Quelques temps après la visite guidée de la visite guidée du Cimetière de l'Est, le 20 octobre 2022.
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Jeudi 20 octobre 2022, 14h15, entrée principale du Cimetière de l’Est, LesArts57 ont rendez-vous avec Marie-Laure SCHUCK que nous retrouvons avec un très grand plaisir.
Malgré le temps un peu incertain, le groupe est complet. 25 personnes s’apprêtent à suivre notre guide-conférencière vers la partie la plus ancienne du cimetière, ouverte en 1834 sur le ban de Plantières et classée Monuments Historiques depuis 2003.
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Le cimetière historique occupe une surface de 2 ha50 avec un plan rayonnant autour d’un cercle tandis que la partie plus moderne, au plan en damiers, s’est progressivement étendue sur 18 ha.
A l’époque romaine, pour des raisons sanitaires et religieuses, la loi interdit l’inhumation des défunts à l’intérieur de la cité. Des stèles de la nécropole sud, (la Horgne, le Sablon) sont conservées au musée de la Cour d’or.
Au 9 ème siècle les cimetières entrent dans la ville autour des églises. Au 11ème siècle, la ville ne comporte pas moins de 40 églises !
En 1552, après le siège de Metz et la victoire d’Henri II, la ville française devient ville militaire et se transforme. Les cimetières sont rejetés à la périphérie. Cimetière militaire, cimetière protestant, cimetière juif, cimetière des pestiférés, des décédés lors d’épidémies, des cimetières appartenant aux hôpitaux… tous sont installés à l’extérieur de l’enceinte de la ville.
Fin 18ème siècle, après la Révolution, les cimetières intra-muraux sont interdits pour des raisons d’hygiène. L’ingénieur Gardeur-Lebrun, chargé de leur extériorisation, doit envisager des emplacements à l’abri des inondations. Les 3 sites de Pontifroy-St Vincent, Chambières et Bellecroix sont retenus.
Au 19ème, les besoins d’inhumation sont grandissants et devant l’urgence suite à l’épidémie de choléra en 1832, un accord est finalement trouvé entre la municipalité et l’inspecteur de la voierie, M.Silly, propriétaire du terrain. Le 4 juillet 1834, le cimetière de l’Est ouvre ses portes. Il comprend l’entrée principale située rue du roi Albert, une entrée avenue de Strasbourg, murs d’enceinte, et maison du gardien. Une deuxième entrée, avenue de Strasbourg, sera ajoutée un peu plus tard, lors de la création du cimetière protestant.
Avant de s’engager vers la partie historique, nous passons près d’un grand monument en l’honneur de Nicolas Jung, maire de Metz, décédé en 1924. Joli médaillon en bronze, œuvre d’Emmanuel Hannaux.
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En 1864, la fermeture du cimetière de Bellecroix entraine une première extension du cimetière et le rapatriement des sépultures. La plus ancienne est celle de l’évêque Nicolas Francin, décédé en 1802, en forme de pyramide en pierre de Jaumont, portant les attributs spécifiques : mitre, crosse, étole ...
Chapelle de la famille du Coëtlosquet.
Style néogothique pour cette chapelle construite début 20ème par la famille du Coëtlosquet. Issu d’une famille aristocratique, catholique, royaliste, originaire de la région de Morlaix, et fils de Caroline de Wendel, Maurice du Coëtlosquet, propriétaire du château de Mercy, était un érudit et grand bienfaiteur de la ville et de la région. Les armes et la devise de cette famille comtale figurent sur le tympan « Franc et loyal ».
Les différentes typologies des tombeaux reflètent non seulement les convictions religieuses, politiques, mais aussi la richesse des familles, leurs goûts artistiques…
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Les allées du cimetière historique sont herbacées, et il est recommandé aux visiteurs d’être attentif aux chutes de pierre et de ne pas se promener entre les tombes.
Obélisque, référence à l’égyptomanie en vogue au 19ème pour la sépulture de cet illustre professeur d’histoire naturelle Dominique Henri Louis Fournel. Sous le nom, une urne recouverte du voile de douleur. Sur une face : palmier, coquillages, reptile, fossile d’ammonite, montrent ses centres d’intérêt, et le livre ouvert : référence à l’enseignement. Sur une autre paroi, le symbole de la franc-maçonnerie : triangle, équerre, compas … de la Loge des Amis de la Vérité. Sur un autre côté : Minerve, déesse antique de la sagesse, avec son animal, la chouette, posée sur son casque…
Obélisque H.L. Fournel - Colonne tronquée du Capitaine Rouge - Obélisque J.C. Daga.
A côté, une colonne tronquée signifie une mort prématurée, celle du capitaine d’artillerie Rouge, né à Rennes, victime de l’explosion d’une salle d’artifice à 40 ans en 1848 au Polygone à Metz. Plus loin un autre obélisque mortuaire celui de Joseph Charles Daga, médecin d’une grande notoriété, décédé en1850.
Tombe V. Desvignes. Ph. J.L. Ligiardi. Tombe Hortense Pêtre et Tombe J.A Lasaulce. Ph. C. Clément.
Sur la sépulture simple de Victor Desvignes, fondateur et directeur de l’école de musique de Metz, joli portrait réalisé de profil, à l’antique, dans un médaillon de bronze par Charles Pêtre. Musicien, il jouait du violon, fréquentait l’atelier de Maréchal, faisait partie de l’élite messine. Un peu plus loin, tombes d’Hortense Pêtre et de J.A. Lasaulce, directeur de l’Ecole Normale. Médaillons réalisés par Charles Pêtre.
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Tombeau antiquisant en marbre du sculpteur Charles Auguste Pioche, qui a aussi beaucoup œuvré dans la ville. Sa fille a épousé Christophe Fratin, grand sculpteur animalier.
Immortalisé par cette belle sculpture en ronde bosse, le père Potot est né à Metz en 1771. Réalisée par Pierre Deny sur un bloc quadrangulaire en pierre d’Euville, Nicolas Marie Dieudonné Potot, est représenté priant, vêtu comme un jésuite, une jambe raide, suite à une blessure. Incroyable parcours : cet ancien avocat au parlement, « quitte la robe pour l’épée ». Puis chef de bataillon, mais après des blessures de guerre à la révolution, il « quitte l’épée pour le goupillon », et devient chanoine de la cathédrale de Metz. Personnage très important dans la ville, il œuvre pour un catholicisme social, ouvre une bibliothèque dans la paroisse de St Martin… Il meurt en 1837. Le vendredi saint, des chapelets sont encore accrochés à son pied, paraît-il, par des jeunes filles qui souhaitent se marier…
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Etonnant tombeau aussi, cette jolie statue a perdu sa tête, mise à l’abri du vandalisme dans un local. D’inspiration grecque, cette femme assise pose sa main gauche sur un sablier, le coude repose sur une urne funéraire couverte d’un voile de douleur.
Œuvre du sculpteur Deny en pierre de Jaumont, c’est la tombe d’un médecin militaire, libre penseur François Mansuy Ramponi (1777—1858). Têtes hellénistiques et flambeaux renversés sur l’avant, vases grecs, épée et serpent dans un fronton…
Une grande chapelle d’inspiration égyptienne pour la famille Bouchotte. Elle ressemble à une mastaba sur degrés. Les nombreux éléments de décor sur le fronton : cercle solaire, têtes de faucon, ailes déployées évoquent l’égyptomanie dans le rite de la maçonnerie. Jean -Baptiste Bouchotte, né à Metz en 1754, hussard pendant les guerres de révolution, colonel, il a nommé Bonaparte officier. Ministre de la guerre en 1793-94. Ses frères et neveux furent aussi de grandes personnalités plutôt républicaines. La fille de sa sœur est Amable Tastu, poétesse messine. Il se retira à Ban st Martin et y mourut en 1840. Ce monument en pierre blanche d’Euville est l’œuvre de Charles Augustin Pioche.
Jolie sépulture de cette famille, pierre de Jaumont, flambeaux retournés. Laurier, sablier du temps sur le froton, urne et voile de tristesse sur la porte. La fonte ornée utilisée pour la porte provient de la fonderie de Vaucouleurs et témoigne de l’essor industriel et de la sidérurgie en cette période du second empire.
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Magnifique sépulture pour Octavie Sturel-Paigné, peintre spécialiste de bouquets en pastel. Elle perd la vie lors de son 2ème accouchement à 34 ans, en 1834. La châsse-reliquaire en pierre de Jaumont, de style mosan (utilisé en orfèvrerie) renferme le sarcophage recouvert d’un voile. Décor raffiné, quadrilobé contenant ses initiales O-S-P.
Plus moderne, le tombeau de Félix Maréchal, grande figure messine, maire de Metz de 1854 à 1871, médecin hygiéniste très engagé dans l’embellissement de la ville. L’épitaphe liste les nombreux titres et distinctions de cet homme brillant. Très beau buste en marbre blanc sculpté de Charles Pêtre.
Un peu endommagé par les bombardements de 1944, ce tombeau dédié à la famille Simon présente un petit air de ressemblance avec celui de Napoléon. Famille de banquiers.
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Cénotaphe de la famille de Claude Jacquemin, dont les membres sont enterrés au cimetière de Préville à Nancy. Ce monument commémore une famille d’architectes ayant beaucoup œuvré à Metz.
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Sépulture originale, elle reproduit l’ancienne façade de l’église Ste Ségolène pour honorer l’abbé J.P. Martin, curé, archiprêtre de cette paroisse, vénéré, et décédé en 1868.
Etonnant aussi, ce monument rapatrié de Bellecroix, pour le Marquis J.J. de Foucauld, décédé en 1821. Colonel du génie, les emblèmes de sapeur : casque, cuirasse, fascine et gabion (tressage et muret de soutènement) … y sont sculptées de même ses distinctions honorifiques, légion d’honneur, couronne de laurier…
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Impressionnante chapelle funéraire de la famille Michels Maire, tanneurs. D’inspiration médiévale, style néo-roman, la partie supérieure ressemble à un clocher alsacien (église de Kaysersberg), architecte Claude Jacquemin et entrepreneur Thiébaut. Sculptures raffinées, les pommes de pin, symbole d’immortalité. Vitraux de L.C. Maréchal.
Ph. J.L. Ligiardi. Ph. C.C.
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Cette sorte de lanterne des morts style gothique flamboyant (rappelant celui de la basilique d’Avioth en Meuse) contient un vase recouvert d’un voile de douleur. Cénotaphe pour une jeune fille décédée à 17 ans : Constance Holandre. Suite à son décès en 1842, ses parents font construire l’Orphelinat de Sainte Constance pour jeunes filles, rue St Marcel, près du lycée Fabert. Jean-Jacques Holandre, pharmacien-naturaliste, bibliothécaire de la ville de Metz est, entre autres, fondateur de la Société d’histoire naturelle de la Moselle et de la Societé d'horticulture de la Moselle. Leurs portraits peints par A.Hussenot récemment redécouverts et restaurés sont accrochés dans le hall du foyer Sainte Constance ( déplacé au Sablon). Famille Holandre-Piquemal.
Cénotaphe de Constance Holandre. Edicule néogothique famille Gautiez.
Style différent pour cet édicule néogothique surmonté d’un christ en croix de la famille de l’architecte Charles Gautiez qui a beaucoup œuvré dans la ville.
Originale aussi la sépulture de Casimir Oulif, célèbre photographe messin. Elle imite un enrochement d’écorce de bois, et une croix, le tout en ciment. Etienne Casimir Oulif invente et améliore des procédés photographiques, réalise des portraits remarquables. Installé rue des jardins, il décède au moment où se prépare l’exposition universelle de Metz, en mars 1861, à 56 ans. Son fils le remplacera. Epitaphe touchante : « Son fils regrette en lui le meilleur des pères et ses amis l’homme de bien l’artiste aussi modeste qu’éminent. »
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Quelques tombes allemandes témoignent de la période d’annexion après 1870.
Dans la partie protestante, style différent encore pour le caveau de la famille Amos, brasseurs bien connus.
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Plus récent et plus moderne, ce tombeau en granit noir porte un joli médaillon en marbre blanc, de style Art nouveau, et une douleur, sculpture de jeune femme à taille humaine tenant un livre. Katharina Antonowitsch, est morte prématurément à 31 ans en 1912. Son époux, commerçant de confiseries, rue Serpenoise a aussi un destin tragique. Il est assassiné par des voleurs en 1919.
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Très intéressante balade, où chaque tombe nous fait découvrir la personne, son âge, sa profession, ses goûts, ses distinctions… maires, notables, curés, évêques, militaires, entrepreneurs, architectes, peintres, sculpteurs, tanneurs, pépiniéristes … qui ont participé à la vie de la cité racontant un peu l’histoire de Metz au 19 ème siècle.
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Dans le temps imparti, Marie-Laure a pu nous faire admirer de nombreux styles de tombeaux bien différents reflétant les courants artistiques du 19ème : néo-roman, néo-gothique, d’inspiration grecque, romaine, égyptienne ou certains plus originaux, … et nous donne envie de revenir se promener, profiter de la sérénité de ces lieux au milieu des belles pierres sculptées parfois habillées de lierre, vigne vierge, ou clématite…
Prochaine rencontre avec Les Arts 57 :
En décembre : Conférence « Les crèches »
par Catherine Bourdieu au Temple, place de la comédie, Metz.