Grand succès de cette rencontre avec le couple mythique Frida Kahlo et Diego Rivera…Nous étions plus d’une centaine à partager l’intérêt de Mr Jean–Yves Bègue, passionné d’histoire de l’art, pour ces icônes de la peinture mexicaine. C’est lors d’un voyage au Mexique, qu’avec son regard de médecin, il est touché par les œuvres de Frida Kahlo, artiste au destin si tourmenté. Très connue dans son pays, puis aux États-Unis, sa notoriété mettra plus de temps à parvenir en Europe, elle inspire encore de nombreux artistes : ouvrages, expositions, le film « Frida » en 2003 de Julie Taymor avec Salma Hayek, des couturiers : Jean Paul Gaultier…, même Madonna et Lady Gaga s’identifient à elle…
Frida Kahlo, photo de Nickolas Muray, 1938. Maison bleue de son enfance. Actuel Musée Frida Kahlo, Mexico.
Frida Kahlo, née en 1907 à Cocoyan, faubourg de Mexico, de mère métisse espagnol-amérindienne, très pieuse, et d'un père photographe d’origine allemande, cultivé, peintre occasionnel, plus chaleureux… Atteinte de poliomyélite vers 6 ans, elle en gardera une jambe atrophiée… Jeune fille rebelle, bonne éducation, envie de liberté, de voyages, d’études de médecine, s’intéresse à la politique, s’engage pour l’émancipation des femmes, époque post révolutionnaire mouvementée au Mexique.
Mes grands-parents, mes parents et moi. 1936
Huile et tempera sur métal. 30.7 x 34.5 cm.
Elle y figure ses parents, ses grands-parents maternels au-dessus de la terre mexicaine, ses grands parents paternels par delà l'océan. Elle représente aussi le moment de sa conception (ovule fécondé par le spermatozoïde), son état de fœtus dans le ventre maternel et enfant nue dans la maison bleue de son enfance avec sa jambe malade.
En 1925, c’est l’accident, gravissime, elle a 18 ans… le 17 septembre, un tram percute son bus, il y a des morts, elle survit mais bassin perforé, multiples fractures : jambe, colonne vertébrale, épaule,… nombreuses opérations chirurgicales, longue convalescence, alitée... Son père lui prête ses couleurs, installe un chevalet adapté, un baldaquin avec miroir au-dessus de son lit. Elle va réaliser un grand nombre d’autoportraits (55 sur 143 œuvres) : « je me peins moi-même parce que j’ai beaucoup de temps et parce que je suis le sujet que je connais le mieux.»
Frida Khalo,
Autoportrait à la robe de velours. 1926
premier autoportrait, naïf, lisse, lumineux, destiné à son ami Arias.
influence Renaissance italienne : doigts effilés, c’est son « Botticelli», et aussi femme longiligne, figée, comme chez Modigliani.
Le temps vole. 1929
regard figé, elle revendique sa "mexicanité" : sourcils épais caractéristiques des brunes, (parfois se dote même de moustaches ), collier..
En 1928, elle rencontre Diego Rivera (1886-1957), de 20 ans son ainé et dont elle admire les œuvres. Il peint au palais national de grandes fresques colorées racontant l’histoire du Mexique. Muraliste, fresquiste déjà très connu, il a voyagé, vécu à Montparnasse, foyer d’effervescence artistique, admire Cézanne, se passionne pour le cubisme, connait Picasso …
Ses kilomètres de murs peints sont comme des livres adressant des messages au peuple. Depuis l’époque précolombienne : olmèques, mayas, aztèques, leur mode de vie , adoration des dieux, sacrifices humains…, soleil, lune, l’arrivée des espagnols, Cortez, leurs 600 chevaux, les massacres, jusqu'au XX ème siècle : les dictatures corrompues, le clergé, la révolution de 1910, des personnages sont reconnaissables…
Diégo et Frida se marient rapidement en 1929. L’ « union de l’éléphant et la colombe» selon les parents de Frida est tumultueuse, passionnée, tous deux engagés politiquement, et viscéralement attachés à leur terre mexicaine.
Sollicité par les États –Unis, il réalise des fresques à San-Francisco en 1930, à Détroit pour Ford en 1932 ; les peintures industrielles le fascinent. A New-York, Rockefeller lui commande des fresques, mais provocateur, il y place un visage de Lénine… il ne cède pas, sa fresque est détruite.
Frida Khalo. Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les Etats–Unis.1932 Henry Ford Hospital.1932. ou Le lit flottant.
Quant à Frida, sa terre natale lui manque, son désir de maternité se solde par des avortements, véritables traumatismes qu’elle met sur ses toiles.
fig 1 : À gauche : temple maya, soleil, lune, statuette précolombienne, végétation colorée, Frida est tournée vers ses origines, drapeau mexicain en main, à droite l’industrialisation de Détroit, le drapeau américain voilé par les fumées, les fils électriques se connectent aux racines végétales mexicaines…Les relations États-Unis Mexique sont tendues …
fig 2 : Évocation de sa fausse couche, nue baignant dans son sang sur son lit d’hôpital, reliés par des cordons ombilicaux, au centre : le fils qu’elle vient de perdre, à gauche son ventre vide, en dessous, orchidée coupée = vie trop courte du fœtus, anatomie du bassin blessé … souffrance, solitude sont représentés dans un langage pictural naïf et direct, et comme sur un ex-voto : la date et lieu du drame sont indiqués : « julio de 1932 », « Henry Ford Hospital, Detroit ».
Rentrés à Mexico, Diego obtient un visa pour Trotsky (1937) qu’il admire et l’héberge quelques temps. Nombreuses infidélités de Diégo, vie tumultueuse du couple, ils divorcent en 1939 pour se remarier en 1940 !
Les Deux Fridas, 1939.
173 x173.5cm
Muse d’art moderne, Mexico.
La Frida de gauche, fragile, robe blanche, teint blafard, cœur brisé, regard lointain sans espoir, empêche son sang de couler grâce à la Frida de droite, forte, virile, mexicaine, robe traditionnelle, qui tient en main le portrait de Diego, relié par un vaisseau à son cœur, lui-même relié au cœur de l’autre Frida. Rôle vital de son mari dans sa vie : sans lui elle se vide de son sang. Cette grande toile représente la douleur de leur séparation.
En 1940, André Breton admiratif de son art écrivait " l’art de Frida Kahlo de Rivera est un ruban autour d'une bombe ", il veut l’exposer à Paris, mais quand elle arrive avec ses toiles, la désorganisation lui laisse un mauvais souvenir. Elle se défend d’appartenir au groupe des surréalistes : « je ne peins pas les rêves, je peins ma réalité».
Autoportait au collier d'épines, 1939-1940 51x64 cm Austin,Texas Autoportrait au singe et perroquet, 1942 43x54 cm Buenos Aires, Argentine.
La Colonne brisée, 1944.
40 x 30.5, Huile sur bois aggloméré
Musée de Mexico
Sa santé décline de nouveau… douleurs telles qu’elle ne peut plus rester debout ni assise et doit porter un nouveau corset d'acier, représenté sur cette toile. Corps criblé de clous, ouvert en son milieu. La colonne vertébrale, représentée sous la forme d'une colonne de pierre antique brisée, prête à s'effondrer, visage marqué par la souffrance, larmes,... A l’arrière : paysage dévasté, à l’image de sa vie sans enfant. Pourtant ce corps dénudé, digne affirme sa féminité et sa force.
Au cours des années quarante, Frida Kahlo est de plus en plus appréciée, et peint beaucoup. Malheureusement son état de santé s’aggrave…, elle se rend couchée à l’exposition tant espérée, qui lui est consacrée à Mexico en 1953 et participe encore militante en fauteuil roulant à une manifestation en juin 1954…
Atteinte d’une grave pneumonie, elle meurt dans la nuit du 13 juillet 1954, à 47 ans. Les derniers mots de son journal furent " J'espère que la sortie sera joyeuse… et j’espère bien ne jamais revenir ". Sur sa dernière toile "Pastèques", peinte peu avant de mourir, elle a écrit : "Viva la Vida ". Elle est incinérée comme elle le désirait : "Même dans un cercueil, je ne veux plus jamais rester couchée !"
Son œuvre, racontant sa vie intime est indissociable de celle de Diègo, tous deux étaient passionnés : passion l’un pour l’autre, passion pour la vie, passion pour leur pays. Leur « mexicanité » souvent provocatrice les a élevés au rang d’icône dans leur pays.
Prochaine sortie avec les Arts 57 : le 12 mai à 14h 15, visite guidée des arches d'Ars et de Jouy, vestiges de l'aqueduc antique de Metz , avec Mr Claude Lefebvre, professeur d'histoire et spécialiste d'archéologie.
adhérent: 3 Euros, non adhérent : 5 Euros
Prochaine conférence : le 19 mai à Sainte-Marie-aux-Chênes : " l'orientalisme en peinture. l' oeuvre de Jean-Léon Gérôme" par Catherine Bourdieu, professeur à l'université de Metz.
adhérent: 3 Euros, non adhérent : 5 Euros
réservation par mail : lesarts57@hotmail.fr
ou par tel : 03 87 32 05 03