purement baroque, c’est une œuvre unique en Europe. Le buffet a été restauré en 1991, l’instrument dut être reconstruit et fut inauguré en 2003.

Superbe journée dont le programme riche et varié, concocté par Catherine, a permis de belles découvertes.

LesArts57, l'équipe du C.A. au complet.

 

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21 juin 2023 3 21 /06 /juin /2023 10:05

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Claude Monet, Autoportrait au bérêt. 1886. Coll. part.

Jeudi 1er juin, 20h, cette nouvelle rencontre est organisée par LesArts57 dans la très jolie salle du Château Fabert de Moulins.  Présentée par Jean-Yves Bègue, elle réunit 96 personnes.

Amateur d’art éclairé, médecin et élu de la ville, il souhaite partager avec simplicité et décontraction son intérêt pour l’art avec ses amis et connaissances qu’il remercie chaleureusement de leur présence. Difficile de sortir des sentiers battus pour ce thème, il va s’efforcer de livrer les impressions d’un ami des impressionnistes.

Impression, soleil levant, 1872, musée Marmottan.

 

C’est bien la célèbre toile de Monet « Impression, Soleil levant » présentée dans une salle du photographe Nadar, en avril 1874, lors d’une exposition qui est à l’origine du nom de ce courant artistique. Objet de l’ironie et même de la raillerie de certains critiques se disant « … impressionnés …par ces impressionnistes… », la toile est jugée au mieux inachevée (trame blanche de la toile visible et pourtant si importante pour créer des reflets) au pire bâclée.

Dans ce XIX e siècle d’abord néo-classique et romantique, puis naturaliste, les artistes cherchent d’autres voies. Les peintres paysagistes (Corot, Turner), les peintres de Barbizon qui travaillent en plein air vont permettre l’émergence de ces artistes qui essaient de saisir les variations de lumière et attachent plus d’importance à la sensation produite.  Monet, Renoir, Pissarro, Sisley et d’autres adoptent finalement ce terme d’impressionnistes pour désigner leur groupe. Si Manet n’a jamais voulu en faire partie, il leur a ouvert la voie avec ses grands aplats colorés rapides sur des compositions réfléchies et des formes cependant bien dessinées.

Claude Monet naît à Paris, non loin de Notre-Dame, en 1840. Adolphe Monet, son père est dans le commerce. 5 ans plus tard, la famille s’installe au Havre. A 16 ans, il perd sa mère, épreuve douloureuse. Il commence à caricaturer les personnalités havraises qu’il expose dans la boutique d’un encadreur. Ses croquis retiennent l'attention d'Eugène Boudin qui l'initie à la peinture.

Eugène Boudin. Ciel, Nuages blancs sur l'estuaire, 1854-60. --- La Plage de Trouville, l'impératrice Eugénie, 1863.

Eugène Boudin. Ciel, Nuages blancs sur l'estuaire, 1854-60. --- La Plage de Trouville, l'impératrice Eugénie, 1863.

Il l’accompagne souvent sur la côte normande. Eugène Boudin, de 16 ans son aîné, reconnu pour ses très beaux ciels et ses plages animées, l’initie à la peinture en plein air et « à exercer son œil à saisir le sujet dans la lumière ! ». Sous le Second Empire, l’essor des chemins de fer favorise la mode des bains de mer. Les touches légères, les figures aux robes colorées sur la plage de Trouville apportent beaucoup de vie devant le vaste paysage marin. Composition bien encadrée par les bâtisses et le réverbère moderne. On retrouvera des similitudes des personnages sur le banc dans les toiles de Monet.

Terrasse à Sainte-Adresse, 1868, New York.
L’Hôtel des roches noires à Trouville.

 

Le vent anime drapeaux et fumées des bateaux  à vapeur à l’horizon. Contours flous, l’atmosphère venteuse est suggérée avec beaucoup de réussite.

Claude Monet, La Grenouillère, 1869, New York, USA. --- Pierre-Auguste Renoir, La Grenouillère, Nationalmuseum, Stockholm, Suède.

Claude Monet, La Grenouillère, 1869, New York, USA. --- Pierre-Auguste Renoir, La Grenouillère, Nationalmuseum, Stockholm, Suède.

Fascinés par l’eau et la lumière, Monet et Renoir travaillent souvent ensemble dans des endroits pittoresques, ici, La Grenouillère, lieu de loisirs des Parisiens. Les petites touches bien visibles font vibrer les reflets de l’eau, celles de l’arrière-plan plus diffuses les mettent bien en valeur. Si Monet représente les personnages à coups de pinceau rapides, Renoir s’attache davantage à capter la lumière sur les toilettes élégantes. Dans les deux cas, les couleurs créent les formes.

Lors de la guerre de 1870, Monet se réfugie à Londres. Les œuvres de Turner admirées avec son ami Pissarro, le brouillard qui enveloppe tout, font évoluer sa pratique. La brume ambiante qui diffuse la lumière de manière différente l’intéresse. Elle modifie la perception du paysage.

 

Jean-Yves  choisit d’étudier un à un les différents éléments de prédilection de Monet.

Le Soleil.

William Turner, Coucher de soleil écarlate, 1830-40, Aquarelle et gouache sur papier bleu, 13,4x18,9, Londres, Tate.

Impression, soleil levant, 1872, musée Marmottan.

Si célèbre, cette toile a été peinte au Havre de la fenêtre d’un hôtel où Monet séjournait.  Dans la brume matinale, la masse des bateaux de l’avant-port est reconnaissable, les cheminées fument. Les tons gris-bleutés sont réchauffés par les nuances orange du soleil qui se lève. Les touches sont libres, rapides, divisées, différentes dans le ciel et l’eau. Des barques aux silhouettes de marins esquissées, témoignent de l’activité portuaire qui commence. L’épaisseur de la matière picturale varie. Très fine par endroits, elle laisse apparaitre la trame, détail essentiel pour Monet. Seul le disque du soleil qui va vite se lever sur l’horizon, a une forme achevée et aboutie. Il contraste avec le reste, attire le regard immédiatement, et donne tout son sens au tableau.

Monet, Etretat, Coucher de soleil, 1883 ---  Coucher de soleil à Venise.

Monet, Etretat, Coucher de soleil, 1883 --- Coucher de soleil à Venise.

 

 

La Nuit.

 

Claude Monet, Marine, navigation au clair de lune, 1864.

Le Port du Havre, effet de nuit.1873, coll part.

 

Etonnant tableau :  bleu sombre identique pour le ciel et l’eau et pourtant on les différencie bien. Les touches plus longues et diffuses dans le ciel, plus courtes sur l’eau, sont réchauffées par quelques points lumineux rouges. Ceux des becs de gaz alignés du port du Havre soulignent l’horizon tandis que les reflets des lanternes entre les bateaux esquissés rapidement découpent leurs silhouettes.

 

 

 

Monet effectue tardivement un voyage à Venise en 1908. Il y trouve matière à explorer l'incroyable jeu de l'eau, de la lumière et de l'architecture. Cadrage peu conventionnel qui ne représente que la partie basse du palais et où l’eau occupe la moitié de la toile.

L’eau.

Surnommé le peintre de l’eau, il a, toute sa vie, essayé de capter et représenter les reflets changeants des variations de lumière qui le fascinent. Pour être au plus près, il se fait même construire un bateau - atelier et navigue sur le bassin d’Argenteuil et les berges de la Seine.

Edouard Manet, Claude Monet peignant dans son atelier, 1874, Neue Pinakothek, Munich. -- Claude Monet, le Bateau Atelier, 1874. Otterlo.

Edouard Manet, Claude Monet peignant dans son atelier, 1874, Neue Pinakothek, Munich. -- Claude Monet, le Bateau Atelier, 1874. Otterlo.

Etretat, Mer agitée, 1883, Lyon.

 

En admirant cette toile, « l’impression est forte », les vagues déchainées se fracassent sur les rochers. Les touches rapides, saccadées, courbes de la houle contrastent avec celles horizontales, alignées de la falaise et celles obliques, plus diffuses du ciel. Coloris bleu, jaune et vert qui se retrouve aussi dans les ombres. Sur la plage, des silhouettes de pêcheurs, impuissants devant la force des éléments si bien rendue…

Monet peint par tous les temps, en toute saison. Des grains de sable sont même visibles dans certains de ses tableaux peints à Etretat !

Les Rochers de Belle-Île, la côte sauvage. 1886.

Les Rochers de Belle-Île, la côte sauvage. 1886.

La Charrette. Route sous la neige à Honfleur. 1867.

Effet de neige.

Monet brave les rigueurs du climat pour saisir les mille et une nuances du manteau blanc. La neige n’est pas seulement d’un blanc laiteux, il y introduit des couleurs ainsi que dans les zones d’ombre, ce qui lui donne de l’éclat et plus de luminosité. « Le blanc n’est pas une couleur par lui-même, il est le contenant de toutes les couleurs. »

La Pie, 1868-69, Musée d’Orsay.

Magnifique paysage d’hiver peint sur le motif, dans la région d’Etretat. Il donne la sensation d’un moment fugitif. Si l’exécution est rapide, la composition est cependant rigoureuse. Les lignes obliques et la diminution de l’échelle des arbres donnent la profondeur et traduisent leur éloignement. La touche libre, apparente, avec des empâtements produit beaucoup de relief. Les nuances de blanc de la neige sous le soleil, les ombres colorées rendent ce tableau très lumineux. Sur un portillon en bois rudimentaire, la pie s’est posée, elle créée l’impression d’un moment éphémère et fugace.

Le Train dans la neige. La locomotive. 1875. Paris, musée Marmottan. --- La Débâcle, temps gris, 1880, Lisbonne.

Le Train dans la neige. La locomotive. 1875. Paris, musée Marmottan. --- La Débâcle, temps gris, 1880, Lisbonne.

En 1878, Monet s’installe à Vétheuil, petit village du val d’Oise mais Camille y décède à l’automne 1879. A la suite des grands froids de l’hiver 1879-80, la Seine est complètement gelée. Cette débâcle fascine l’artiste mélancolique, là encore, il peint au plus près, installant son chevalet sur le fleuve gelé. Il réalise plusieurs versions spectaculaires où les effets diffèrent selon l’angle de vue, l’environnement climatique et l’heure choisie.

 

Les trépidations de la ville moderne.

Après le paysage rural, Monet s’intéresse au paysage urbain, à la vie contemporaine et ses progrès…

 

 

Paysage urbain animé, le peintre observe la foule depuis une fenêtre. Perspective bien construite, les lignes se rejoignent au centre de la toile. Les trois couleurs d’un évènement républicain de la France moderne vibrent au-dessus d’une foule mouvante. La multitude de petites touches de couleur fait flotter les drapeaux au vent. Sous un ciel plus calme, les personnages croqués très vite marchent dans la rue.

 

La Rue Montorgueil, à Paris. Fête du 30 juin 1878, 1878, musée d’Orsay.

Les Déchargeurs de charbon. --- Le Pont du chemin de fer à Argenteuil, 1873.

Les Déchargeurs de charbon. --- Le Pont du chemin de fer à Argenteuil, 1873.

La Gare st Lazare, 1877, Orsay.

La grande verrière de la gare st Lazare lui offre un site de choix, elle laisse passer mais filtre la lumière. Monet obtient l’autorisation de peindre à l’intérieur du bâtiment. Les éléments rectilignes de la charpente métallique composent un cadre solide. Au premier plan la locomotive avance, le wagon, des cheminots au second plan, l’autre petite locomotive qui arrive au 3 ème plan donnent de la profondeur. En arrière-plan, les immeubles haussmanniens de la ville moderne sont bien reconnaissables. Les effets continuellement changeants des vapeurs qui s’échappent des locomotives et enveloppent les éléments modifient les effets de la lumière. Les machines et personnages traités de manière simplifiée renforcent le moment fugitif de la scène.

Les séries.

Meules de foin, fin de l’été, effet du matin, 1891, Orsay. Meules de foin, fin de l’été, effet du soir. 1891, Chicago.

Meules de foin, fin de l’été, effet du matin, 1891, Orsay. Meules de foin, fin de l’été, effet du soir. 1891, Chicago.

Travailleur acharné, il s’est toujours attaché à rendre les variations de la lumière sur un même sujet en fonction de la saison, des conditions climatiques, de l’heure. C’est tout naturellement qu’il entreprend de peindre des séries cherchant encore à capter l’instantanéité en installant plusieurs toiles du même format en face du même motif, les meules de foin (1890-91), les peupliers, puis la cathédrale de Rouen (1894) … travaillant vite, passant d’un tableau à l’autre en fonction de la course du soleil …

Les Peupliers, trois arbres roses, automne, 1891, Philadelphia. --- Les trois Arbres, été, 1891, Tokyo.
Les Peupliers, trois arbres roses, automne, 1891, Philadelphia. --- Les trois Arbres, été, 1891, Tokyo.

Les Peupliers, trois arbres roses, automne, 1891, Philadelphia. --- Les trois Arbres, été, 1891, Tokyo.

Les séries exposées à la galerie du marchand d’art Paul Durand Ruel remportent un franc succès, se vendent bien, apporte notoriété, et lui permettent d’acheter la maison à Giverny. Cependant Monet considérait qu’une série ne pouvait être comprise que si les différentes toiles étaient mises en relation les unes avec les autres, or les séries furent démantelées et vendues dans le monde entier.

 

Le jardin de Giverny.

L’aisance financière de Monet lui permet d’agrandir et d’aménager un magnifique jardin, créant un bassin. Il admire et collectionne les estampes japonaises (Hokusai, Hiroshige) qui arrivent dans les galeries et expositions en cette fin du 19e siècle. Il fait construire un pont « japonais » et chauffer l’eau des bassins pour y introduire différentes variétés de nénuphars. Le jardin devient sa seule source d’inspiration et son sujet d’étude.

Giverny. Collection d'estampes japonaises. Le pont japonais.

Giverny. Collection d'estampes japonaises. Le pont japonais.

 

 

Il y accueille notamment son ami Clémenceau. La personnalité et l’amitié entre ces deux vieillards au caractère bien trempés a beaucoup intéressé Jean -Yves. Clemenceau admirait, encourageait son vieil ami presque aveugle à se faire opérer.

        Nymphéas, 1914, Tokyo.                       Nymphéas, 1916-19.                       Nymphéas bleus, 1916-19
        Nymphéas, 1914, Tokyo.                       Nymphéas, 1916-19.                       Nymphéas bleus, 1916-19
        Nymphéas, 1914, Tokyo.                       Nymphéas, 1916-19.                       Nymphéas bleus, 1916-19

Nymphéas, 1914, Tokyo. Nymphéas, 1916-19. Nymphéas bleus, 1916-19

A la fin de sa vie sa façon de peindre en est modifiée. Si le rendu plus flou, des cadrages plus serrés sur certains détails peuvent laisser penser à certains que c’est une ouverture vers l’abstraction, elle ne correspond pas à la démarche artistique de Monet souffrant de plus en plus dans sa pratique de son handicap visuel.

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15 juin 2023 4 15 /06 /juin /2023 21:38

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Le mercredi 24 Mai à Batilly, la maison aux volets multicolores de la rue des Tilleuls nous accueille. Béatrice nous attend et nous emmène vers l’étonnante terrasse où des arbres de métal, des guirlandes de monstres, des fleurs féeriques nous font place...

Avec simplicité, Johu (c’est plus rapide que l’officiel Jean Hubert !) Thiam nous ouvre les portes de son monde. Petit fils d’Aimé Thiam et fils d’Albert Thiam, Johu est né dans une famille d’artisans d‘art. Aimé, artisan ébéniste inventif et doué, a créé la marqueterie en relief, après avoir fourni en meubles, avant-guerre, les Galeries Lafayette. Son fils Albert travaille dans l’atelier, et en Lorraine, tout le monde connaît ces tableaux d’intérieur typique, en marqueterie d’essences de bois variées, que tout bon messin se devait d’avoir accrochés à ses murs.

 

 

A 17 ans, Johu entre dans l’atelier familial dirigé par son père Albert, au côté de ses frères. Il commence à découper, sculpter, coller selon une technique bien codifiée, ce qui lui permet de d élaborer son savoir-faire technique.

Il suit des cours de dessin par correspondance et découvre la couleur à travers la peinture. C’est une révélation et un enchantement. L’esprit toujours en mouvement, explorant toutes sortes de techniques et de support, la main traduisant le torrent des images, Johu travaille le bois, le polystyrène, le plexiglas, le verre, le métal.

Nous suivons le maître des lieux dans ses deux ateliers aux murs couverts d’outils rigoureusement alignés, de centaines de feutres et de tubes colorés, de piles de papiers, cartons, et matériaux divers. 

A côté de panneaux de bois peints (merveilleuse expression d’une femme extatique), d’une vache rouge et d’un cheval bleu nous observant depuis leur toile, s’amoncellent des Graoully noirs ou blancs, des luminaires aux formes étranges, tout un monde inattendu et magique, comme si ce foisonnement prenait appui sur ces outils et cette matière première ordonnée avec soin pour pouvoir naître et s’épanouir.

 

 

Créer et faire, permettre à la main d’exprimer ce qui se cache dans la matière, voilà le travail de l’artiste. C’est cette idée que Johu met en œuvre quand il accompagne des ateliers pour des enfants de maternelle avec des étudiants de ENIM. Travailler comme passeur, permettre d’aider ses élèves à mettre en œuvre leurs sensations et visions : autre domaine d’élection.

A maintenant 75 ans, Johu Thiam ne veut plus travailler que par plaisir, s’amusant à faire cracher de la fumée à un monstre de métal ou trouver un système pour en faire une sculpture animée.

Quelques temps après la visite de l’atelier de Johu Thiam, sculpteur, plasticien et peintre, le 24 mai 2023.
Quelques temps après la visite de l’atelier de Johu Thiam, sculpteur, plasticien et peintre, le 24 mai 2023.
Quelques temps après la visite de l’atelier de Johu Thiam, sculpteur, plasticien et peintre, le 24 mai 2023.
Quelques temps après la visite de l’atelier de Johu Thiam, sculpteur, plasticien et peintre, le 24 mai 2023.
Quelques temps après la visite de l’atelier de Johu Thiam, sculpteur, plasticien et peintre, le 24 mai 2023.

Nous prenons congé de notre hôte, tout le monde a un sourire aux lèvres. En repartant, nous notons deux choses à faire : aller saluer le Graoully de l’Enim (atelier Jean Nau) et le Graoully de Woippy, route de Thionville (Atelier Hugon).  A.S.

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Droit à l'image

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Les Arts 57

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QUI SOMMES-NOUS ?

 

 L’association Les ARTS 57 poursuit un but non lucratif et a pour objet la promotion des valeurs et actions culturelles et artistiques au profit des populations des villages et villes qui souhaitent y participer.

 

Donner le goût de découvrir, de même que les clés pour comprendre, apprécier et porter un jugement critique seront les objectifs de ce cycle de  conférences dans nos villages.

 

Le but est également de réunir, dans nos villages, des personnes partageant la même passion.

 Nous programmons au moins quatre rencontres par an et organisons deux  à trois visites guidées en fonction des événements culturels  dans la Région.

 

Liste des membres du conseil d’Administration

 

Présidente :                 Martine ZIEGLER  

Vice-présidente :         Chantal RENNER   

Trésorière :                  Geneviève DIDELOT

Trésorière adjointe :     Brigitte CROUZET

Secrétaire :                  Arielle SILICE-PALUCCI 

Assesseur :                  Catherine BOURDIEU  

Assesseur :                  Chantal CLEMENT

 

 

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