Nous étions une quarantaine à retrouver avec grand plaisir Catherine Bourdieu, Maître de conférences à l’Université de Lorraine de Metz, nous faire découvrir l’œuvre de Jean-Léon Gérôme, (1824-1904), l’un des plus célèbres peintres orientalistes. L’exotisme a toujours fasciné et stimulé la créativité des artistes, écrivains, peintres, sculpteurs … A Amsterdam, Rembrandt revêt « Balthazar » prince de Babylone d’un costume oriental somptueux (17ème), la Sultane de Van Loo (18ème) évoque l’Orient dans un environnement plutôt européen (architecture, balustrades, végétation …). Au 19ème, les expéditions, voyages rassemblant archéologues, dessinateurs, peintres, photographes donnent un regain d’intérêt pour l’orientalisme. (Victor Hugo : les orientales, 1829).
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Jean-Léon Gérôme, découvre l’Italie avec son maître parisien Paul Delaroche (1797-1856) peintre d’histoire néoclassique dont l’œuvre la plus connue est « Les enfants d’Edouard ». Les fils d’Edouard IV vont être assassinés. Inquiétude perceptible des garçons blottis l’un contre l’autre, petit chien en alerte, rai de lumière indique l’arrivée des assassins…drame suggéré.
J.L. Gérôme, professeur de peinture à l’Académie des Beaux-Arts pendant 40 ans est aussi un grand voyageur dans l’Est de la Méditerranée : Grèce, Turquie, Egypte … Il en rapporte photographies, croquis, objets. C’est un peintre d’atelier qui crée grâce à sa mémoire, sa grande aisance picturale et s’inspire de collection d’objets orientaux. Il peint des scènes de la vie quotidienne, les rend vraisemblables, les idéalise, elles n’ont aucune valeur ethnographique car elles sont magnifiées (contrairement aux « femmes d’Alger de Delacroix qui résultent de croquis précis de carnets de voyage).
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Il n’a jamais voyagé dans un pays où il y avait des tigres mais les a observés au jardin des plantes. Lié au courant orientaliste du 19ème, les animaux d’Afrique et d’Asie affluent en Europe. Témoin ce magnifique tigre à l’affût, dans un paysage reconstitué grandiose, surplombant une plaine, une armée minuscule au loin…Il recrée un Orient imaginaire et on y croit !!! Sa formation néoclassique, sa connaissance de la composition, de la couleur, de l’éclairage…restituent l’impression avec une touche fine et talentueuse.
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Les ténèbres tombent, la cohorte de romains s’en va par un chemin rocheux, Jérusalem encore éclairée au fond…Au sol les 3 ombres partielles de la crucifixion, interprétation originale, inédite qui bouleverse les codes de la représentation habituelle, aspect tragique puissant, le spectateur doit imaginer le reste de la scène.
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En 1863, il décide de créer des tableaux liés aux souvenirs de la campagne d’Egypte par Bonaparte (1801). A la manière dont il représente l’expédition, il donne l’impression qu’il y était ! Le point de vue choisi montre Bonaparte et la troupe passant à côté de lui. Chevaux, costumes, éclairages, coloris, aspect lumineux, poussière donnent beaucoup de réalité… Les ombres au sol coupées subtilement par la bordure du tableau donnent un meilleur effet de mouvement et crée un lien avec le spectateur qui doit mentalement reconstituer l’extérieur du tableau.
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Scène de vie quotidienne : marchand de « cheval » : architecture décrite précisément, costumes égyptisant reconnaissables au premier coup d’œil, homme en retrait à la fenêtre qui assiste à la vente, serviteur fait courir le cheval devant l’acheteur. Les bâtiments en biais créent une perspective, donnent du relief ; ce sont des architectures qu’il a pu voir.
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Vue du Caire : un angle de vue met en valeur le minaret, représentation nouvelle popularisée par les peintres paysagistes de Barbizon : cadrage d’un élément intéressant au détour d’une promenade, portrait architectural du minaret, maisons et personnages peu détaillés, c’est une impression de voyage !
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Photo de l’expédition de 1885. J.L. Gérôme allongé au pied des palmiers. Les casques coloniaux, ânes et palmiers expriment l’Orient, la photo est construite, elle doit témoigner et être identifiable.
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Inspiration provenant de l’empire ottoman :
Gardien du harem : pittoresque, fonction qui n’existe pas en Europe, porte solide, encadrement pierres ornementées, turban, colori lumineux. Il est grand par rapport à la porte, impressionnant, dissuasif, armes : hache, sabre. Il regarde le peintre : échange, comme si le peintre déambulait et se retrouvait face à ce personnage austère.
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Harem dans kiosque : sortie des femmes dissimulées sous bonne escorte des gardiens, le peintre décrit le kiosque, le soldat exotique, matériaux, couleurs. Le kiosque rappelle les constructions métalliques qui apparaissent dans les jardins européens au 19ème, ville fortifiée, colline, mer, impression de réalité.
Thème de la femme au bain, intéressant pour les artistes du 19ème pas libérés des tabous. La femme ne peut être dévêtue que dans un contexte historique, mythologique ou religieux. L’orientalisme offre occasion inespérée de représenter le nu féminin dans un autre contexte. Ce sont des études dessinées de modèles qui posent en atelier. Gérôme place des détails identifiables, tissus, faïences. Le soleil qui frappe une partie du mur décolore le ton : grande maîtrise de la lumière, de la composition. Impression de chaleur extérieure par le mur, aspect rafraichissant du bain intérieur. La touche est lisse, l’épiderme féminin doux, laiteux, clair, porcelainé à la manière d’Ingres. Gamme colorée froide mais réchauffée par les rayons du soleil. L’eau utilisée comme un miroir permet de multiplier les poses de nu féminin.
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Arnaut : mercenaire garde du corps au service du Sultan dans l’empire ottoman, s’amuse, tourmente gentiment le chien : coté espiègle de Gérôme. Attitudes, couleurs, tissus, textures, symboliques des intérieurs représentés avec beaucoup de réussite.
Bachi-bouzouk : mercenaire cavalier au service du Sultan dans l’empire ottoman. Gérôme prend des figures anonymes qui posent dans son atelier, crée des portraits à l’occidentale : de ¾ académique, mais innove avec le ¾ de dos mettant en valeur le profil, transpose des costumes. Contraste des coloris, luminosité, effet d’éclairage très réussi sur les manches rappellent les costumes soyeux des courtisanes du 18ème.
Caravane devant ville fortifiée, ligne oblique : permet de tout représenter de manière équilibrée, harmonieuse. Fourmille de détails : homme boit, longue file de la caravane, démarche des chameaux, palmeraie, verts variés…
Caravane arabe devant une ville fortifiée en Egypte. coll. part. Caravane, 49 cm x 81 cm, coll. part.
Caravane soleil voilé : longue colonne commerciale de chameaux, gamme colorée restreinte, composition appuyée par le triangle formé par les 3 personnages vêtus de la même couleur bleue. Le triangle dans une composition est gage de solidité, équilibre, harmonie. Petit format de la toile (49cm x 81 cm) mais impression d’immensité.
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Charmeur de serpent, toile très connue. Faïences caractéristiques, spectateurs attentifs, musiciens : mouvements de la flûte pour faire bouger le serpent. Atmosphère particulière : vulnérabilité du jeune garçon dévêtu, pourtant bien campé sur ses jambes, geste large, spectaculaire avec l’animal dangereux, fascination pour une certaine violence de l’Orient.
La peinture de J.L.Gérôme longtemps traitée de «pompier », considérée comme peu intéressante utilise des procédés académiques mais innove à partir de techniques fortes (cadrages, point de vue, …), de détails pittoresques. Ce n’est pas une peinture instinctive mais construite, réfléchie. Il transcrit une réalité magnifiée pour répondre au goût des amateurs et collectionneurs, beaucoup d’américains lui achètent ses tableaux. Il réussit tellement à faire croire que ce qu’il peint est réel que le cinéma en Italie, comme à Hollywood trouve dans ses œuvres des sources d’inspiration de genre péplum !
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Durant les vingt dernières années de sa vie, Gérôme se tourne vers la sculpture, il est attiré par le geste du sculpteur qu’il décrit. Gérôme observe et peint Gérôme sculpteur. Il a photographié toutes les étapes de son travail et a légué toutes les photos à la Bibliothèque Nationale.
Le sculpteur amoureux de sa statue à laquelle il donne vie : pieds et jambes encore minérales, la partie supérieure devient vivante. Autoportrait de Gérôme sculpteur plus jeune, corps idéalisé, musclé (influence néoclassique, antiquisante).
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« Fin de séance » : le modèle couvre ou découvre le modelage : soit elle couvre la sculpture d’un linge humide pour aider le sculpteur, soit elle la découvre pour voir comment son corps a été sculpté. Mouvement transitoire.
La fin de sa vie est tourmentée par l’hostilité qu’il manifeste envers les peintres réalistes et impressionnistes, arc-bouté sur les vertus de la peinture académique, il faudra attendre longtemps pour redécouvrir l’originalité et la qualité de son œuvre.
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Prochaines sorties avec Les Arts 57 :
excursion le samedi 4 juin, Vaux, Courcelles-Chaussy, Landonvillers, Sillégny…
Participation pour cette journée (tout compris : transport en autobus, entrées, visites commentées, repas)
38 euros pour les adhérents
45 euros pour les non-adhérents
Tél : 03 87 32 05 03 - 06 74 91 25 39
Réponse pour le 30 Mai
En juillet , le jeudi 7 , visite guidée de la basilique st Vincent, repas au petit séminaire « les amis de st Louis », puis visite guidée de la porte des Allemands.
Tél : 03 87 32 05 03 - 06 74 91 25 39