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20 mai 2020 3 20 /05 /mai /2020 12:14

 

Tout comme les Néerlandais qui l’avaient élue peinture de l’année 2006, LesArts57 ont choisi « La Jeune Fille à la perle », comme une de leurs œuvres préférées. Cette huile sur toile de Johannes Vermeer est tête d’affiche du musée Mauritshuis, à La Haye.

 

Johannes Vermeer, La Jeune Fille à la perle, vers 1665, 44 x 39 cm, Mauritshuis.

La « Jeune Fille au turban », nom initial de la toile, fascine toujours autant. On a l’impression qu’elle est interrompue dans son mouvement, qu’on vient de l’appeler. Surprise elle tourne la tête. Le corps vers l’avant, la tête se tourne, les yeux poursuivent le mouvement. Le peintre réussit à lui faire balayer l’espace dans 3 directions (corps, tête, yeux…) lui conférant une posture dynamique.  Regard énigmatique, interrogateur, elle interpelle le spectateur avec quelque chose qui ressemble à de l’attente. Vêtements soignés, tissus raffinés, douceur des couleurs, exotisme du turban d’un bleu profond, étroitement et joliment drapé autour de sa tête.

 

                                                                     La Jeune Fille à la perle.                                                                      La Jeune Fille à la perle.

Une restauration en 1994 ravive les couleurs, fait apparaitre une tache rose à la commissure des lèvres et des éclats de lumière à différents endroits.

 

 

 

Aucun trait ne vient marquer l’arête du nez, ni la paupière inférieure, ni cerner la perle éclatante pendant à son oreille, tout est fluide incroyablement représenté.

 

La perle n’a pas de contours, elle se limite à quelques touches de blanc : en bas le doux reflet de la chemise, au-dessus des éclats de blanc, certains plus forts. C’est vraiment la lumière qui sculpte la forme. Placée au centre de la composition, elle attire notre oeil. Perle noire, argent poli, matériau miroitant, sphère de cristal ?  Les spécialistes du costume et de la bijouterie pensent qu’elle est trop grosse pour être vraie ! Elle suscite encore bien des interrogations.

 

 

Début 2018, pour analyser la belle, le Mauritshuis, cabinet royal de peinture de La Haye, a accueilli un laboratoire d’analyses mobile et vitré, des plus sophistiqués. Equipe composée de scientifiques et d’historiens de l’art.

                                                                     La Jeune Fille à la perle.

Durant deux semaines, le projet de recherche,  baptisé " The Girl in the Spotlight " - La jeune fille sous les projecteurs -, a soumis le tableau  à toute une batterie d’analyses non invasives parmi les plus abouties du moment (tomographie, fluorescence aux rayons-X, microscopie numérique, etc.) sans priver le public de sa présence.

 

Première découverte : sous l’aplat sombre de l’arrière-plan, dans l’angle supérieur droit, la figure de détachait sur une tenture vert foncé dont la couleur et les plis ont été effacés par le temps. Et, tout comme sa cousine italienne, la « Joconde du Nord » avait bien des cils fins.

Mais, ce sont surtout les gestes du peintre qui se révèlent. L’artiste aurait commencé à construire son tableau dans des nuances de brun et de noir déposées par d’amples et vigoureux coups de pinceau, avant de tracer la silhouette de la jeune fille par de fines lignes noires. Les scientifiques ont même retrouvé des poils de pinceau figés sur la toile et prouvé que Vermeer avait modifié la composition de l’œuvre en plein processus : la position de l'oreille, le haut du foulard et la nuque ont été décalés. Les images infrarouges confirment le travail du fond vers le premier plan : le visage, la veste jaune, le col blanc, le turban puis la perle.

Une telle analyse apporte aussi de nouvelles connaissances sur l'utilisation et l’origine des pigments. Deux pigments noirs différents : le charbon de bois noir bleuâtre et le noir osseux brunâtre. Les pigments provenaient du monde entier : les blancs d’Angleterre, les ocres (terres, oxydes de fer) d’Europe, mais aussi du Mexique et d’Amérique du Sud pour le rouge issu de cochenilles (présentes sur les cactus), et Inde ou Antilles pour l’indigo. Témoignage de la prospérité des Provinces-Unies, puissance commerciale et maritime dominante dans l'Europe du XVIIe siècle.

Lapis-lazuli d'Afghanistan

 

L’outremer du turban était fabriqué à partir de lapis-lazuli d’Afghanistan, pierre semi-précieuse qui, au XVIIe siècle, était « plus précieux que l’or ». Pour intensifier la couleur, Vermeer l’aurait chauffée à haute température et ainsi facilité son broyage.

 

 

Apparemment, Vermeer sélectionnait aussi soigneusement des pigments blancs de plomb aux propriétés optiques et fluides différentes pour obtenir des transparences subtiles. Il a donné du volume à la fameuse perle en superposant des couches de peinture blanche translucides et opaques, une à partir de pigment « plus blanc que blanc » qui réfléchit la lumière très efficacement et un autre qui semble un peu grisâtre, créant ainsi une illusion de relief.

Analyse microscopique des couches de peinture de la peau du visage en coupe : pigments rouges, ocres, plomb blanc.

Analyse microscopique des couches de peinture de la peau du visage en coupe : pigments rouges, ocres, plomb blanc.

 

Né en 1632 à Delft, Johannes Vermeer est le fils d’un ancien tisserand devenu aubergiste, exerçant occasionnellement une activité de marchand de tableaux. Il passe toute son existence à Delft, où il épouse en 1653 Catharina Bolnes, issue d’une riche famille catholique. Ils auront onze enfants. Vermeer, à la différence de beaucoup, ne peint pas pour vivre. Quarante-cinq tableaux environ, lui sont attribués, soit deux à trois par an en moyenne. Ils étaient acquis à des prix relativement élevés par une poignée de riches amateurs.

Autoportrait supposé de Vermeer dans l’Entremetteuse, 1656.

 

À la fin de sa vie, les guerres et la chute brutale du marché de l’art tarissent ses revenus. Accablé par les problèmes financiers, il meurt à l’âge de quarante-trois ans en 1675. Après son décès, sa femme et sa belle-mère ont tout fait pour empêcher la saisie et la vente du tableau connu sous le nom de L’Atelier du peintre ou L’Art de la peinture, auquel elles semblaient, avec l’artiste, attacher une valeur particulière. Vermeer y représente, dans son cadre familier, un peintre vêtu à la mode du XVIe siècle, travaillant à son chevalet.

Johannes Vermeer, L’Atelier du peintre, vers 1665-1666, huile sur toile, 120 x 100 cm, Vienne.

 

Artiste de premier plan, pourtant, après sa mort, le peintre de Delft tombe peu à peu dans l’oubli,  et il faudra attendre le XIXe siècle pour qu’il soit redécouvert.

Signature de Vermeer, dans le coin supérieur gauche du tableau. Pour plus de visibilité, les contours ont été redessinés sur ce document. 

La Jeune Fille à la perle est singulière dans l’œuvre de Vermeer qui peint surtout des scènes de genre, mettant souvent en scène des femmes dans leur quotidien, mais un quotidien plutôt aisé. Si l’on a longtemps pensé que Maria, la fille ainée de Vermeer, adolescente, aurait pu servir de modèle, cette toile semble plutôt être un portrait  idéalisé, une étude caractéristique d'une expression du visage. Ce serait une œuvre dont l'objet est de représenter une physionomie, ici peut être un personnage portant un vêtement exotique.

 

La Jeune Fille à la perle de Vermeer est une icône adulée, copiée, détournée. Si l’étude scientifique lève le voile sur certains de ses secrets, la belle et énigmatique  " Joconde du Nord"  garde tout son charme mystérieux et n’a pas fini de nous fasciner.

  Ch. Cl.  mai 2020.

 

Image composite de « La Jeune Fille à la perle », à partir d'images tirées du projet « Girl in the Spotlight », © Sylvain Fleur / Girl in the Spotlight.

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